Au Royaume
Hafid El Awad, architecte
Il voulait arrêter ses études, il a fini par devenir un brillant bà¢tisseur. Performant tout au long de son parcours scolaire, il a levé le pied l’année de son bac. Il a fini par l’obtenir deux ans plus tard.
Aussi bien sur le plan personnel que professionnel, le parcours de Hafid El Awad mérite qu’on s’y arrête. D’abord, parce qu’il ne doit qu’à la patience de son père d’avoir négocié le cap de l’adolescence et d’avoir continué des études qui vont lui ouvrir la perspective lui permettant de se réaliser. Ensuite, parce que, comme architecte, sa trajectoire résume l’histoire du Maroc qui a dû prendre à bras le corps et sans y avoir été préparé la problématique du logement social et sans s’adapter ni aux besoins spécifiques de ce type d’habitat ni aux attentes mal définies de la population cible, à l’instar de ce qui s’est passé autour du concept HLM, en France, par exemple.
D’ailleurs, Hafid El Awad milite activement pour la création d’un laboratoire national de réflexion sur cette question du logement social. En attendant, il est le fondateur d’une cellule de réflexion à laquelle il a associé Monique Eleb, autorité en la matière qui dirige le laboratoire «Architecture, culture et société», professeur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais et auteur de plusieurs livres sur la question. C’est une façon d’afficher sa préoccupation pour un cadre de vie harmonieux où peut s’épanouir la population.
Le militantisme politique lui a fait perdre deux années d’études supérieures
Dès ses premiers pas dans la profession et après son service civil, il débute dans le premier cabinet collectif national avant de créer son propre cabinet qui emploie jusqu’à 15 personnes selon les projets, dont 10 permanentes parmi lesquelles trois architectes. Il a conçu aussi bien des agences bancaires que des logements et son nom est associé à de grands projets d’habitat ou d’hôtellerie.
Aîné d’une famille de six enfants, Hafid El Awad est né en 1949 dans l’ancienne médina de Casablanca au quartier Bousmara. Il a été un brillant élève de la Mission française, jusqu’au bac. Mais là va commencer une période de flottement. Il va traîner les pas dans les études et c’est à son père qu’il doit d’avoir traversé cette grosse période de perturbation. Ce dernier lui offre en effet un voyage en Suède. A son retour, le voilà fin prêt pour passer, même tardivement, un bac technique et mathématiques avec mention en… 1971. Il part en France pour s’inscrire à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris.
Il s’embarque dans la politique en devenant militant à l’Union nationale des étudiants du Maroc (Unem) et membre de l’USFP. Cette vie militante exige un sacrifice. Au lieu des six années d’études, il en mettra 8 pour obtenir son diplôme, de 1971 à 1979. Il revient tout de suite après au Maroc et commence son service civil. Il est affecté à une équipe qui travaille sur la restructuration du bidonville de Ben M’sik, le plus important du Maroc à l’époque avec 700 000 habitants, un projet financé par l’Usaid.
L’idée était que l’Etat donnait le terrain où se situait chaque bidonville et que l’habitant était associé à la reconstruction en dur de son logis. Les émeutes de 1981 vont avoir raison du projet qui sera abandonné. Hafid El Awad, lui, va rejoindre le premier collectif d’architectes constitué par quelques-uns de ses aînés, même si la loi, comme pour les avocats, ne reconnaît ces professionnels qu’à titre individuel.
Le projet Dar Lamane qui sera plus tard primé par le prix Aga Khan d’architecture va être le premier concours remporté par le collectif emmené par Aziz Lazrak, Abderrahim Sijilmassi, Moumen Abdeljalil et Ahmed Lharti que rejoint le jeune architecte. Juste après, deux nouveaux concours vont figurer au palmarès du collectif : l’extension du projet Al Massira à Marrakech (300 ha) et l’Ecole nationale d’architecture dont l’étude sera finalisée mais qui sera déplacée à Bab Al Irfane au lieu des jardins du palais Moulay Ismaïl, initialement retenus.
Du logement social aux hôtels de charme, il est à l’aise sur tout type de bâtisse
Le projet portait sur 20 000 m2 couverts pour un montant de 60 MDH hors coût du terrain et des études. Bref, après cette belle première expérience, Hafid El Awad va se décider à ouvrir son propre cabinet en 1989. Il recrute une secrétaire et deux dessinateurs et son premier client allait être Wafabank qui lui commandait les plans de son siège du bd. Hassan II. Ce projet va lui ouvrir la voie et ce sera au tour de la BMCE, du Crédit agricole et de l’Erac Tensift, qui réalisait les projets de Sekkala à Essaouira (2 000 logements sociaux en auto-construction encadré par le cabinet) et de Mouilha à El Jadida comprenant 800 logements de moyen standing, de solliciter ses services.
Puis voilà que par le plus beau des hasards, Hafid El Awad va se voir proposer de concevoir et de suivre la dernière tranche du projet Attacharouk qui concerne Ben M’sick, le premier dossier sur lequel il avait travaillé comme architecte civiliste.
Mais Hafid El Awad va toucher à tout comme lorsqu’il remporte le concours national du Club Med palmeraie, un projet de 200 MDH sur 25 ha dont 40 000 m2 couverts qui va l’occuper de 2002 à 2004.
Un des grands moments de la carrière de Hafid El Awad sera la réalisation de l’Ecole d’architecture de Casablanca à Sidi Bernoussi, qu’il s’agissait de construire et de gérer. Un moment exaltant, selon lui. Mais l’architecte qui continue à y donner quelques conférences va se retirer de la gestion opérationnelle dès 2004. Bref, une carrière riche où la variété et la nature des projets menés par Hafid El Awad le disputent à leur ampleur et leurs spécificités comme des hôtels de charme ou des 5 étoiles, dont l’hôtel Salmane avec ses 61 suites et ces cinq riads.