Au Royaume
Le matheux qui veille sur les retraites de la CIMR
Ingénieur des mines, il refuse un poste confortable à l’ONE pour enseigner les mathématiques.
En 1983, il est le deuxième ingénieur à intégrer
les assurances : il y restera 18 ans.
En 2003, il prend en main la CIMR et en fait une caisse pérenne.

«Et nos retraites?» On ne peut faire l’impasse sur la question quand on rencontre le Pdg de la CIMR, même si le sujet du moment, c’est plutôt lui-même puisqu’il s’agissait de faire son portrait. Nullement démonté, ce dernier arbore un sourire complice avant de vous rassurer : «La pérennité de la caisse est assurée au-delà de 60 ans». De fait, dès le premier contact, Khalid Cheddadi vous donne l’impression d’être dans la confidence, de faire partie d’un cercle restreint. Une manière de désarmer l’interlocuteur ? Il doit y avoir de cela chez ce quadra qui allie charme et assurance.Sans doute sa manière de vous faire accoucher sans douleur, une applicationmathématique de la maïeutique de Socrate. Car Khalid Cheddadi estun matheux.
Né à Fès en 1957, au sein d’une fratrie de quatorzeenfants, il se rappelle avoir été un élève studieux. Le père, commerçant, avait l’habitude de montrer à sesinvités les bulletins scolaires de sa progéniture. Et l’enfantqu’était Khalid en tirait une grande fierté, car il y voyaitla reconnaissance de son mérite et de son talent. A huit ans, il s’inscritdans une bibliothèque et lâche déjà la bride à sadévorante curiosité, en se rappelant qu’il avait l’impressiond’avoir découvert un trésor.
En 1968, la famille s’établit à Casablanca, au quartier Polo,et c’est au collège El Fida puis au lycée Moulay Abdallahque le jeune Khalid use ses fonds de culottes d’élève brillantqui collecte les félicitations de ses professeurs. Il se rappelle le débutde l’arabisation, dont il garde un souvenir de désapprobation etmême de terreur. Bac math en poche, il s’engage dans des étudesde mathématiques pour s’adonner à sa passion de toujours,et décroche en 1979 une maîtrise de mathématiques à l’Université Pierreet Marie Curie à Paris. Il hésite alors entre un cursus de chercheuret un diplôme d’ingénieur. Il choisira la deuxième voie etintègre l’Ecole des Mines de Paris pour en sortir diplômé en1981.
De retour au bercail la même année, il se destine à une carrièrede fonctionnaire, un peu comme tous ceux qui rentrent au Maroc à cette époque-là.L’ONE lui ouvre ses portes, mais plutôt que de signer un engagementcontractuel sur 8 ans à des conditions avantageuses, il opte pour le servicecivil, le temps de voir venir. Bien lui en prend. Après dix mois, convaincuqu’il ne fera pas carrière à l’office, il choisit determiner son service civil ailleurs… à l’école Hassania,où il passera 14 mois comme enseignant de mathématiques.
Son service civil achevé, il pense à intégrer la banque: manque de chance, au début des années 80 le secteur ne recrutepas d’ingénieurs. Le DG de la BMCI l’oriente alors vers lesassurances et il intègre l’Alliance Africaine. Nous sommes en 1983,Khalid Cheddadi est le deuxième ingénieur dans un secteur en manquede visibilité et qui traverse une période trouble.
Il devient DG de l’Alliance Africaine en 1989
C’est durant cette période qu’il donnera la pleine mesurede son raisonnement cartésien. D’abord dans l’ombre, comme attaché à laprésidence, et puis comme haut cadre, directeur généralen 1989 à 32 ans, puis Administrateur directeur généralen 1993. La compagnie d’assurances passera d’un mode de gestion familial à desméthodes de travail plus modernes. Entre 1983 et 1990, son effectif tripleraet son chiffre d’affaires sera multiplié par dix, soit 400 MDH.Passée sous le giron du français GAN (Groupe des assurances nationales)en 1989, elle sera, un an plus tard, citée comme un exemple des unitésdu groupe à avoir su négocier sa mutation. Quelques annéesplus tard, quand le GAN aura besoin de se refaire une santé suite à lasévère crise financière qu’il traversait, c’esttout naturellement qu’il pense à ses filiales marocaines qu’ilcède au prix fort au groupe Benjelloun.
Pour lui, le mérite d’un gestionnaire, c’est de savoir détecterles talents cachés
A fin 2000, et après 18 ans de carrière au sein de l’AllianceAfricaine, qui allait être absorbée par Al Watanya, Khalid Cheddadiquitte le domaine des assurances et monte sa propre affaire, une master franchiseen location de voitures longue durée. Un créneau prometteur puisquela société, qui emploie une trentaine de personnes, réaliseaujourd’hui un chiffre d’affaires de 20 millions de DH.
Mais, alors qu’il pensait se consacrer à son entreprise, il estappelé en 2003 à la tête de la CIMR qu’il va s’atteler à moderniser.Procédures, système d’information, récompense du mérite,réforme du régime… Le Pdg institue des réunions mensuellesobligatoires au sein de chaque direction et des réunions trimestriellesqu’il tient lui-même avec l’ensemble de ses collaborateurs.L’idée étant de «rendre actives les capacitéscachées de la caisse en donnant la possibilité à chaqueemployé d’exprimer son avis et ses compétences». Enpeu de temps, il lance une réflexion sur la caisse et y associe tout lemonde. Il ouvre aussi cinq nouvelles agences en deux années à peine.Pourquoi faire ? Tout simplement, pour être plus proche des adhérentset les servir, mais aussi pour en recruter d’autres. En effet, plus ily aura de clients pour la caisse et moins sa pérennité et son équilibreseront en cause.
Et ce chantier est immense car, sur les 8 millions de travailleurs marocains,seuls 20% sont affiliés à la CNSS et, sur ces 20%, seuls 15 % bénéficientde la CIMR. Aujourd’hui, cette institution, qui emploie 130 personnes,a un encaissement de 2,7 milliards de DH et engrange des revenus financiers de820 millions de DH par an.
