Au Royaume
Abdellatif Bardach : Monsieur 5 000 mégawatts
Après un diplôme d’ingénieur obtenu en Belgique, il a intégré l’ONE en 1988 en commençant par le bureau d’études.
Il a supervisé le doublement de la connexion avec l’Espagne et les interconnexions avec l’Algérie.
Après avoir développé l’activité de l’office en Afrique pendant deux ans, il est, depuis mars 2010, en charge de la gestion du réseau national.

Abdellatif Bardach, directeur central du transport à l’Office national de l’électricité (ONE), est un homme calme. Du moins en apparence parce que le travail de celui qui supervise, gère et dispatche le courant électrique sur tout le Maroc, soit 5 000 MW, ne doit pas être de tout repos. Il dit avec une certaine philosophie que «personne n’est à l’abri des surprises, mais il faut trouver les moyens de se prémunir contre leurs effets où, dans mon cas, leurs “décharges” les plus négatives : cela s’appelle anticiper, projeter, sans jamais ameuter».
Belle carrière de cet homme natif de Kénitra en 1963 et issu d’une famille modeste de sept enfants. Papa est dans la mécanique et la soudure et le jeune Abdellatif l’admirait si fort qu’il s’est mis en tête d’apprendre quelques ficelles du métier de son père. Mais très vite, après le m’sid et quelques falaqas bien senties du fquih Khammar dont il se souvient très bien, il va se tourner vers des études scientifiques. L’enfant curieux qu’il est va naturellement s’orienter vers les sciences et les mathématiques avec de belles notes à la clef. C’est un bac
«sciences expérimentales» qui scelle son parcours au lycée en 1982. C’était, se rappelle-t-il, pour être éligible aux disciplines attractives pour les jeunes étudiants de son époque : médecine, pharmacie ou encore le fameux concours de pilote de ligne ou de chasse…
La direction provinciale de l’ONE à Kelaat Sraghna est son premier poste à responsabilités
Finalement, il écarte les prépas et obtient une bourse pour une place à l’Institut supérieur de Liège. Son choix se porte sur l’option «électronique», comme quoi les relents de l’enfance ont la vie dure. Les études durent cinq ans et avec la maigre bourse, l’équivalent de 980 DH par mois, il devra faire de petits boulots dans les restaurants, les stations-services et autres, histoire de boucler des fins de mois assez pénibles. Et après des stages à l’Unerg, filiale du groupe Suez et la centrale nucléaire de Tihange où il fait miroiter la possibilité d’une carrière, il décide de ne pas s’attarder en Belgique.
En débarquant au pays en 1988, quoi de plus naturel que de proposer ses services à l’ONE qui l’embauche prestement et l’affecte à la distribution de l’énergie et plus précisément à son bureau d’études. Il va alors faire connaissance avec le programme d’électrification rurale globale (Perg). Il reste jusqu’en 1993 au service du bureau d’études qui, entre-temps, avait déménagé son siège à Kénitra, sa ville natale. Après avoir fait ses preuves, il est promu directeur provincial de l’ONE à Kelaat Sraghna, et gère un effectif de 80 personnes, pour veiller sur les besoins en énergie électrique de cinq cercles et 67 communes rurales. A l’époque, il avait en charge l’alimentation de la ville et la région mais aussi l’électrification rurale qui ne s’appuyait que sur une seule
technologie : le raccordement au réseau électrique proprement dit.
Puis vint le moment de la réorganisation de l’ONE menée par Driss Benhima qui lui confie en 1996 le poste de chef de service contrôle de gestion au sein de la direction du transport de l’énergie électrique au bureau de Marrakech qui était en charge de la partie sud du pays. Il participe à l’instauration de la démarche qualité et à la réalisation des budgets d’investissement triennaux et au budget de fonctionnement. Quatre ans plus tard, il est appelé à la direction régionale de la région sud qui compte 250 personnes et qui gère le réseau et la distribution sur l’ensemble des villes de Marrakech, Safi, Agadir, Ouarzazate…C’est là aussi qu’on lui confie la réalisation du réseau de 60 kV pour un investissement de 140 MDH sur la période 2000-2003.
Depuis 2005, il est titulaire d’un MBA de l’université Al Akhawayn
Après ce chantier, il était naturel de penser à Abdellatif Bardach pour une mission plus difficile, c’est la règle générale de la reconnaissance du mérite. C’est alors qu’en 2003 il est nommé à la tête de la direction des projets d’équipements du réseau électrique haute tension (60 000 volts) et très haute tension (entre 225 000 et
400 000 volts). A la tête d’une équipe de 250 personnes principalement des ingénieurs, il dispose d’une enveloppe de 4 milliards de DH sur trois ans (2003-2006) pour doubler la connexion avec l’Espagne, réaliser des interconnexions avec l’Algérie
(400 kV) et conforter toute l’infrastructure autoroutière pour lui donner davantage de stabilité et assurer plus d’échange et de flux entre le Maghreb et l’Europe (600 km de lignes et 5 postes de puissance
400 kV…). Il trouvera néanmoins le temps de suivre un MBA à l’université Al Akhawayn entre 2003 et 2005.
En 2007, les talents de gestionnaire de Abdellatif Bardach sont sollicités pour le développement de l’activité internationale de l’ONE. Il va alors s’occuper des relations avec l’étranger mais surtout de la conduite de tout le volet «assistance technique» de l’ONE en Afrique. Ce sera le cas au Sénégal pour l’électrification de la région de Saint-Louis (au nord du pays), mais également au Mali, au Cap vert, en Sierra Leone, au Niger et au Tchad. Et depuis mars 2010, Abdellatif Bardach dirige la direction centrale du transport au niveau national. Et là aussi, il n’est pas au bout de ses surprises puisque c’est depuis que la consommation de l’énergie ne cesse de connaître des pics inégalés. Comme le 11 août dernier où, avec 4 790 MW, le record absolu de consommation a été pulvérisé. Avec cela, il doit avoir l’œil sur le budget d’investissement, une bagatelle de 2,5 milliards de DH pour l’année en cours.
