Au Royaume
Abdelilah Lahlou : En partant d’un bac littéraire, il arrivera à créer son laboratoire pharmaceutique
Il débarque à Strasbourg en 1970 avec un bac en lettres, mais suit des études de pharmacie.
Enseignant à son retour au Maroc, il ouvre une officine et travaille dans un petit laboratoire familial.
En 1994, il décide de créer son propre laboratoire pharmaceutique. Iberma emploie aujourd’hui 100 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 87 MDH.

«Le problème n’est pas tant de tomber mais bien de se relever à chaque fois». Cette maxime résume parfaitement la vie d’Abdelilah Lahlou, pharmacien et propriétaire du laboratoire Iberma.
Né à Fès en 1950 dans une famille moyenne, Abdelilah Lahlou est le cadet de ses cinq frères et sœurs. Il est encore enfant lorsque son père, alors modeste commerçant de tissus, sera éprouvé, en 1955, par un terrible incendie qui a ravagé la kissaria de Fès où il avait une boutique. La famille peine à se relever de cette épreuve et décide de migrer à Casablanca en 1962. Le jeune Abdelilah fait de son mieux à l’école. Il a toujours de bonnes notes et s’oriente vers les lettres modernes, un peu sans se rendre compte que ce n’était pas sa vraie vocation. Après un bac littéraire en 1970, il décide d’aller continuer ses études à Strasbourg, en France. Mais dès son arrivée, à l’université d’enseignement et de recherche (UER), il décide de changer radicalement de filières en s’inscrivant en pharmacie. Il est le seul littéraire sur les 500 élèves de sa promotion. Le pari était risqué, mais il était décidé à aller jusqu’au bout. Les débuts furent difficiles. Et c’est presque sans surprise qu’il redouble la première année. La deuxième tentative fut la bonne, en partie grâce à la solidarité de ses amis étudiants, qu’il reconnaît volontiers, mais aussi grâce à sa persévérance.
Il fait preuve de beaucoup de patience pour arriver au stage actuel
Son intérêt pour cette spécialité lui permettra, malgré son sérieux handicap, d’obtenir son diplôme en 1977, après un stage dans un laboratoire pharmaceutique. Ce qui le servira lors de la création de son entreprise.
En rentrant au pays, Abdelilah Lahlou devait «s’acquitter» du service civil en enseignant à la Faculté de médecine comme assistant. En 1980, il ouvre sa propre officine au quartier Sidi Othmane, une pharmacie qui continue de fonctionner encore aujourd’hui. En 1986, il s’engage dans une belle aventure en créant un département «marketing et développement» au sein du laboratoire de son beau-père Afric Phare. C’est dans cette entreprise, où il est resté pendant six ans, qu’il a développé des compétences qui vont lui ouvrir les portes de l’industrie pharmaceutique. Il va franchir le pas en créant Iberma en 1993, mais l’activité ne commencera qu’une année plus tard.
Cette société spécialisée dans les produits pharmaceutiques et dermo-cosmétiques est dotée d’un capital de 7 MDH, dont 2,5 millions apportés par la Coopérative financière pour le développement de l’économie solidaire Nord-Sud (Cofides), un organisme espagnol, en qualité de capital-risqueur et 700 000 DH par la Banque européenne d’investissement (BEI) sous forme de prêt sur 20 ans, sans intérêt. Le reste est constitué de contributions d’investisseurs espagnols et marocains.
Iberma démarre avec un effectif de 15 personnes. Mais les choses ne furent pas si simples. Comme son usine installée à Had Soualem n’était pas suffisamment équipée, il a fallu commencer par la production de médicaments pour le compte de grands laboratoires et la commercialisation de produits importés. C’est en 1998 que sa ligne de production sera totalement opérationnelle. Sa conception avait nécessité un investissement de 20 MDH environ, dont un crédit à moyen terme de 3 MDH. M. Lahlou résume sa démarche : «Il a fallu mettre en place tous les process et consolider progressivement les acquis. D’abord parce que j’ai compris et misé tout de suite sur la possibilité d’exporter mais pour cela il fallait dès le début être aux normes. L’accompagnement des Européens nous a servis pour la recherche de la transparence et de la performance». La patience a été payante.
Forte implication dans la vie associative professionnelle
L’entreprise est rapidement mise sur les rails. Dès 2002, elle rachète les parts de la Cofides. Une nouvelle étape est franchie en 2008, année durant laquelle elle a commencé à exporter l’ensemble de ses produits. Iberma a été le premier laboratoire non européen à être autorisé par l’Agence du médicament ibérique à vendre sur le marché espagnol. Et ce n’est là qu’un début, explique Abdelilah Lahlou qui a signé des contrats d’importation et de fabrication locales d’une vingtaine de produits avec trois laboratoires espagnols (Normon, Faes Pharma et Rovi) et un portugais (Laboris). Le laboratoire attend aujourd’hui l’homologation de plusieurs produits destinés à différentes spécialités dont la cardiologie, la gastroentérologie, l’urologie, la pneumologie et l’ophtalmologie.
Le programme du laboratoire est chargé puisqu’il envisage de produire, à compter de 2011, trois nouveaux produits pour le laboratoire espagnole Asac dont elle fabrique déjà certains médicaments. Pour ce faire, il faudra encore investir près de 33 MDH, toujours sur le site de Had Soualem.
Et l’activité débordante de Abdelilah Lahlou ne l’empêche pas de s’impliquer, en plus, dans l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (Amip) dont il préside la commission «hygiène et sécurité» ou encore dans l’Association «Koullouna maan» (tous ensemble), une nouvelle association qui a pour vocation la sensibilisation en matière d’usage des médicaments. Il milite aussi pour la création d’un groupement d’intérêt économique (GIE) avec les laboratoires nationaux pour la prospection des marchés en Afrique et au Sénégal, par exemple. Aujourd’hui Iberma emploie 100 personnes pour un chiffre d’affaires de près de 87 MDH en 2009.
