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Au Royaume

Il marie deux univers, celui de la molécule et celui des affaires

A 7 ans, il parle le rifain, l’espagnol et s’initie à …l’arabe.
En début de cursus universitaire, il perd trois ans avant de trouver
sa voie : la biologie moléculaire.
Aujourd’hui, il est à la tête d’une entreprise française
propriétaire de dizaine de brevets et qui emploie 25 scientifiques.
Avec la CDG et Al Akhawayn, il réédite l’expérience
au Maroc.

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Parcours fascinant que celui de Hakim Kharrat (Abdelhakim sur l’état civil). D’abord parce que cet enfant originaire du Rif n’a pas été loin de rater sa vocation en se trompant en cours de route pendant ses études : il a failli d’abord s’inscrire en médecine sur insistance de son père, avant de perdre une année en BG (biologie-géologie) et deux en pharmacie. Ce n’est qu’après qu’il va trouver le bon chemin : la biologie moléculaire. Ce faux départ n’a jamais entamé son envie de briller car comme on le dit, «le problème n’est pas de tomber mais de se relever après chaque chute en regardant droit devant».
Mieux encore, après ses études scientifiques, Hakim Kharrat va se donner le temps de revenir à l’université pour un MBA dans le management de l’innovation et des technologies. Cela aussi s’imposait, affirme-t-il, car ce scientifique a découvert, depuis quelques années, que rien ne s’oppose à ce que son parcours académique se double de celui d’un homme d’affaires qui s’annonce redoutable. Il a créé, en effet, deux entreprises, l’une en France en 1999 et l’autre au Maroc en 2006.

Son père voulait faire de lui un médecin
Hakim est né en 1962 dans le Rif profond, précisément à Khemis Lakdim, à 15 km de Nador, d’un père rifain jusqu’au bout des ongles et d’une mère espagnole. Il doit à son père une capacité d’adaptation hors pair et à sa maman le besoin de découverte et un sens aigu du détail. Il est très tôt polyglotte. En effet, il maîtrise le rifain, parle l’espagnol, bien sûr, et s’initie dès l’école à sa première langue «étrangère» qui est l’arabe.
Et comme beaucoup d’enfants intelligents, le jeune Hakim n’aime pas l’école qu’il qualifie comme «un espace de contrainte, de rigueur qui surprend les petits» et où, enfin, la violence des condisciples comme celle des maîtres peut être une «brûlante» et cinglante réalité. Pour sa génération comme pour celle qui l’a précédée, et qui a bien connu la falaqa, les gifles du maître ne sont pas que de vaines menaces.
Cependant, le jeune Hakim découvre le calcul mental et se met en tête de devenir «matheux», au grand bonheur de ses parents. Plus tard, au lycée Abdelkrim Khattabi le fait d’être le premier en math, physique et sciences naturelles ne devra rien au hasard. La seule matière qui lui donnait du fil à retordre sera… l’arabe avec sa «grammaire» notamment.
Quand il obtient son Bac sciences ex. en 1983, et comme il a horreur de l’apprentissage «par cœur», il résiste aux injonctions de son papa qui voulait faire de lui un médecin. Il ne veut pas non plus aller en Espagne pour continuer ses études, comme le lui suggérait sa mère. Il choisira la Faculté de sciences d’Oujda pour faire BG (biologie/géologie) et y perdra une année. Ensuite, il fait ses valises pour la France dans l’objectif de poursuivre des études en pharmacie.

Il commence avec une aide de 200 000 FF accordée par le gouvernement français
Ce n’est que deux ans plus tard qu’il se rendra compte qu’il avait fait, une fois de plus, le mauvais choix. C’est alors qu’il s’inscrit à l’Université Paul Sabatier à Toulouse en microbiologie industrielle ; d’abord pour un Deug en 1986, puis pour une maîtrise en 1988. Se sentant enfin dans son élément, il va à Dijon pour un DEA et revient à Toulouse pour un doctorat à l’Université Paul Sabatier en 1993.
Une fois ses études bouclées, Hakim se veut citoyen du monde. Les maths ayant été supplantées par la biologie, il part enseigner dans un institut européen en Allemagne. C’est à cette période qu’il découvrira son autre vocation, celle d’homme d’affaires. D’ailleurs, avec une aide de 200 000 FF du gouvernement français, il crée «Millegen», société qui se spécialise dans la production de protéines thérapeutiques, des enzymes industrielles et de la biocatalyse. Cette entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 1,5 million d’euros (16,5 MDH) en 2006, emploie 25 scientifiques et a déposé plusieurs brevets. Et comme Hakim Kharrat est un perfectionniste de nature, il retourne à l’université entre 1998/99, précisément à l’Ecole supérieure de commerce à Toulouse, pour y passer un MBA. «Je devais m’initier aux techniques de management, de création et de direction d’entreprises car j’ai horreur du dilettantisme», justifie-t-il.

Aujourd’hui, Hakim Kharrat est en train de revisiter son pays natal une semaine sur quatre. D’abord pour enseigner à l’université Al Akhawayn pour former des ingénieurs en production et en recherche en biologie moléculaire. Ensuite pour mettre les dernières touches à la création de sa deuxième entreprise, Proténia, en association avec un autre chercheur marocain et ancien condisciple. Ils sont accompagnés dans ce projet par Bank Al Amal, le fonds Sindibad de la CDG (Caisse de dépôt et de gestion) et l’Université Al Akhawayn où il sera professeur associé à partir de septembre prochain.

Cette société, de droit marocain, produira des protéines recombinantes, des enzymes et des anticorps pour la recherche, le diagnostic, la pharmacie et l’agroalimentaire. Le montant de l’investissement est de 5 millions d’euros (55 MDH). De six personnes au démarrage, l’effectif passera à une centaine. C’est ce qui s’appelle trouver le bon filon.