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Urbaniste, cette profession encore peu valorisée

La première génération d’urbanistes formés depuis 2013 au Maroc peine à se faire recruter ou à exercer à titre libéral. Les professionnels estiment que les acteurs publics et les collectivités territoriales n’ont pas encore assimilé l’importance du métier.

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URBANISTE

D’ici 2050, le taux d’urbanisation au Maroc grimpera à 73,6%. A elle seule, cette projection du Haut commissariat au plan (HCP) montre à quel point les défis et les enjeux en matière d’urbanisme seront grands à l’avenir. Aujourd’hui même, les nombreuses tares de la politique urbaine au Maroc et leurs impacts négatifs sur la qualité de vie des citoyens et le développement économique du pays en disent long sur les ratages hérités des gouvernements successifs.
Faible niveau de production des documents d’urbanisme, multiplicité des intervenants couplée à l’absence de convergence et de synergies, émergence chaotique de nouveaux centres urbains et de nouvelles villes sont autant des faits qui caractérisent la difficile mutation urbaine du Maroc. A ceux-ci – qui ont été plusieurs fois épinglés aussi bien par la Cour des comptes que par les chercheurs – s’ajoute le déficit en ressources humaines dédiées à la planification urbaine et l’aménagement du territoire. Pour y remédier, l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU) – unique instance publique de formation dans le domaine de l’urbanisme et l’aménagement – a lancé en 2013 deux cursus – une licence professionnelle et un master -, après s’être longtemps spécialisé dans la formation des cadres et la recherche depuis sa création en 1981. Objectifs fixés à l’époque : fournir aux administrations centrales, aux établissements publics, aux bureaux d’études privés et surtout aux collectivités territoriales des cadres moyens et de haut niveau spécialisés dans le domaine de l’urbanisme.
Cinq ans après, le résultat est décevant. «Sur 25 lauréats de notre promotion, seuls trois ont pu décrocher des postes au sein des agences urbaines ou des collectivités locales. Le reste s’oriente vers des cabinets d’étude – concentrés à Casablanca et peu rémunérateurs – ou poursuit des études à l’étranger», témoigne un lauréat de la deuxième promotion, qui a rejoint récemment un centre d’appels pour échapper au chômage. Ce cas est loin d’être isolé, à en juger les témoignages d’un groupe de lauréats des cinq promotions de l’INAU dont les membres envisagent de créer une coordination nationale pour plaider en faveur de la reconnaissance du métier d’urbaniste.

L’institut a formé au moins 150 personnes depuis 2013

Interpellé par La Vie éco, le directeur par intérim de l’INAU, Mohamed Hanzaz, s’est montré peu loquace. «Nous sommes dans un contexte où la question de savoir qui est urbaniste et qui ne l’est pas n’a pas encore été tranchée. Cela dit, nous œuvrons sans cesse pour confirmer notre formation auprès des parties prenantes de notre environnement», indique-t-il, sans pour autant commenter le chômage chronique qui touche les lauréats de l’institut. «Le ministère chargé de l’urbanisme a déjà communiqué une note circulaire aux agences urbaines pour les inciter à recruter les urbanistes issus de l’INAU», a-t-il conclu, après avoir promis de répondre à nos questions par mail. A l’heure où nous mettions sous presse, nous n’avons pas eu de retour. Pareil pour la fédération des agences urbaines qui n’a pas donné suite à nos sollicitations.

D’après les lauréats de l’institut, le nombre de diplômés aurait atteint 150 en 2018. Un effectif qui paraît insignifiant si l’on tient compte des besoins – du moins théoriques – en cadres spécialisés en urbanisme au niveau des collectivités locales.

S’agit-il d’un manque de reconnaissance de l’importance du métier d’urbaniste (voir encadré) ? La réponse est positive, à en croire Azzedine Nekmouche, président du Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA). Le chef de file des architectes va encore plus loin. «Beaucoup de grands projets structurants au niveau des grandes villes du royaume sont montés sans recours à l’expertise des urbanistes», explique M. Nekmouche, rappelant que la particularité de ces spécialistes est qu’ils ont une vue d’ensemble des espaces urbains dans lesquels ils exercent. A l’en croire, si des projets de tunnels dans la ville de Casablanca n’ont pas amélioré de manière significative les conditions de circulation, c’est qu’en amont, les urbanistes n’ont pas été consultés.

Autres exemples pour illustrer son propos : l’absence de parkings souterrains au niveau du quartier d’affaires de Sidi Maarouf ou le tracé du tramway. S’il reconnaît que certains départements et collectivités commencent à s’intéresser timidement à la fonction d’urbaniste, le président du CNOA estime qu’il est temps que le recours aux urbanistes dans chaque projet – touchant la vie du citoyen en ville – devienne un réflexe bien ancré.
L’autre facteur qui freine la reconnaissance du métier est l’impossibilité, tant pour les architectes que pour les urbanistes lauréats de l’INAU, d’exercer le métier à titre libéral sans fonder un bureau d’études agréé par le ministère de l’équipement. «C’est une barrière dont nous avons demandé la levée», indique notre interlocuteur.

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• Selon la définition reconnue par la Société française des urbanistes – organisme fondé en 1911 -, l’urbanisme est l’ensemble des sciences, des techniques et des arts relatifs à l’organisation et à l’aménagement des espaces urbains, en vue d’assurer le bien-être de l’homme et d’améliorer les rapports sociaux en préservant l’environnement.

• L’urbaniste est censé détenir les compétences nécessaires pour l’ordonnancement des espaces urbains. Considéré comme un chef d’orchestre, l’urbaniste est doté d’une vision globale lui permettant de penser à tout et garder à l’esprit que la ville est une dynamique où les éléments interagissent les uns sur les autres. Il agit avant l’architecte ou l’ingénieur, qu’il s’agisse de réhabiliter, développer ou protéger un lieu ou un espace. Il programme et prépare, alors que l’architecte construit.

• Selon la réglementation de chaque pays, l’urbaniste peut-être un architecte urbaniste, un technicien ou un ingénieur. Quand il n’est pas fonctionnaire de l’administration ou des collectivités territoriale, l’urbaniste exerce à titre libéral ou comme salarié d’un bureau d’études. Au Maroc, celui-ci doit nécessairement faire partie d’un bureau d’études pour exercer.

• Les missions confiées aux urbanistes sont diversifiées: plan local d’urbanisme, plan d’occupation du sol, élaboration du programme d’aménagement de lotissements, voies de circulation ou revalorisation d’un quartier, préparation d’une étude sur le tracé du TGV, ville nouvelle.[/tab]
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