Au Royaume
Amane Fethallah, formatrice dans l’à¢me
Titulaire d’un doctorat en aménagement des littoraux, elle a fait toute sa carrière dans la formation, principalement dans le domaine maritime. Son pari, faire en sorte que l’Institut supérieur des études maritimes trouve le bon cap.
Samedi 7 mars, 11 heures. Le thermomètre affiche 21 degrés à Casablanca. En cette matinée très ensoleillée d’un hiver qui tire à sa fin, beaucoup de parents, surtout ceux qui sont très pris par les engagements professionnels durant la semaine, n’ont qu’une obsession : sortir avec leurs enfants, qui pour un pique-nique, qui pour une promenade en forêt ou au bord de la mer. Ce jour-là, ceux d’Amane Fethallah, directrice de l’Institut supérieure des études maritimes (ISEM) allaient se passer de cette éventuelle sortie familiale. C’est que Mme Fethallah était au bureau pour procéder aux derniers réglages de l’organisation de Marfor 2015, le premier Forum entreprises organisé par l’institut, les 11 et 12 mars. Cet événement est un espace d’échange entre la communauté scientifique et les acteurs socio-économiques spécialisés dans le domaine maritime et ses applications, entre autres, la navigation, le sûreté et la sécurité en mer, l’environnement des espaces littoraux et marins, la gestion portuaire, les assurances et le droit maritime.
Et si Amane était tout aussi occupée, c’est parce qu’elle tenait ardemment à la réussite de la manifestation, qui est un des moyens d’ouvrir l’institut aux partenaires extérieurs pour mieux mettre en adéquation la formation avec les besoins du marché. Depuis qu’elle a pris ses fonctions en octobre 2013, elle fait des pieds et des mains pour redonner son lustre à l’ISEM qui, faut-il le souligner, n’est pas épargné par la déliquescence du pavillon national. Cette situation ne la perturbe pas outre mesure. «En postulant pour diriger cette école, je me suis projetée dans l’avenir. Notre mission est d’accompagner la stratégie de relance du secteur portuaire et du transport maritime initiée par le ministère qui veut aussi positionner l’ISEM comme un pôle d’expertise dans son domaine en Afrique», explique-t-elle.
Accrocheuse, elle va au bout de ses idées
Le fait d’être une femme dans un secteur largement dominé par les hommes ne lui fait pas non plus peur. Soulignant en passant qu’il y a d’autres femmes qui dirigent de gros organismes dans le domaine maritime (NDLR : Office national des pêches, Tanger Med Port Authority…), la directrice de l’ISEM est d’avis qu’il «n’y a plus de frontière». Autrement dit, avec les compétences requises, la femme vaut largement les hommes. «Il y a juste des projets à gérer, des procédures à mettre en place et à faire suivre et, dans mon domaine, des enseignements à concevoir et à prodiguer», explique-t-elle. De plus, ajoute-t-elle, «j’ai le soutien du ministère et j’ai toujours exercé dans la formation».
Cette native de Settat sait aussi s’accrocher quand il le faut. Elle a acquis cette foi en elle-même assez tôt. En effet, le décès de son père, alors qu’elle n’avait que 14 ans, au lieu de la perturber, la pousse à croire aux études pour devenir autonome, «avec le soutien de mes frères», ne manque-t-elle pas de préciser. Avant-dernier enfant d’une fratrie de trois garçons et autant de filles, Amane Fethallah obtient un bac Sciences expérimentales en 1982 au lycée Er-Razi de Settat. Figurant parmi les meilleurs de sa promotion, elle bénéficie d’une bourse pour la France. Direction Brest où elle devait poursuivre des études de médecine. Une fois à l’Université de Bretagne occidentale, elle s’inscrit en même temps en géologie. C’est cette filière qui finit par la séduire. Après sa maîtrise obtenue en 1986, c’est tout naturellement qu’elle s’inscrit pour un DEA en aménagement des littoraux, toujours dans la même université. Cette étape franchie, Amane Fethallah revient au Maroc en 1988 et monte avec des associés une société d’import-export de matériels de travaux publics. Mais elle ne veut surtout pas se démarquer de sa formation de base. Trois ans plus tard, elle retrouve donc la Bretagne pour y préparer un doctorat. Après la soutenance de sa thèse en 1996, Navfco, branche navale de Défense conseil international (DCI), société chargée d’accompagner la vente d’équipements militaires français à des pays étrangers, lui ouvre ses portes. Amane y pilotera plusieurs projets de formation dont celui des frégates de l’Arabie Saoudite. Pendant onze ans, elle s’immerge «sans aucun problème» dans ce monde militaire à prédominance masculine. C’est le projet de l’Université internationale de Rabat, dont les initiateurs ont besoin de l’expertise de la diaspora marocaine, qui la fait rentrer au bercail en 2007. Mais avant que tout soit au point, elle est embauchée par Steria comme DRH. Pas pour longtemps. Après un petit intermède comme consultante, Mme Fethallah rejoint l’UIR fin 2009, toujours en tant que DRH et à partir de 2011 comme directeur du pôle formation continue.
Elle a ouvert plusieurs chantiers qu’elle veut mener à bout
En apprenant qu’un appel à candidatures est lancé pour le poste de directeur de l’ISEM, elle postule et se retrouve sur la “short list”. Amane est finalement retenue parmi les six candidats qui restaient. Une reconnaissance pour ses compétences qu’elle va devoir mettre en œuvre pour replacer l’institut dans le contexte actuel. Mise en place du système LMD (Licence, master, doctorat), élargissement des enseignements à des disciplines connexes à la formation navale (environnement, construction portuaire…), relance de la formation continue, renouvellement du simulateur de navigation, aménagement d’une salle de langue anglaise, renforcement de la coopération avec des établissements supérieurs (Université Hassan II, UIR, Université de Brest) pour développer la recherche, partenariat avec des pays comme le Japon ou la Corée du Sud…, plusieurs chantiers sont en cours d’exécution ou en voie de l’être.
Rempilera ou ne rempilera pas après son mandat de 4 ans ? Amane Fethallah, première femme à la tête de l’ISEM, n’en souffle mot. Tout ce que l’on sait, c’est que quand le moment viendra, elle voudra partir avec le sentiment du devoir accompli.