Au Royaume
Les vrais boulets
Les années où le ciel est moins clément, on assiste toujours à la montée du même et éternel débat : Comment se fait-il que l’économie marocaine soit encore, en 2018, aussi tributaire de la pluie ? Le plus souvent, les questionnements et analyses vont plus loin en mettant au centre du débat, évidemment, le secteur agricole que d’aucuns n’hésitent pas à traiter carrément de boulet pour la croissance…à tort.
Car, paradoxalement, quand on décortique les données statistiques et autres indicateurs sur les 15 voire les 20 dernières années, les vrais boulets de l’économie sont ailleurs et ils sont nombreux.
Le premier gros boulet de notre économie est justement dans toute l’activité hors agriculture, en l’occurrence les secteurs de l’industrie et de certains services, qui n’arrivent pas depuis 20 ans à dépasser une croissance de 2 à 3%. Pourtant, beaucoup de ces secteurs ne sont pas directement tributaires de la pluviométrie, contrairement à l’agriculture qui, quel que soit le niveau de modernisation atteint, est naturellement impactée par les aléas climatiques.
Il est bon de rappeler quelques chiffres pour savoir de quoi on parle. Entre 2000 et 2014, comme le démontre la dernière publication conjointe de la Banque mondiale et du HCP en novembre, les secteurs autres que l’agriculture ont créé quelque 1 660 000 emplois dont 600 000 dans l’hôtellerie et la restauration. Le reste, soit 1000000 d’emplois, a été le fait de tout le reste et tout cela sur 15 ans. Sur la même période, l’industrie, elle, a créé moins de 1 000 postes par an, au moment où le secteur agricole en a créé 10 000, soit dix fois plus. La part de l’industrie dans le PIB n’arrive toujours pas à dépasser les 14%, alors que celle de l’agriculture avoisine bon an, mal an les 20%. S’il y a un boulet, ce n’est certainement pas l’agriculture.
Au moment où l’on parle de réfléchir à un nouveau modèle de développement et où le gouvernement cherche les moyens pour mieux orienter les politiques publiques, il ne serait peut-être pas inutile d’établir, entre autres outils de suivi, une matrice nationale retraçant la rentabilité et l’efficience socioéconomique, par projet, par secteur, voire par filière. Cela servirait aux décideurs pour savoir, une bonne fois pour toutes, ce que chaque secteur coûte à la communauté, en termes de ressources, d’investissements et de dépenses publiques, et la contribution réelle économique et sociale qu’il apporte en contrepartie en termes de créations de richesses, d’emplois, de points de croissance, de revenus générés mais aussi en termes de cohésion et de stabilité sociales.