Au Royaume
Mustapha HADDOUCH : L’homme qui a imposé les produits du terroir marocain aux Etats-Unis
Parti en 1980 aux Etats-Unis pour poursuivre ses études, il a dû vite travailler pour survivre.Aide-cuisinier, serveurÂ…, il commence au bas de l’échelle avant de fonder sa propre entreprise.
Il fait fabriquer, au Maroc, de l’huile d’olive, des conserves de cà¢pres… qu’il distribue aux restaurants, grandes surfaces et épiceries.
Il exporte chaque mois 20 tonnes de produits.

Dans la vie, il faut foncer et s’attendre à souffrir car il n’y a que l’effort qui soit payant. Quand Mustapha Haddouch fit ses valises pour les Etats-Unis en 1980, avec 500 dollars en poche, il ne mesurait pas combien son «odyssée» allait être semée d’embûches. Non seulement il ne savait pas qu’il partait à l’aventure, mais il était persuadé qu’avec les quelques cousins et amis lointains installés dans le pays de l’Oncle Sam, il allait s’en sortir sans trop de difficultés.
Dès le premier jour, les choses avaient commencé à mal tourner. En effet, il a dû débourser 150 dollars rien que pour le taxi qui l’avait conduit de l’aéroport à l’université de Dallas, très isolée, où il devait étudier et loger.
Et les jours suivants allaient lui confirmer que son séjour ne sera pas de tout repos quand, après l’achat de quelques livres, ses ressources avaient complètement fondu. Dès lors, il comprit une bonne fois pour toutes qu’il allait devoir refaire ses calculs et surtout travailler pour survivre car il ne pouvait compter sur personne.
C’est que ses parents, comme ses proches, l’avaient mis en garde et l’avaient prévenu qu’ils ne pourraient lui apporter aucune aide. Mustapha Haddouch devait, parfois, mettre ses derniers dollars dans un appel téléphonique de détresse au Maroc pour demander vainement une assistance financière à ses parents. «Tu voulais aller aux Etats-Unis, tu y es ! On t’avait bien dit que nous ne pourrions rien faire pour toi parce que nous avons du mal à subvenir à nos propres besoins !». C’était toujours la même réponse qu’il recevait.
Né en 1961 dans une famille modeste de quatre enfants dont le père était caissier dans une banque et la mère femme au foyer, il n’était pas particulièrement préparé à vivre en autonomie dans un pays aussi lointain. Pourtant, dès qu’il obtient son bac «sciences expérimentales», il se met en tête de partir aux Etats-Unis, «le pays de rêve où il va vivre de vrais cauchemars» avant de devenir l’homme d’affaires avisé qui a déjà réalisé un chiffre d’affaires de 15 MDH en 2009, à travers l’importation de produits du terroir du Maroc pour quelques grandes surfaces, restaurants et épiceries fines de différentes villes américaines.
Et pour lui, ce n’est là qu’un modeste commencement car sa société, «Haddouch gourmet import», installée à Meknès et à Seattle, n’en est qu’à ses débuts.
Il a dû travailler pour deux dollars de l’heure pour survivre
Entre son arrivée à Dallas où il ne tiendra que quelques mois et son installation définitive à Seattle, en 1982, il fera plusieurs escales, notamment à Northwood où il s’inscrit au Northwood business institute puis Daytona où il avait été recruté dans le mini smart d’une station-service.
A Seattle, les débuts furent tout aussi difficiles. Sans papier et sans permis de conduire, il accepta même de travailler pour 2 dollars de l’heure. Il n’était donc plus question de poursuivre des études pour lesquelles il fallait verser jusqu’à 4 000 dollars par an. Après plusieurs petits boulots, il devient l’homme à tout faire dans le restaurant d’un Marocain, tenu par un gérant américain qui ne le «portait pas dans son cœur», se souvient-il. Heureusement qu’au bout de quelques mois, il est recruté comme serveur dans un restaurant libanais. Progressivement, sa rémunération s’améliore pour atteindre 10 dollars de l’heure sans compter les pourboires.
A partir de 1986, il intègre un restaurant plus chic, le Roover’s, qui recevait des clients aussi célèbres que Bill Gates ou Henry Kissinger et tous les hauts cadres de la société Boeing basée à Seattle. C’est à partir de cette période que le jeune Mustapha va commencer à prendre de l’assurance et envisager de monter sa propre entreprise. Il s’en explique : «Je voyais comment les choses marchaient et je côtoyais hommes d’affaires et personnalités de tous bords et je comprenais que dans le monde du business, tout est affaire d’opportunités. Or, les produits marocains ont leur place dans les magasins américains. Il suffisait de trouver des entrepreneurs réguliers, au niveau de la qualité, de l’hygiène et des délais. Mais c’est cela qui a été le plus difficile».
Pour l’exercice en cours, sa société a déjà réalisé un chiffre d’affaires de 15 MDH
Ce n’est donc qu’en 1997 que Mustapha Haddouch a effectivement créé sa société qui sera opérationnelle quelques années plus tard. Il a commencé d’abord par l’huile d’olive, avant de s’attaquer aux câpres (un condiment) et aujourd’hui à la harissa (purée de piment rouge). Et puis, dit-il, la liste n’est pas limitative. Il faut juste installer le business et entrer en contact avec, d’un côté, le circuit de distribution et les restaurateurs intéressés aux Etats-Unis, et, de l’autre, les professionnels de l’agro-industrie marocaine. Aujourd’hui, «Haddouch gourmet import» est en train d’atteindre sa vitesse de croisière et expédie un conteneur de 20 tonnes de produits par mois aux Etats-Unis. Elle emploie 10 personnes permanentes à Seattle et 30 personnes au Maroc.
Mustapha Haddouch veut franchir d’autres paliers et compte ainsi diversifier ses sources d’approvisionnement en commençant par s’installer à Marrakech. A terme, son idée est d’imposer la cuisine marocaine aux Etats-Unis. «Il n’y a pas de raison pour ne pas bousculer la cuisine italienne et française qui ont les faveurs des Américains», explique-t-il. Notre homme, pour avoir travaillé à tous les niveaux de la restauration, reste convaincu qu’il y a du potentiel, lui qui a vu comment ont évolué les goûts et les habitudes de consommation des Américains par rapport à il y a 30 ans, quand il avait commencé en épluchant pommes de terre et ail dans les cuisines.
