Au Royaume
Abderrahim Doumar, patron du Centre africain de technologie basé à Dakar
Ingénieur d’Etat, lauréat de l’Ecole Mohammadia d’ingénieurs, Abderrahim Doumar
est également titulaire d’un master de Montana State University. Au Japon, il a conçu, en tant que chercheur à l’université de Chiba, un microprocesseur qui gère la tolérance des pannes sur les navettes spatiales.

C’est un chercheur d’élite, marocain de surcroît qui n’a jamais cherché à avoir une autre nationalité. Il a travaillé en 2005 pour le compte de l’université japonaise de Chiba, à 45 kilomètres de Tokyo, où il a développé un microprocesseur de tolérance des pannes vendu à la Nasa qui l’a installé sur ses navettes. Ce Monsieur qui a réalisé un tel parcours en toute discrétion s’appelle Abderrahim Doumar. Pourtant, il n’est pas un illustre inconnu au Maroc où il a obtenu le prix de l’innovation en 2008. Actuellement, il est chef de mission diplomatique aux Nations Unies et directeur exécutif du Centre africain de technologie (CRAT) regroupant 31 pays d’Afrique et dont le siège est à Dakar.
Quatrième d’une fratrie de neuf enfants, Abderrahim est né en 1966 à Taza. Il a vécu un peu partout dans le pays au gré des affectations de son père fonctionnaire. Il est certes brillant depuis qu’il était élève mais ce n’est qu’en 1986 qu’il obtient un bac sciences math avec la mention «Bien». Il fait ses prépas au lycée Moulay Idriss à Fès et, en 1989, passe avec succès le concours d’admission de l’Ecole Mohammadia des ingénieurs. Il en sort ingénieur d’Etat en télécoms en 1992 et se laisse convaincre pour un poste de maître assistant à l’Ecole de technologie d’Oujda qui dépend de l’Université Mohammed 1er.
Il a fait un passage remarqué à Al Akhawayn
Au bout de la troisième année, il postule à la bourse Fullbright et c’est à la Montana State University qu’on le retrouve pour un master en informatique industrielle. Abderrahim obtient son diplôme en 1997, mais cet assoiffé de savoir n’est pas satisfait. Il se présente alors au concours pour une bourse japonaise, la Moubouchu Scholarphip. Aussitôt reçu, il s’envole pour le Japon, précisément pour l’université de Chiba, à 45 km de Tokyo où il étudie tout en étant maître-assistant. Ce n’est pas une année d’apprentissage de la langue qui allait le décourager. Au contraire, c’est là qu’il va montrer toutes ses compétences techniques puisqu’à la tête d’une petite équipe, il conçoit un microprocesseur de tolérance de pannes. De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un programme informatique qui détecte les pannes récurrentes et fait prendre le relais par d’autres logiciels pour la continuation des tâches interrompues. Ce bijou a été vendu à la Nasa en 2000 mais Abderrahim n’a pas touché le moindre sou parce qu’il avait accepté de renoncer à ses droits contre une bourse de 200 euros.
En 2001, un chercheur américain lui propose un poste à Cambridge où il enseignait. Après juste une année dans cette prestigieuse université britannique, c’est celle de Glasgow qui lui propose une chaire pour enseigner l’informatique industrielle. C’est là qu’il va travailler sur un projet de passage de la bande magnétique à la carte à puce, avec un budget de 2 millions d’euros financé par la France, l’Allemagne, la Belgique et l’Angleterre.
Au bout de trois ans, il commence à avoir le mal du pays. Et en 2005, il se retrouve à l’université Al Akhawayn où il enseigne mais se rend vite compte qu’il y a une désaffection des étudiants marocains pour les matières scientifiques. Il comprend qu’il fallait travailler en amont sur les lycées. Pour ce faire, il convainc l’Agence de coopération sud-coréenne de mettre 1,5 million de dollars (12,5 MDH) dans un programme d’équipement d’une dizaine de collèges d’Ifrane et d’Azrou. Ce projet consistait à aménager des salles d’informatique dotées d’ordinateurs pour permettre aux élèves d’avoir accès aux connaissances en ligne et les résultats n’ont pas tardé à venir.
Il enchaîne avec un autre projet consistant à jeter des ponts entre l’université et le monde industriel. Thompson et Lead technologie design le suivent en finançant un programme où seront impliqués 4 étudiants et quatre ingénieurs de ces entreprises. Les travaux vont donner naissance à un logiciel de compression numérique aujourd’hui breveté Thompson.
Il a été nommé à la tête du CRAT sans aucun soutien du Maroc
En 2007, l’université française de technologie de Troyes lui propose une chaire d’informatique industrielle. Là aussi, il ne se contente pas d’enseigner mais travaille sur la détection de glucose à distance par un procédé qui reconnaît la signature du glucose par spectroscopie. Un projet doté d’un gros budget de 20 millions d’euros. L’équipe en était au prototypage, quand Abderrahim Doumar, sur suggestion d’un ami, va se mettre en tête de postuler en 2009 pour le poste de secrétaire exécutif du Centre africain de technologie basé à Dakar. Tout comme les autres candidats de la «short list», il devait convaincre, lors de l’entretien, les 31 ministres de l’organisation dont le Maroc est membre. Le jour «J», non seulement le siège du Maroc était vide mais aucun représentant des Affaires étrangères du Maroc n’a assisté Abderrahim Doumar. Malgré tout, il est retenu haut la main. Aujourd’hui, il se démène comme un diable, à la tête du centre dont l’effectif est de 150 personnes. Il travaille sur des dossiers liés au développement durable dans les domaines de l’agriculture, des énergies renouvelables, de l’environnement ou encore des nouvelles technologies dans les différents pays membres sous la supervision des Nations Unies qui contribue à hauteur de 500 000 dollars au budget de l’institution panafricaine qui est de 35 millions de dollars. A 46 ans, Abderrahim Doumar qui aime tant les défis n’en est certainement pas à sa dernière escale. Mais pour l’heure, il veille à faire du centre un outil efficace au service du développement.
