Au Royaume
Abderrazak Mouisset : Il laisse tomber l’enseignement pour se lancer dans l’agriculture moderne
Après un bac philo en 1962, il commence sa carrière en tant qu’instituteur.
En 1971, il fait ses premiers pas dans l’agriculture comme agent de maîtrise dans une coopérative agricole de sa région.
Il est aujourd’hui à la tête d’une fédération
de 12 coopératives
et de l’Association des exportateurs de fruits
et légumes.

Le rêve universel de l’homme qui, à la seule faveur de son esprit d’initiative et de sa force de travail, peut conquérir le monde des affaires n’est pas une vue de l’esprit ni exclusivement une idée consolatrice pour ceux qui n’ont jamais pu se mettre à leur compte en créant leur entreprise. Au Maroc comme ailleurs, nombreux ceux qui sont entrés dans le monde des affaires sans le préméditer et sans être venu au monde nécessairement avec une cuillère d’or dans la bouche. Abderrazak Mouisset, président d’Agri-Souss (Fédération de coopératives agricoles) et de l’Association professionnelle des exportateurs de fruits et légumes (Apefel), est parti de rien. Ce Soussi né à Houara, en 1944, à 44 km d’Agadir, dans une famille d’agriculteurs, a un parcours classique et modeste au départ. Après un bac philo en 1962, il s’inscrit à l’Ecole normale d’instituteurs et intègre l’enseignement. C’est lorsqu’il décide d’accepter, en 1971, un poste d’agent de maîtrise dans une coopérative agricole qu’il opère le grand virage de sa vie. De là, une série d’événements serviront son instinct de redoutable homme d’affaires qui ne lui aurait été que d’une utilité relative s’il n’avait renoncé à la régularité et à la sécurité de l’emploi de fonctionnaire de départ. Mais, on n’en est là qu’au début parce qu’au fil du temps il parviendra à accéder au poste de directeur de la coopérative. Il faudra enfin attendre la marocanisation des terres agricoles pour qu’Abderrazak Mouisset se place dans l’orbite du monde des affaires en achetant les premiers hectares qui feront de lui le propriétaire terrien et l’agriculteur moderne qu’il est aujourd’hui.
Il a acheté ses premiers hectares à la faveur de la marocanisation
Il est plus fier du travail au niveau des coopératives et de la dynamique de solidarité qu’il a créée dans la région que de sa réussite personnelle. Il s’en explique de manière touchante et sincère : «Tout a commencé pour moi lorsque j’ai acheté 21 hectares en 1975 en investissant quelque 500 000 DH en tout, y compris dans l’équipement et j’ai d’abord planté de la tomate. Aujourd’hui, mon patrimoine n’est pas énorme puisqu’il est d’une centaine d’hectares en propre et d’une autre ferme reprise à l’ex-Sodea que j’exploite avec un associé».
Abderrazak Mouisset insiste également sur la période de militantisme de sa vie durant laquelle il a essayé de convaincre les agriculteurs du Souss de s’inscrire dans une logique d’apprendre à produire mais aussi de s’initier aux techniques de commercialisation et de marketing moderne. Il considère que le déclic est venu avec la disparition de l’Office de commercialisation et d’exportation (OCE). Mais si tout le monde avait rapidement compris, à l’époque, qu’il fallait revoir sa façon de travailler, l’esprit de solidarité a été difficile à mettre en place. C’est ainsi qu’il a fallu attendre 1989 pour voir la naissance de ce qui est aujourd’hui Agri-Souss qui regroupe 12 coopératives exploitant plus de 7 000 ha. Cette fédération produit 120 000 tonnes de primeurs, soit 26 % de ce qui est exporté à l’échelle nationale, et 40 000 tonnes d’agrumes. En attendant de s’ouvrir sur d’autres, elle réalise un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de DH dont 500 MDH sur le marché local.
Un homme d’affaires de gauche…
Il a aussi été parmi ceux qui ont naturellement souscrit au nouveau Plan Maroc vert et à tout l’esprit d’agrégation qui en est une des «Au cours des deux dernières décennies, explique-t-il, nous avons recruté nombre d’agriculteurs que nous avons accompagnés dans la mise à niveau pour renforcer notre capacité de pénétration des marchés. Outre l’UE, nous plaçons aujourd’hui 17 000 tonnes d’agrumes au Canada et 25000 en Russie, après que ce marché a failli nous échapper. Et ce n’est pas un hasard si nos installations ont suivi et que nous disposons de 11 unités de conditionnement dont trois pour les seules agrumes».
S’il est un sujet qui fâche notre homme, c’est de s’entendre dire que les agriculteurs soussis n’ont pas pris au sérieux la question de l’économie de l’eau dans leur exploitation de leurs terres. «Jusqu’aux années 70, la technique du goutte-à-goutte n’existait pas dans notre région tandis qu’aujourd’hui le taux d’équipement est de 100% contre une moyenne nationale d’un peu plus de 10%», se défend-il. Mais Abderrazak Mouisset n’est pas que l’agriculteur avisé et l’entrepreneur ingénieux de l’agroalimentaire.
Il est aussi un des rares hommes d’affaires de gauche et ce n’est pas de cœur. Car il est présent dans les instances dirigeantes de l’Union socialiste des forces progressistes (USFP) et plusieurs fois candidat malheureux à plusieurs élections. Mais, en 1982, il est élu aux municipales de Taroudant puis reconduit en 1988. Il devient ensuite député à la Chambre des conseillers entre 1997 et 2002 et siège actuellement au conseil de la ville d’Agadir comme vice-président.
