Au Royaume
Miloudi Moukharik : Après 35 ans de militantisme, il devient le patron du plus grand syndicat du pays
A peine arrivé dans la Fonction publique, il crée la Fédération nationale de la formation professionnelle en 1975.
Il travaillera pendant de longues années sur les plus gros dossiers, dans l’ombre de Mahjoub Benseddik qui en fera plus tard son véritable bras droit.
En décembre 2010, la consécration enfin : il est élu secrétaire général de l’UMT.

Miloudi Moukharik, le nouveau secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT), est un tribun né. L’homme parle comme il respire, c’est-à-dire sans effort, sans prétention et même, peut-on dire, sans intention déclarée de vous convaincre. Et c’est peut-être là sa botte secrète : cette manière désintéressée de prendre la parole en public avec l’aisance qui est la sienne. Et quand on lui demande comment il a cultivé son éloquence, il affirme n’en rien savoir et tout devoir au syndicalisme et à sa vie de militant. Pour autant, il avoue qu’il y a des circonstances où un discours préparé et argumenté s’impose ; lorsqu’il s’agit de stratégie, par exemple, ou encore en fonction de l’auditoire.
Miloudi Moukharik a une trajectoire que l’on peut qualifier d’atypique, même si l’histoire du syndicalisme dans le monde en regorge. Il est né en 1950 à Casablanca et, premier signe du destin peut-être, pas très loin du siège de l’UMT, à l’avenue des FAR. Encore enfant, il se souvient d’ailleurs des imposants défilés du 1er Mai de l’époque où il accompagnait son père. Au sortir de l’école primaire, le jeune Miloudi va suivre une formation technique à ce que l’on appelait «la Ferme blanche», puis deviendra formateur à l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). Plus tard, il s’inscrit à la Faculté de droit de Casablanca pour obtenir une licence en droit. Et ce n’est que plus tard qu’il suivra le cycle supérieur de l’ISCAE.
Combatif et bon négociateur
Il faut croire qu’il était branché dès le départ sur le syndicalisme puisqu’il va créer en 1975, une année après son entrée dans la Fonction publique, la Fédération nationale de la formation professionnelle, affiliée à l’UMT. C’est là son premier exploit. Le deuxième coup d’éclat, il le doit à la tentative de l’Istiqlal de noyauter la structure qu’il venait de créer. Il va sortir ses crocs, comme il dit. Il est d’une telle combativité que le syndicat, grâce à lui, gardera la main sur l’OFFPT. Probablement, sa première rencontre avec Mahjoub Benseddik, en 1981, n’est pas étrangère à ces faits d’armes.
Cependant, il fallait attendre encore quelques années avant d’obtenir la reconnaissance du secrétaire général de l’UMT, même si ce dernier avait certainement pressenti tout le potentiel du jeune Miloudi. Le vrai coup de pouce se produira en 1984 lors du congrès national de l’UMT où il est nommé membre de la commission administrative du syndicat. Entre ce moment et 1989, date à laquelle il devient membre du secrétariat national qui ne comprenait que 7 personnes, M. Moukharik aura fort à faire avec les activités d’organisation du syndicat dont il a la charge officielle : encadrement des différentes représentations à travers le pays, des fédérations régionales, de la jeunesse syndicale…
Le syndicat est sur tous les fronts et ce n’est pas un hasard, dit-il, si l’UMT est à l’origine de 34 conventions collectives, par exemple…
Cette intense activité ne l’empêchera pas de parcourir le monde pour faire connaissance avec les autres mouvements syndicaux et de suivre des stages à l’Université de Moscou, bien sûr, mais aussi à Miami ou encore au Japon, en France et en Italie.
Durant une longue période, Miloudi Moukharik va travailler en interne sur la mise en place des structures. Et c’est sûrement la reconnaissance du travail dans l’ombre de Mahjoub Benseddik qui lui vaudra toute la «visibilité» qu’il va avoir, plus tard, comme chef de la délégation de l’UMT dans les rencontres du dialogue social avec les différents gouvernements. Il poussera un coup de gueule mémorable, lors des premières négociations alors présidées par Driss Basri : «Nous ne pouvons négocier avec un ministre qui nous donne un semblant de sourire de convenance lors des séances de débat et qui nous envoie les troupes de police à la sortie pour nous dissuader de défendre les intérêts des travailleurs».
Depuis plus de 20 ans, il a travaillé sur tous les gros dossiers sociaux
Même scénario avec Abderrahman Youssoufi, mais cette fois-ci la manière est différente. «Avec tout le respect que j’ai pour l’ancien secrétaire général de l’USFP, je me devais d’interrompre des négociations où il n’y avait pas de propositions concrètes et tangibles», dit-il.
Le nouveau secrétaire général de l’UMT a été de tous les gros dossiers sociaux : le Code du travail, dont son syndicat a rédigé le préambule, l’Assurance maladie obligatoire (Amo), l’extension des allocations familiales aux ouvriers agricoles, la réforme des retraites.
A côté de cela, il fallait aussi gérer le quotidien du syndicat marqué par des conflits comme celui des ports ou de grosses grèves comme celle des cheminots de 1995 qui a duré un mois et deux jours.
Mais, explique le syndicaliste, au bout du compte, une augmentation de salaire, une revalorisation du régime indemnitaire et une amélioration des conditions de travail ont pu être arrachées.
Adoubé par ses camarades pour succéder à Mahjoub Benseddik qui a aligné une soixantaine d’années à la tête de l’organisation, Miloudi Moukharik rêve de renouveau pour l’UMT qui doit s’ancrer dans la modernité en commanditant des études ou en revisitant ses structures, avec ses 46 unions régionales, 26 fédérations professionnelles et 9 syndicats. Il explique que de nouvelles méthodes de gestion doivent être appliquées pour la gouvernance d’un syndicat dont seulement 350 000 règlent assidûment leurs cotisations sur les 820 000 qu’il compte. Vaste programme !
