Au Royaume
Avec les moyens du bord
Si l’on veut généraliser d’emblée la couverture médicale, il faudrait des ressources supplémentaires de 14,5 milliards de DH par an. Qui va payer ?
Dès le démarrage effectif des remboursements, et comme il fallait s’y attendre, l’AMO provoque une levée de boucliers et de protestations. Les plus en vue sont celles des médecins, il est certain que d’autres corps suivront. Leur revendication, soutenue, disons-le, par des intérêts catégoriels, est qu’il y ait une distorsion trop importante entre les tarifs réellement pratiqués et les taux de remboursement, un point qu’il faudra effectivement surveiller de près.
Mais ceux qui crient le plus fort n’ont pas forcément raison. L’intérêt des assurés prime sur toutes les autres considérations. L’AMO est l’un des chantiers les plus importants de l’histoire du Maroc indépendant. Un demi-siècle, c’est pas mal pour faire des réformes, mais le pays se retrouve néanmoins avec deux déficits essentiels : l’éducation et la couverture sociale. Un Maroc à plusieurs vitesses.
Pour l’éducation, un certain rattrapage a été entamé, il y a quelques années. Pour la couverture sociale, on commence à peine.
En 2005, il y avait au Maroc 5 millions de bénéficiaires (ayants droit compris) de l’assurance maladie, c’est-à-dire 16% de la population. C’est l’un des taux les plus bas de la planète. Dans la région, ce taux dépasse les 50%.
L’enjeu de l’AMO, c’est d’étendre progressivement la couverture. Progressivement, car il est impossible matériellement de faire autrement. Les ressources de l’assurance maladie sous toutes ses formes s’élèvent, à la date de démarrage de l’AMO, à environ 3,5 milliards de DH annuels, environ 700 DH par personne bénéficiaire. A lui seul, le marché du médicament est d’environ 7,5 milliards de DH et, si on tient compte des actes médicaux, consultations, hospitalisations, il faudrait compter environ 18 milliards de DH de marché global par an. Cela signifie que si l’on veut généraliser d’emblée la couverture médicale, il faudrait des ressources supplémentaires de 14,5 milliards de DH par an ! L’idée est bonne, généreuse, nécessaire mais qui va payer ? Les entreprises ? l’Etat? les ménages ? Soyons réalistes.
Tout cela pour dire qu’en matière d’AMO les objectifs doivent être hiérarchisés. La formule actuelle n’est pas la meilleure, mais elle a le mérite d’exister. Dès 2006, le nombre de personnes couvertes devrait doubler pour dépasser les dix millions. C’est cela qui compte.
Les précédentes tentatives ont échoué parce qu’on pensait à généraliser d’un coup. Dans ce domaine très délicat, si on est trop sentimental, on menace la pérennité du système. Ce qui compte, c’est d’aller prudemment car, une fois que des droits auront été octroyés, on ne pourra pas revenir en arrière.
