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Au Royaume

Le trader devenu producteur de cinéma

Ingénieur en informatique de formation, il a été trader pendant dix ans au sein de la Société Générale. Après 17 ans d’expatriation, il revient au pays créer un fonds d’investissement avant de racheter une maison de production. Il a investi 13 millions de DH pour la production du dernier film Casa Negra.

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Aimer ce que l’on fait est la meilleure garantie de le réussir. C’est que l’on y met naturellement passion et volonté et que l’on est porté par l’idée d’y trouver du bonheur. Ali Kettani, producteur du film Casa Negra, fait partie de ceux que l’on peut ranger parmi cette catégorie de personnes qui ont suivi cette voie et de surcroît ont eu la chance d’avoir une vie si pleine à 40 ans, à peine.
Son secret ? Ne pas se laisser emprisonner par un objectif mais aller au gré d’une idée, d’une gageure, d’un challenge. L’essentiel est de ne pas être obnubilé par la seule idée d’un profit.
Tout jeune, il est attiré par les mathématiques, avant de se spécialiser en informatique. Une fois ingénieur, il est tellement fasciné par le métier de trader qu’il finit par franchir le pas. Il exerce d’abord en France puis à New York. Et comme ce n’est pas un accident, cela va durer dix ans. Il va, tout de même, mettre fin à cette carrière, même si cela lui rapporte beaucoup d’argent. Quand il décide de rentrer au pays, il ne sait pas trop ce qu’il veut y faire. La seule chose claire dans sa tête est qu’il veut se mettre à son propre compte. Aujourd’hui, il est producteur de cinéma. Quand on lui demande où est le fil conducteur dans tout cela, cela lui paraît évident. D’abord, explique Ali Kettani, «faire ce qu’on aime n’a rien à voir avec faire comme on veut. C’est tout le contraire car les règles élémentaires sont justement la rigueur, l’effort et une attention de tous les instants ». C’est pourquoi le passage du métier de trader à celui de producteur s’est fait naturellement. «Auparavant, je prenais des sortes de paris avec l’argent des autres et j’étais récompensé par de grosses primes. Aujourd’hui, je prends des risques sur des scénarios que je finance pour en faire des succès qui vont attirer du monde, générer du plaisir et rapporter de l’argent pour vivre mais aussi pour continuer à produire des films», explique-t-il.

Il s’est constitué une petite fortune grâce à son métier de trader
La vie de Ali Kettani est un vrai poème car elle est plurielle. Sa naissance à Dakar, en 1968, où son père est commerçant n’y est pour rien. D’ailleurs, sa famille rentre tout de suite après au bercail. Et c’est à Casablanca qu’il fera ses études dans une institution privée puis au lycée Lyautey où il obtient un bac «c» (mathématiques) en 1985. Ensuite, il part au lycée Saint-Louis à Paris pour ses prépas en mathématiques supérieures et spéciales. A l’Ecole nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications (ENSEEIHT) de Toulouse, il obtient son diplôme d’ingénieur en systèmes d’information et en électronique. Il se rappelle encore de la bourse de 700 francs français qui n’aurait certainement pas suffi à financer ses études si sa maman, grossiste en lunetterie, après la mort de son père, ne lui avait pas apporté l’aide matérielle nécessaire.
Ali Kettani commence sa vie active en 1991, juste après ses études, à Cap Gemini, en qualité d’ingénieur d’études. Mais il n’y reste qu’une année. Il quitte ce groupe pour la Société Générale à Paris où il est trader puis responsable de ligne produit avec une équipe de 40 personnes sous sa direction et un budget de 60 millions d’euros. En 1998, il est affecté à la filiale de New York où il est «managing director» à la tête d’une équipe de 60 personnes essaimées entre cette ville, Londres, Paris et Tokyo. Naturellement, il se constitue une petite fortune dans cette activité fort lucrative.
C’est après 17 ans d’absence qu’il revient au pays en 2002. Il fonde d’abord un cabinet de conseil en investissement qui existe encore. Puis il va faire le grand saut en rachetant pour 12 MDH (en fonds propres) les parts de Fayçal Laraïchi dans la société de production audiovisuelle «Sigma production» en 2003.

2 MDH pour un seul épisode de téléfilm
Il continue une vie exaltante avec la production de documentaires, de courts et longs métrages mais aussi d’émissions télévisées et de films d’animation. Ses clients sont aussi bien les télévisions nationales que des chaînes internationales comme Al Jazeera ou France Télévision. Ali Kettani aime son métier et se félicite de l’avoir choisi sans se douter du bonheur qu’il y a trouvé. Après la production de El Kadia, un téléfilm en 9 épisodes pour 2M, six courts-métrages, Casa Nayda, et plusieurs émissions de télévision, le dernier moment fort de cette carrière de producteur qui ne fait que commencer a été Casa Negra. Ali Kettani est tout subjugué par cette réalisation : «Un tournage est une période de fièvre intense et pour Casa Negra cela a duré huit semaines et demie. Il fallait être partout pour apporter des solutions aux innombrables problèmes qui surgissent. Mais il a fallu aussi débourser 13 MDH et cela représente une grosse prise de risque, surtout en ces moments où le public a commencé à déserter les salles de cinéma. Mais je suis sûr qu’il va aller voir ce film qu’on a fait d’abord pour les Marocains. Je suis, en effet, persuadé qu’il faut commencer par une sincérité locale pour espérer conquérir l’universel».
Ali Kettani a encore plein de projets dans son escarcelle. Et pour se donner les moyens de les réaliser, Sigma vient de sceller un heureux partenariat avec Atcom, filiale de Financecom (groupe Benjelloun) qui a acquis 51 % de la société de production audiovisuelle. Il s’en explique : «Il y a des moments de développement d’une entreprise qu’il faut saisir au vol. Et cette alliance vient à point nommé car nous comptons finaliser beaucoup de projets notamment un film d’animation pour 30 millions d’euros. Nous sommes dans une activité très capitalistique. Une simple émission télévisée peut coûter jusqu’à 500 000 DH, un épisode d’El Kadia revenait à 1,5 MDH et même 2 millions. Il est vrai que, pour Casa Negra, nous avons eu un co-producteur et la participation du Centre cinématographique marocain (CCM) et 2M, mais les fonds à mobiliser pour produire peuvent être phénoménaux».