Au Royaume
Littéraire, diplomate, il se reconvertit avec succès dans le textile
Titulaire d’une licence et d’un master en anglais, il a enseigné pendant plusieurs années avant d’intégrer la diplomatie en 1982.
En 1987, il décide de mettre un terme à sa carrière de conseiller économique d’ambassade pour que ses enfants ne perdent pas leur culture.
Son credo : l’innovation et l’audace.

On croit toujours que pour accéder au monde des affaires, il faut des dispositions particulières, de la chance, souvent des appuis et… surtout, être un sans-cœur. Le parcours de Mohamed Tamer, président-délégué de Bogart, grand groupe dans le textile, nous convainc du contraire. L’homme a, certes, fait des études mais c’était pour devenir enseignant. De là, la diplomatie lui tend les bras. Le reste, tout le reste, viendra un peu à son insu, ou presque.
Mohamed Tamer, qui est également président de l’Association marocaine de l’industrie du textile et de l’habillement (Amith), veut aujourd’hui s’impliquer dans la vie des patrons de manière plus directe et plus globale puisqu’il brigue le poste de vice-président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (Cgem) en tandem avec Mohamed Horani qui, lui, est candidat à la présidence.
Né à Casablanca en 1947, comme son père, du reste, il ne renie nullement ses origines soussies. De Tamri, bourgade située entre Essaouira et Agadir, connue pour ses bananes succulentes. Le père de Mohamed Tamer est d’abord commerçant spécialisé dans le thé, avant de se lancer dans la boulangerie moderne. Il fut un des premiers investisseurs locaux à se lancer dans cette activité. Ce qui fait que le jeune Mohamed n’aura aucun mal à financer ses études. Pourtant, il choisira ce qui se présentait comme la solution de facilité à l’époque : les lettres modernes.
Pari gagné sur le textile
Après son Bac obtenu en 1965, il change de cap et s’inscrit, en anglais, à l’université Mohammed V. Quand il obtient sa licence en 1969, l’enseignement est son seul débouché. A partir de là, Mohamed Tamer mène une vie paisible jusqu’en 1975 où la fondation Fulbright lui offre une bourse mensuelle de 300 dollars pour préparer un master aux Etats-Unis. Jusque-là l’idée de créer une entreprise ne lui traverse même pas l’esprit. De retour au Maroc en 1977, et à peine a-t-il recommencé à enseigner à l’Ecole normale supérieure (Ens) de Rabat, qu’il est recruté par le ministère des affaires étrangères en tant que premier conseiller de l’ambassade du Maroc à Londres.
Puis sa carrière va prendre une nouvelle dimension. En 1982, feu Hassan II, sur les conseils de Azzeddine Guessous, décide de créer le corps des conseillers économiques. Mohamed Tamer est choisi et suit une formation, comme ses pairs, à l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (Iscae) durant six mois. Il est ensuite affecté à Copenhague au Danemark. Il se souvient avoir tout de suite mis en contact des hommes d’affaires notamment dans le domaine des mines et de la fleur coupée. Il restera en poste jusqu’en 1985.
Après 8 ans à l’étranger, il se rendit compte que ses enfants commençaient à perdre leurs repères. De peur d’en faire des déracinés, il décide de rentrer au pays. Du coup, il quitte l’administration publique et la diplomatie et déniche un domaine pour investir : le textile, et spécialement le jean et le sportwear. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il a vu la mutation des habitudes vestimentaires qui a glissé de la tenue officielle et guindée vers des mises plus détendues et, comme on dit, «plus cool». Le succès sera au bout. Au départ, il constitue un petit tour de table qui permet de collecter 500 000 DH pour créer son entreprise, Bogart. La société recourt ensuite à des emprunts bancaires pour réaliser un investissement initial de 2 MDH.
L’effectif atteint aujourd’hui un millier de personnes contre 40 au démarrage. Le chiffre d’affaires est passé de 3 MDH à 200 millions. Entre-temps, l’entreprise a développé d’autres activités, notamment la franchise de «Levi’s» dont il est un fournisseur de longue date. Mais Bogart travaille avec une clientèle variée sur toute l’Europe et les Etats-Unis.
Il veut inciter ses pairs à explorer de nouveaux marchés
Ayant montré tout son talent de manager et engagé dans la modernisation du secteur, Mohamed Tamer est choisi en 2007 par la profession pour présider aux destinées de l’Amith. Il ouvre alors deux chantiers et commandite deux enquêtes. La première, baptisée «Vision 2015», sera abandonnée car elle fait double emploi avec le plan «Emergence», préparé par le gouvernement, que la profession a adopté et auquel elle est associée. La deuxième enquête est en cours et porte sur la perception de la clientèle étrangère des produits nationaux.
Pour Mohamed Tamer, les atouts du Maroc sont les ressources humaines dont la qualité est grandissante, la proximité avec l’Europe, son ouverture et sa tolérance. Maintenant, «nous devons travailler sur des chantiers comme l’innovation et l’audace». Il s’en explique : «Pourquoi faut-il rester seulement sur les marchés traditionnels ? Je connais des entreprises de taille moyenne qui exportent vers la Chine. C’est pour partager ces expériences et suivre leur évolution et en explorer d’autres que je veux faire de l’Amith un espace de confrontation d’idées. Et je veux aussi, à travers des études et des enquêtes, chercher à avoir de la visibilité pour aller vers des terrains où nous aurons notre mot à dire». C’est d’ailleurs un des aspects du programme qu’il veut aussi concocter pour son mandat à la Cgem, s’il se fait élire.
