Au Royaume
Abdeljalil El Kholti, DG de l’Institut national des conditions de vie au travail
Le pionnier de la médecine du travail au Maroc, Premier médecin marocain à se spécialiser en médecine du travail, Abdeljalil El Kholti est fondateur et chef de l’unité santé au travail à la Faculté de médecine de Casablanca. Egalement directeur du service santé au travail du CHU Ibn Rochd, il encadre plusieurs médecins et auxiliaires de santé désirant se spécialiser.

Très jeune, il voulait devenir médecin. Il n’a pas été déçu puisqu’il a décroché son doctorat en 1986, à Casablanca. Comme interne au Centre hospitalier Ibn Rochd, Abdeljalil El Kholti, c’est de lui qu’il s’agit, a servi dans différents services, entre autres médecine interne, pathologie infectieuse, urgences et réanimation, mais n’a pas finalement opté pour ces spécialités. Une fois son diplôme en poche, il s’est envolé pour la France pour suivre la voie de la médecine du travail. Abdeljalil El Kholti sera alors le premier praticien marocain dans cette discipline.
Que s’est-il donc passé dans la tête du tout jeune médecin, au moment d’opter pour un domaine relativement récent ? Car, même en France, cette branche de la médecine n’a été réglementée que durant les années quarante, et était centrée essentiellement sur des maladies consécutives aux affections dans les mines à une époque où les conditions de travail n’étaient pas bien réglementées.
Pour Abdeljalil El Kholti, sa décision coulait de source : «Je voulais être médecin, mais dès que j’ai commencé à pratiquer, j’ai réalisé que nombre d’affections qui nous arrivaient à des stades avancés et souvent désespérés pouvaient être largement évités ou au moins diagnostiqués à l’amont par des actes qui ne coûtaient pas grand-chose». Oui, c’est le principe même de la médecine du travail, même si elle ne s’est imposée comme une nécessité que tardivement, car les Etats comme les employeurs (ce n’est pas un hasard si les multinationales ont été les premières à l’ériger comme règle et obligation) et les assureurs, plus tard, y ont trouvé leurs comptes.
Depuis 1992, 250 spécialistes ont été formés sous sa direction
Dr El Kholti est né à Meknès en 1959, mais c’est à Khénifra qu’il va grandir car son père était propriétaire terrien et agriculteur dans la région. Brillant depuis l’école primaire, il va devoir aller au lycée Khawarizmy à Casablanca pour faire les sciences expérimentales. C’est dans cette discipline qu’il obtient son bac avec mention en 1977. Il n’a pas besoin d’une bourse car son père finance ses études de médecine qu’il fait à la faculté de Casablanca. Entre 1984 et 1986, il est interne au CHU Ibn Rochd, et aussitôt sa thèse soutenue, il part à Paris, à l’hôpital Cochin, pour une spécialisation en médecine de travail. Là aussi, son père pourvoit à tous les besoins. Et tout va se passer sans encombre. Abdeljalil El Kholti est même admis comme assistant à titre de spécialiste étranger dans l’unité de l’hôpital. A Paris où il devient assistant des universités, il aligne les diplômes dans différents domaines (médecine hyperbare et travail en plongée, spécialiste en médecine du travail, toxicologie clinique industrielle, médecine d’urgence, radioprotection…). Lorsqu’il termine ses études en 1990, il reçoit des propositions pour continuer à enseigner à Paris même ou au Canada, mais il brûle d’envie de rentrer au pays. Le besoin d’un tel profil est évident : il y a de la place à prendre. En effet, la faculté de médecine de Casablanca lui propose un poste d’assistant en médecine du travail avec pour mission, entre autres, de former, créer et développer l’unité santé au travail. Le cursus est définitivement mis en place en 1992 et, depuis lors, ce sont 250 médecins qui ont été formés où sont en cours de finaliser leur spécialité. Avant même la sortie de la première promotion en 1996, Abdeljalil El Kholti avait eu le temps d’élargir ses connaissances en poursuivant des études récompensées par une attestation d’immuno-allergologie chimique et professionnelle à Paris et une autre de sauvetage secourisme au travail à Nancy.
Il est la voix du Maroc dans les rencontres scientifiques internationales
Professeur agrégé en médecine du travail depuis le début des années 2000, Dr El Kholti n’a pas vraiment besoin de prêcher la bonne parole pour convaincre les responsables politiques de la nécessité de créer une direction au sein du ministère de la santé pour prévenir et prendre en charge l’ensemble des affections des travailleurs pour ce qui est des maladies du travail, qu’il s’agisse de l’environnement, des donnes toxicologiques ou de la gestion … Si bien que c’est à lui qu’on fait appel pour représenter le Maroc aux rencontres scientifiques ou aux congrès internationaux qui ont trait à sa spécialité. Il a d’ailleurs créé sa propre association (Moroccan occupational heath) tout en dirigeant l’unité santé du travail et le service de médecine sociale et de santé communautaire à la faculté de médecine, le service de cette même médecine au CHU Ibn Rochd qui reçoit quelques milliers de patients par an.
Aujourd’hui, il est directeur général de l’Institut national des conditions de vie au travail (INCVT), une institution dotée d’un budget de 60 MDH, qui n’attend que son budget inscrit dans la Loi de finances 2012 pour commencer effectivement ses activités. Il reste confiant : «Dans un pays comme la France, ce sont 25 millions de travailleurs qui bénéficient des services d’un médecin pour un coût de 2,5% du PIB. Un salarié coûte à son entreprise entre 52 et 98 euros, selon la nature de la couverture. Au Maroc, on dépense 0,5% du PIB pour 300 000 personnes et, en mutualisant et en optimisant, nous pourrons atteindre 10 millions d’actifs pour un coût qui me paraît minime, autour de 10 DH, par rapport à ce que coûtent toutes les prises en charge ruineuses et parfois inutiles, vu l’état où arrivent les malades».
