Au Royaume
Pr Ouafa Mkinsi, chef du service rhumatologie à l’hôpital Ibnou Rochd
Une sommité en rhumatologie qui agit avec le cÅ“ur, En 2004, elle fonde l’Association marocaine de lutte anti-rhumatismale. Elle multiplie les actions bénévoles pour les populations démunies.

«L’homme est un roseau pensant», disait Blaise Pascal, un peu pour montrer combien la faiblesse et la fragilité peuvent être érigées en atouts majeurs, juste en sachant plier là où il faut et dans le sens qu’il faut. Il est des personnes qui illustrent cette idée plus que d’autres. Il en est ainsi de la Pr Ouafae Mkinsi, une sommité en rhumatologie au Maroc, qui dégage une énergie contrastant de manière saisissante avec sa vulnérabilité physique et sa tendance à vouloir passer inaperçue. Mais elle en impose autrement à la cinquantaine de personnes qui compose son service, installé provisoirement à l’hôpital Ibnou Rochd -le Maroc compte quelque soixante services de médecine et de chirurgie au total.
Hormis un stage d’une année à l’hôpital Cochin à Paris, elle a fait toutes ses études au Maroc
Ce n’est pas un hasard, non plus, qu’elle est, depuis 2004, la présidente de l’Association marocaine de lutte anti-rhumatismale à laquelle adhère la quasi-totalité des 250 spécialistes que compte le pays dans cette discipline. Et puis, ce n’est pas fortuitement que des privés ont mûri l’idée de prendre en charge entièrement la construction d’un nouveau bâtiment pour héberger le service de rhumatologie de Casablanca alors que la Pr Ouafae Mkinsi ne nourrissait que l’ambition de retaper l’ancien.
Dans peu de temps, elle va prendre possession de son bâtiment flambant neuf et entièrement financé par des donateurs qui se sont mis à plusieurs pour réunir l’enveloppe nécessaire. La Pr Mkinsi ne connaît pas le montant total, mais les travaux se sont faits dans les règles de l’art et selon les normes internationales les plus avancées en la matière. Bientôt, le service disposera de 32 lits et, nouveauté, d’un hôpital de jour. Bref, la Pr Mkinsi a plus d’un tour dans son sac quand il s’agit de fédérer des volontés autour d’une cause. Elle vient ainsi de convaincre «Pharmaciens sans frontières» de doter son association de médicaments pour des actions ciblées. Tout récemment, la Pr Mkinsi a convaincu aussi la mairie de Casablanca d’accorder une subvention conditionnée de 200000 DH. «Si nous n’arrivons pas, dit-elle, à susciter un intérêt suffisant pour disposer de subventions de l’Etat, pourquoi ne pas se tourner vers les collectivités ? Même si le montant est symbolique, on peut dire que le geste est assez fort».
Ouafae Mkinsi est née à Kénitra en 1954 et elle n’a pas d’explication à sa passion pour les mathématiques depuis toujours. C’est une brillante élève qui, après des études primaires à l’école publique, n’aura pas de mal à s’inscrire à la Mission française, surtout à l’époque, dit-elle : «Je n’ai pas eu grand mérite car à l’époque c’était assez ouvert et, en plus, gratuit». C’est au lycée Honoré de Balzac qu’elle décroche son bac «sciences expérimentales» en 1972. Elle n’envisage pas, du moins pas tout de suite, d’aller étudier en Europe. Elle s’inscrit à la Faculté de médecine de Rabat. Et en 1978, elle est médecin interne au CHU de Rabat et choisit de se spécialiser en rhumatologie à partir de 1980. La suite sera ponctuée par un stage d’une année, entre 1982 et 1983, à l’hôpital Cochin à Paris. Et c’est en 1988 qu’elle obtient le titre dont elle rêvait tant, celui de professeur agrégé. Entretemps, c’est au CHU de Rabat qu’elle va travailler jusqu’en 1991, date à laquelle elle devient chef de service et rejoint Casablanca pour constituer son équipe. Elle se souvient que le service de rhumatologie a dû, au départ, cohabiter dans les mêmes locaux avec d’autres spécialités comme la gastroentérologie.
Plus de 14 000 personnes ont bénéficié des consultations gratuites de son association
Mais dès que le service se met en place, la Pr Ouafae Mkinsi milite pour créer son association puis commence à organiser des actions médicales ou des consultations ambulatoires d’abord dans des quartiers défavorisés de Casablanca notamment à Sidi Othman, Derb El Fida puis Tit-Mellil ou aussi dans des régions éloignées comme à Zagora, en partenariat avec une association française. Bon an mal an, l’Association marocaine de lutte contre les maladies rhumatismales arrive à réunir quelque 2 MDH, à travers l’organisation de spectacles, ou en collectant des dons. Ces fonds sont utilisés pour mener les actions de prise en charge de malades démunis, que ce soit en urgence, ou lors de tournées dans des quartiers défavorisés. Là, les médecins tombent sur des cas où ils doivent agir sans tarder soit en distribuant des médicaments après consultations gratuites ou par des prises en charge immédiates de malades dont l’état est dans une situation d’extrême gravité. Ce sont plus de 14 000 personnes qui ont bénéficié des consultations gratuites de l’association à ce jour. Mais la professeur Mkinsi explique qu’il n’y a pas que cela : «Il y a de très nombreux cas où des bienfaiteurs prennent à leur frais, soit les médicaments pour un ou plusieurs patients, soit des opérations ou encore des prothèses, matériel coûteux par ailleurs». Et puis, insiste encore le chef de service de rhumatologie de Casablanca, «il faut comprendre qu’au sein de l’Association marocaine de lutte contre les maladies rhumatismales, il n’y a pas que les médecins mais aussi d’autres bénévoles comme les infirmières, les secrétaires et les assistantes sociales qui nous accompagnent et qui œuvrent en permanence pour la pérennité d’une action qui n’a été interrompue qu’en 2010, à cause des risques que ce genre de rassemblement pouvait faire encourir à tout le monde, au moment de la peur suscitée par le virus H1N1». Ces actions vont reprendre, assure la Pr Mkinsi qui a dédié toute sa carrière au service de la collectivité.
