Affaires
Rush sur les vigiles : les sociétés privées de sécurité submergées par la demande
Les entreprises déjà clientes ont renforcé les effectifs des vigiles en poste.
Phénomène nouveau : les professions libérales et les résidences d’habitation font appel aux sociétés de gardiennage.
Les primes d’assurance de ces sociétés privées ont augmenté avec le risque ; elles représentent actuellement près
de 8 % de la masse salariale.
L’attentat perpétré dimanche 11 mars a-t-il créé une psychose liée à la sécurité des sites, des biens et des personnes ? La réponse à une telle question, posée à de nombreux professionnels de la sécurité privée, n’est pas simple. En effet, si, vu la violence de l’évènement, le premier réflexe de chaque chef d’entreprise est de sécuriser son investissement, les manières de recourir à une sécurité renforcée diffèrent d’un secteur d’activité à l’autre.
«Comme c’est le cas après tout événement de cette sorte, les codes de vigilance augmentent aussi bien chez nous, avec des procédures plus strictes, que chez nos clients qui sont conscients du sérieux d’une telle situation», souligne Karim Chaqroun, administrateur directeur général de GPS, société employant plus de 2500 agents et protégeant quelque 700 sites sensibles. Mehdi Edari, directeur général de RMO, abonde dans le même sens. «La sécurité des sites et des infrastructures est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises, et ce pour le maintien de leur patrimoine», souligne-t-il. En tous cas, tous deux confirment une forte hausse de la demande.
La clientèle traditionnelle a renforcé sa demande
Mais comment se présente cette effervescence ? «Il y a d’un côté notre clientèle traditionnelle. Les entreprises qui ont eu recours à nos services avant même ces actes terroristes. Pour cette catégorie, nous recommandons un renforcement de la sécurité à travers une augmentation du nombre des agents sur le site à surveiller ainsi qu’un relèvement du niveau d’alerte», précise le DG de RMO.
L’attentat du 11 mars a également poussé une nouvelle clientèle à recourir à ces services. «Depuis cette date, nous ne cessons de recevoir un nouveau type de clients. Des professions libérales, opticiens et médecins notamment, des propriétaires d’immeubles et de résidences ainsi que des petits artisans et commerçants, cafetiers ou encore propriétaires de boulangerie ou de pâtisserie», souligne Hacen Madiou, directeur général adjoint de la société VIP. «Nous avons même reçu des demandes de personnes physiques désirant mettre un agent de sécurité devant la porte de leur maison ou de leur villas, ajoute-t-il. Pour cette clientèle, c’est beaucoup plus un service de gardiennage qui est proposé pour un prix moyen de 7 000 DH par mois. «Le prix augmente en fonction des prestations demandées, du nombre de rondes ainsi que du matériel utilisé», souligne ce professionnel qui compte derrière lui une quinzaine d’années dans le métier de la sécurité. Pour lui, cette situation n’est pas nouvelle.
Le même scénario s’est déroulé au lendemain des attentats du 16 mai 2003. «Je me rappelle qu’à l’époque, de nombreuses entreprises nous ont appelés pour recourir à nos services. C’est au lendemain de ces actes terroristes que nous avons d’ailleurs commencé à assurer la sécurité des hôtels Farah-Garden Tulip. A Casablanca, cet hôtel a été la cible directe des terroristes. Une période de tension a bien évidemment suivi la perpétration de ces actes. Pendant près de trois mois, nos agents étaient sur les nerfs mais ceci n’a heureusement pas duré. Le calme est revenu et les esprits se sont alors apaisés».
«Les types de prestations sont diverses et variées, mais elles sont essentiellement préventives et dissuasives et nous veillons à ce qu’elle restent dans un cadre légal», explique pour sa part Karim Chaqroun pour qui, actuellement, «il n’y a pas de logique devant des actes barbares et la vigilance de tous les instants restent l’une des meilleures préventions».
Une autre clientèle, traditionnelle cette fois-ci, s’est ruée vers ces entreprises de gardiennage et de sécurité. Il s’agit des restaurateurs, gérants de boà®tes de nuit ou de cafés. La nature même de leurs activités, le fait que ces lieux attirent un grand nombre de clients en font des cibles potentielles par excellence pour les actes terroristes. D’ailleurs, de nombreux hauts lieux de la vie nocturne casablancaise ont été cités en tant que destination finale des kamikazes du 11 mars dernier.
Quid de la sécurité des vigiles et des agents ?
La demande, comme la menace terroriste d’ailleurs, est là . «Il faut y répondre avec professionnalisme, à savoir que l’on ne forme pas des agents de surveillance sans procédures et dans la précipitation. Or, ceci nécessite du temps et de la formation. Effectivement, nous sommes là pour conseiller dans de telles situations et il va sans dire que nous insistons pour le renforcement en interne des mesures de vigilance», explique le patron de GPS. Mais assurer la sécurité d’autrui ne veut absolument pas dire occulter celle de ses agents. Et comme premier garant de cette dernière, une formation adéquate. Chez GPS, c’est un centre de formation continue composé de six salles dont deux amphithéâtres ainsi que des formateurs spécialisés pour la dispenser. Pour VIP, ce sont des modules de lutte antiterroriste (deux sur les quinze jours de formation de base) qui sont prévus.
Mais c’est surtout le volet des droits et règlements des cotisations sociales, pas toujours respectés par certaines entreprises proposant leurs services, qui fait couler beaucoup d’encre. Le Smig n’est pas garanti pour de nombreux agents de sécurité. «Notre société a pris part à des appels d’offres ou les services d’un agent de sécurité sont vendus à 1800 DH HT. Ce qui signifie que ce n’est même pas le salaire minimum garanti. Comment voulez-vous que les entreprises qui respectent les droits de leurs salariés soient compétitives ?», s’indigne Mehdi Edari, de RMO.
Un autre droit des agents de sécurité est loin d’être respecté, celui d’être assurés. Avec l’augmentation du risque terroriste, les compagnies d’assurances ont toutes imposé une hausse des primes (incluses dans les accidents de travail) qui, selon l’avis des professionnels questionnés, représentent entre 8% et 10% de la masse salariale de leurs entreprises.
Les primes des AT sont 40 à 50% plus chères dans cette activité
D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les primes des AT sont de 40% à 50% plus chères dans cette activité. «Pour que le travail soit fait avec sérieux, il faut que les agents soient respectés dans leurs droits. Or notre secteur est un métier à part entière ou seuls les professionnels sérieux devraient avoir droit de cité», conclut Karim Chaqroun. Avant de préciser que cette situation est en train de changer puisque les clients sont de plus en plus conscients de la sensibilité de ce service et exigent donc un certain niveau de prestations, tant sur le plan technique que social.
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Un maà®tre-chien : Pour se doter d’un chien pour assurer la sécurité d’un site, il faut compter en moyenne 7 500 DH par mois. Un détecteur de métal : de 8 000 DH à 15 000 DH selon la marque du matériel. Un portique détecteur de métaux : entre 40 000 DH et 45 000 DH. Son installation nécessite la formation des vigiles. |
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Samir : près de 100 agents privés. Aussi bien la raffinerie que les autres installations à Mohammédia et Sidi Kacem sont surveillés 24/24h. Une centaine de vigiles privés s’en chargent. Banques : quelque 3 000 agents. Les banques sont très exigeantes en matière de sécurité mais associent le plus souvent le convoyage de fonds et la sécurité des agences en un seul lot. Grandes surfaces : au moins 10 agents par magasin. Les grands magasins sont une cible potentielle des actes terroristes. De l’avis des professionnels, elles demeurent des marchés peu lucratifs. Et pour cause, elles ont la réputation de vouloir casser les prix. Les services d’un agent de sécurité sont payées à 8,2 DH/h, ce qui reste loin des 14 DH/h exigés par la plupart des sociétés de gardiennage. |