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Affaires

Ultimes tractations avant la signature de l’accord de libre-échange

Une délégation du Congrès américain était
à Rabat pour s’enquérir des sources de blocage
Prévu dimanche 22 ou lundi 23 février à Washington, le prochain
round sera le dernier
Les points de blocage concernant l’agriculture et le textile en voie d’être
résolus.

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L’accord de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis sera-t-il signé dans les prochains jours ? S’il est aujourd’hui difficile d’apporter une réponse ferme à la question, tant les négociations sont entrées dans une phase de black-out depuis le dernier round, une série d’indices laisse présager que nous ne sommes pas loin de la fin, c’est-à-dire la signature. Au cours des derniers jours, des rencontres de haut niveau, portant sur l’accord, se sont multipliées. Ainsi, le ministre délégué aux Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, qui est également le président de la délégation marocaine qui a mené les négociations, a reçu, samedi 14 février à Rabat une délégation américaine constituée d’une dizaine de staffers, c’est-à-dire des conseillers auprès des sénateurs américains. Selon des sources bien informées, la délégation américaine était en fait venue s’enquérir, pour le compte du Sénat, des raisons du blocage qui persiste et «pour prendre la température des lieux». Le surlendemain, lundi 16 février, Taieb Fassi Fihri a tenu une longue réunion sur le sujet, à la Primature avec Driss Jettou. A noter que, contrairement aux réunions habituelles qui ont eu lieu, celle de lundi était restreinte aux deux ministres. Mercredi 18 février dans l’après-midi, seconde réunion à la Primature et toujours restreinte, entre le chef de la délégation et le Premier ministre. Le soir même, l’ambassadeur américain à Rabat, Thomas Riley, conviait à dîner de hauts responsables marocains, notamment des ministres. Un seul point à l’ordre du jour : le libre-échange.
Au-delà de ce ballet de réunions qui s’est subitement enclenché, les confidences de certains hauts responsables corroborent toutes la thèse d’un dénouement imminent des négociations. Or un tel dénouement voudrait dire que les parties ont trouvé un terrain d’entente sur le dossier agricole et celui du textile, les seuls qui posent encore vraiment problème. Interrogé à ce sujet, Mohamed Aït Cadi, le négociateur en chef du volet agricole, côté marocain, s’est refusé à tout commentaire sur le fond en se contentant simplement de dire que «les contacts sont toujours en cours pour la recherche de solutions novatrices qui arrangent les deux parties». Ce qui, en somme, ne nous avance à rien.
Mais selon un haut responsable au ministère de l’Agriculture, «les équipes marocaines sont prêtes et attendent, depuis plusieurs jours, le feu vert pour aller à Washington en vue de la tenue d’un huitième round qui sera le dernier». Une information que nous n’avons pas pu confirmer auprès des Affaires étrangères, mais un responsable de l’ambassade marocaine à Washington, contacté par téléphone, a bien confirmé la venue de la délégation marocaine, sans toutefois en préciser la date. A l’heure où nous mettions sous presse, des sources bien informées nous ont même précisé que le départ devait avoir lieu dimanche 22 février.
Auquel cas, il faudrait supposer que les points de blocage sont en voie d’être résolus. S’agissant du volet agricole, le dossier était bloqué à cause de trois produits jugés «explosifs», comme se plaisent à les qualifier les négociateurs: les céréales, les viandes rouges et les viandes blanches.

Des quotas pour protéger les céréales
Pour les quatre céréales principales à savoir le blé tendre, le blé dur, l’orge et le maïs, des sources au ministère de l’Agriculture confirment que «l’on se dirige vers un montage identique à celui réalisé avec l’Europe. En d’autres termes, un système de quotas annuels au profit des exportateurs américains assortis de clauses de sauvegarde pour protéger les producteurs marocains. Autre nouveauté, contrairement aux vœux des négociateurs américains et malgré leur insistance, la délégation marocaine n’a pas donné d’horizons fixes au démantèlement total pour les importations de ces quatre céréales».
«De toutes les manières, les Américains n’avaient pas le choix et ont fini par admettre qu’il était impossible pour le Maroc de s’engager sur une quelconque échéance, et encore moins d’appliquer un taux zéro dans l’immédiat, avant d’avoir entamé une mise à niveau du secteur agricole», commente un expert. Laquelle réforme serait aujourd’hui sérieusement envisagée par le gouvernement. La réflexion, encore au stade embryonnaire, a pour but de définir les mesures à prendre et surtout d’en définir le coût. Selon un haut responsable au département de l’Agriculture, «ce coût sera très élevé mais c’est la seul manière d’éviter d’être envahi dans 15 ou 20 ans par les produits américains».
Concernant l’autre produit «explosif», les viandes rouges, les Marocains ont fait, par contre, une petite concession. Ainsi, selon des sources proches du dossier, «un droit de douane zéro sera appliqué immédiatement aux viandes rouges importées des USA, à condition qu’elles soient exclusivement destinées à l’industrie de restauration et aux grandes surfaces». C’est ce que l’on appelle dans le jargon le «Hilton meat».

Les Américains lâchent du lest sur la règle d’origine en matière de textile.
A côté de l’agriculture, un autre point relatif aux textiles était resté en suspens au lendemain du 7e round. Il s’agit de la règle d’origine. Les Américains refusaient dans un premier temps que les produits finis marocains exportés sur le marché US utilisent des matières premières provenant de pays autres que le Maroc ou les USA. Ayant mis de l’eau dans leur vin, depuis, les négociateurs américains auraient fait preuve de plus de flexibilité et ont même signifié qu’ils seraient disposés à faire des concessions. «C’est normal, fait remarquer un textilien, car ni le Maroc ni les Etats-Unis ne sont en mesure de fournir toutes les matières premières nécessaires». Concession contre concession, le Maroc a accepté, pour sa part, d’appliquer immédiatement et sans délai un taux de douane zéro aux produits de confection « made in USA». «Contrairement à ce que l’on peut penser, les sommes en jeu, environ 70 à 80 millions de dollars, sont insignifiantes et ne risquent pas de déranger les confectionneurs marocains sur le marché intérieur», rassure un membre du groupe textiles de la délégation marocaine.
Alors signera ou signera
pas ? Le 8e round sera en tous les cas le dernier, celui de l’accord…ou de la rupture. A suivre