Au Royaume
Elle parcourt le monde arabe pour prêcher les vertus de la technologie
Diplômée en mathématiques et en informatique, elle met ses compétences au service du PNUD.
A 44 ans, un parcours déjà riche : enseignante, haut fonctionnaire,
consultante internationale, conseiller de chef d’Etat…

Si on devait dresser le portrait de Najat Rochdi en une phrase, on dirait que c’est une personne pétillante d’intelligence et d’énergie. Ce bout de femme, au demeurant charmant, et qui dégage une forte personnalité, est en si constante ébullition qu’on a du mal à la cerner de prime abord. En perpétuel déplacement entre le Caire et différentes capitales arabes pour le compte du PNUD (Programme des Nations-unies pour le développement), afin de mener à bien sa mission d’information et de communication pour le développement de la technologie dans les pays arabes, elle est intarissable quand il s’agit de parler du concept des nouvelles technologies et de leur apport dans l’accélération du développement.
Mariée tôt, elle suit pourtant des études académiques très poussées
Najat Rochdi est née à Oujda, en 1961, dans une famille aisée. Aînée d’une fratrie de cinq sœurs et frères, elle développe très vite des capacités intellectuelles qui la placent dans un registre à part. Elle découvre ainsi les maths à travers sa passion pour les échecs, un exercice qui l’amusait déjà petite. Le reste coulera de source. Elle décroche son Bac en sciences mathématiques avec brio, en 1979. Pour l’anecdote, elles n’étaient que deux filles à avoir choisi cette branche dans toute la province. Son père, dont l’avis compte beaucoup pour elle, la laisse faire et l’encourage dans son penchant pour le raisonnement et la logique.
Curieusement, elle refusera d’aller vers les grandes écoles d’ingénieurs comme les filles et les garçons de sa génération. Après un Deug à Oujda qui, se rappelle-t-elle, ressemblait singulièrement à une prépa, grâce à des professeurs agrégés frais émoulus, c’est à Paris qu’elle suit un cursus qui la mènera vers une maîtrise en mathématiques, en 1983 (elle est 4e de toute l’université), puis, plus tard, vers un doctorat qu’elle soutiendra en 1992. En effet, elle ne préparera pas tous ces diplômes d’une traite. Elle préfère, reconnaît-elle volontiers, s’accorder des breaks. Alors, elle se donnera le temps de souffler, de goûter à la vie active et au mariage. Elle se marie d’ailleurs assez tôt, en 1981. Et comme elle est curieuse de tout, cette mère de quatre enfants s’intéressera à l’informatique et obtient un diplôme d’ingénieur. On la compte parmi les enseignants de l’Ecole des sciences de l’information de 1986 à 2000. C’était là, confie-t-elle, son rêve d’enfant. Cette battante va commencer à tâter à la consultation internationale dès 1992, parallèlement à son activité d’enseignement et de recherche. Son parcours est des plus édifiants et ne s’est jamais éloigné de son expertise sur l’utilisation des nouvelles technologies dans la lutte contre la pauvreté mais aussi comme vecteur de développement. Toujours partante pour des challenges, on la retrouve à la tête d’une équipe qui conseille le président mauritanien pour la libéralisation des télécoms dans son pays, ainsi qu’au secrétariat d’Etat aux postes et technologies de l’information, au Maroc, au moment où Larbi Ajjoul est à la tête du département. Attirée par l’administration, elle deviendra brièvement secrétaire général du ministère chargé des Affaires générales et de la PMI/PME, du temps où Ahmed Lahlimi était aux commandes de ce ministère.
Une charmeuse au caractère bien trempé
Mais Najat n’est pas faite pour la stabilité de l’administration. Elle assure des missions un peu partout dans le monde comme fonctionnaire internationale. A ce titre, elle passera 4 ans en France, 2 ans au Canada, une année au Liban et, depuis 2003, elle a posé ses valises au Caire comme chef de mission dans le cadre du programme de développement des Nations Unies (au Regional bureau for Arab States).
Elle résume son cheminement ainsi : «Les causes perdues ont une telle attirance pour moi que jamais je ne résiste à leur appel». Ceci étant, elle accorde une place très importante à sa famille et a dû refuser certaines missions devant la réticence de ses enfants à l’accompagner. Et, justement, comment fait cette femme, qui travaille 12 à 14 heures par jour, pour s’occuper de son foyer. «En s’entourant de collaborateurs intelligents, on peut dégager du temps qualitatif pour ses enfants et sa famille». Charmeuse, presque joueuse, Najat Rochdi est aussi une bûcheuse. Elle n’aura de cesse de s’assurer qu’elle a en main tous les atouts pour relever les défis qu’elle se lance. Elle est également mue par le besoin de s’affirmer comme femme mais aussi comme Marocaine. Et même si elle n’en parle qu’avec réticence, dans les sphères de haute performance où elle évolue, et où les hommes sont trop bien représentés, non seulement on a douté de ses qualités mais on lui a largement et «généreusement» mis les bâtons dans les roues.
Pour Najat, l’atout majeur du fonctionnaire international est d’avoir les moyens de travailler, la synergie des grandes structures et la visibilité. Mais attention, continue-t-elle, il ne faut surtout pas croire que ces missions sont des sinécures. Et puis, précise-t-elle, il ne faut pas oublier que les patrons de programmes sont évalués tous les six mois et que, si on ne donne pas pleine satisfaction, on est tout simplement remercié, poliment, certes, mais fermement. Autant dire que le stress n’est jamais loin et que les collaborateurs peuvent parfois en pâtir, mais ils l’acceptent de bon cœur.
En effet, la botte secrète de Najat Rochdi est d’avoir des trésors de patience pour faire souscrire ceux qui l’entourent à sa vision et à ses objectifs. Pour elle, «ceux qui oublient ou font semblant d’ignorer que leur travail d’animation n’est que la partie apparente de l’esprit d’équipe devraient préparer des retraites anticipées, car leurs réussites devront beaucoup aux accidents. Or, les accidents n’assurent pas des carrières durables»
