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Au Royaume

Driss Khrouz : Son père le voyait officier de l’armée, il sera un brillant intellectuel

A l’à¢ge de 6 ans, il ne parlait ni l’arabe ni le français ; l’amazigh était son seul moyen de communication.
Il a fait partie de la première promotion du Lycée militaire de Kénitra.
En 2003, il est nommé directeur de la Bibliothèque nationale.

Docteur en économie et en gestion, enseignant et chercheur, il est membre de plusieurs organes : GERM, IRCAM…

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Henry de Montherlant écrivait : «Si vous avez plusieurs voies et que vous  croyez ne pas savoir la bonne, empruntez toujours la plus douloureuse». Le secret d’une vie riche vient souvent de là. A l’âge de six ans, Driss Khrouz ne parlait ni l’arabe ni le français ; l’amazigh était son unique langue de communication. Pour aller à l’école, il lui fallait parcourir une bonne dizaine de kilomètres chaque jour et il devait se réveiller très tôt pour être à l’heure. Pourtant, rien de tout cela ne le découragea. Il a même bien tenu au-delà de ce que l’on peut attendre d’un enfant de son âge et dans ces conditions. La preuve, se rappelle-t-il, sur les douze enfants qui faisaient le trajet quotidiennement, seuls deux feront des études supérieures.

Il commence en 1975 comme professeur chargé des travaux dirigés
Driss Khrouz est né en 1950 dans le petit village de Gourrama, à soixante kilomètres de Talsint et seulement 30 km de Tazmamart, dans ce Maroc où la pénibilité du travail, l’isolement et la précarité des conditions de vie sont une dure réalité. Pourtant, son père était propriétaire terrien et agriculteur et lui, comme ses huit autres frères et sœurs, ne manquait de rien. En effet, à l’époque et dans la région où il était né, les disparités ne se voyaient pas de manière aussi criardes qu’aujourd’hui. Il s’en souvient avec une certaine nostalgie : «Riche ou pauvre, on mangeait les mêmes plats, on empruntait les mêmes sentiers, souvent à pied ou à dos d’âne. Personne n’avait de voiture ni ne pouvait en avoir et, pour aller à l’école, au souk ou ailleurs, il fallait marcher. Et puis, quel que soit le statut, le travail était une valeur à laquelle tout le monde adhérait de la manière la plus naturelle qui soit».
Le destin du jeune Driss allait connaître très tôt des moments forts. Après le certificat d’études primaires qu’il obtient en 1962, il va atterrir au Lycée militaire de Kénitra, à la suite d’un concours. A 18 ans, il obtient le baccalauréat section sciences expérimentales avec mention «très bien». C’est la première promotion du Lycée militaire et, malgré les encouragements qui veulent en faire un futur officier de l’armée, il se détourne de la carrière militaire. D’abord, tenté par une grande école de commerce, il s’inscrit à la Faculté des sciences de Rabat où il obtient sa licence.
Driss Khrouz va commencer par être séduit par la gauche avant même de militer à l’Union nationale des étudiants marocains (UNEM). A 21 ans, il part à Lille où il obtiendra deux diplômes d’études supérieures (DES), l’un en économie et l’autre en gestion de l’entreprise. A son retour, il est chargé d’assurer les travaux dirigés (TD) à l’Université Mohammed V de Rabat. Il n’y reste pas longtemps. En 1975, il est affecté à la Faculté des sciences juridiques et économiques de Fès qui était encore une annexe de l’Université de Rabat dont elle ne s’affranchira qu’en 1979. Durant ces années, il est l’assistant d’un certain Habib El Malki, à l’époque lui aussi professeur.
Parallèlement, Driss Khrouz continue à travailler sur sa thèse de doctorat d’Etat en sciences économiques qu’il obtiendra en 1980.
Entre-temps, il avait déjà adhéré à l’Union socialiste des forces populaires (USFP) dont il est actuellement membre du conseil national. Il s’implique dans l’enseignement en tant que chercheur, chef de département puis en qualité de vice-doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques de Fès, un poste dont il démissionnera, même s’il reste à Fès jusqu’en 1990, date à laquelle Habib
El Malki, nommé secrétaire général du Conseil national de la jeunesse et de l’avenir (CNJA), lui fait appel pour diriger plusieurs études sur les jeunes et l’emploi. D’ailleurs, c’est de là que vint l’idée de «Crédit jeunes promoteurs». Mais Driss Khrouz n’abandonnera jamais l’enseignement qu’il poursuit à Rabat, même lorsque El Malki le sollicite à nouveau, quand il fut nommé ministre de l’éducation nationale en novembre 2002, pour diriger son cabinet et superviser le travail qui fut accompli au niveau de la mise en place des académies régionales, l’autonomie de l’université ou la refonte des programmes et des manuels scolaires.

Très attaché à sa culture amazighe
En 2003, nouveau tournant dans sa carrière quand il est proposé pour le poste de directeur de la Bibliothèque nationale. Il sera ainsi étroitement associé à la construction du nouvel édifice qui sera achevé en juillet 2004. Bâti sur 4 hectares, il aura coûté 320 MDH, dont 47 millions proviennent de la coopération internationale et européenne. Cette bibliothèque emploie aujourd’hui 136 personnes et renferme un million d’ouvrages, 350 000 manuscrits et 5 millions de journaux dont certains datent de 1863…
Driss Khrouz a été tenté par la politique. Il s’est présenté plusieurs fois, dont une à Errachidia, aux élections législatives mais sans succès.
Les diverses activités de Driss Khrouz et la richesse de son parcours lui ont valu le poste de vice-président du Centre nord-sud du Conseil de l’Europe, chargé de la promotion de l’interdépendance et du dialogue entre les cultures. C’est d’ailleurs cette association dont le siège était à Lisbonne qui avait attribué le prix des droits humains à Abderrahmane Youssoufi.
Driss Khrouz n’oublie pas pour autant la recherche. Il est, en effet, secrétaire général du Groupement d’études et de recherches sur la Méditerranée (GERM) et membre du conseil d’administration de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM).