Affaires
Nouvelle loi bancaire : Bank Al Maghrib seul maître à bord
Le projet de loi est guidé par la sécurisation du système
financier et consacre une large place au contrôle interne des établissements
de crédit.
L’Institut d’émission aura un droit de regard sur le choix
des hauts dirigeants des établissements de crédit.

Le projet de loi relatif à l’exercice de l’activité des établissements bancaires et à leur contrôle est dans la dernière ligne droite. Actuellement au Secrétariat général du gouvernement, il sera dans les prochains jours soumis au Conseil du gouvernement. Ce texte sera discuté en Conseil des ministres avant d’être soumis au Parlement.
Toute la philosophie du texte est guidée par le souci du renforcement des règles de contrôle des établissements de crédit pour une sécurisation accrue du système financier dans son ensemble. En somme, les rédacteurs ont bien tiré les enseignements des faillites retentissantes des banques à travers le monde et dans le pays. Le CIH, le Crédit agricole et la BNDE sont des exemples concrets des failles de l’ancien système de contrôle. Certes, il est quasiment impossible d’assurer l’étanchéité du dispositif, mais la future loi permettra de réduire au mieux les dérapages.
Plusieurs innovations ont été introduites dans ce texte, fruit d’une étroite collaboration entre Bank Al Maghrib, les banques et les sociétés de financement représentées par leurs associations professionnelles respectives qui sont le GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc) et l’APSF (Association professionnelle des sociétés de financement), ainsi que le ministère des Finances. En dehors de quelques remarques de forme, toutes les parties prenantes sont unanimes sur le contenu du texte rigoureusement rédigé et de loin beaucoup plus précis que l’actuel sur plusieurs points. Les articles sont étayés au maximum afin d’intégrer plusieurs cas de figure pouvant être soulevés par les établissements de crédit.
Première innovation de taille. La consécration des règles prudentielles de Bank Al Maghrib et de son autonomie par rapport au ministère des Finances quant au contrôle des établissements bancaires et de l’élargissement du champ de contrôle.
Ainsi, les règles prudentielles ont été renforcées par l’introduction de nouveaux éléments dans le calcul des ratios comme le rapport entre «les fonds propres et l’ensemble ou certains des risques encourus», ou encore «entre les fonds propres et l’ensemble ou certaines catégories de créances, de dettes, et d’engagements par signature en devises» (art 52). Ces aménagements donneront certainement lieu à un réaménagement de la circulaire de Bank Al Maghrib y afférent.
Le ministère des Finances perd sa tutelle sur les établissements de crédit
De plus les établissements de crédit auront l’obligation d’instaurer le contrôle interne (art. 53). Cette disposition a déjà fait l’objet de la circulaire de l’Institut d’émission datée du 19 février 2001, relative «au contrôle interne des établissements de crédit» qui voit ainsi sa portée renforcée par la loi. Bref, la nouvelle législation donne une place primordiale au contrôle interne comme moyen de prévention des dérives. Il s’agit de verrouiller le système par la mise en place de procédures dans toutes les banques. «Il est attendu de cette prérogative non seulement une réduction des détournements et des tentatives de détournement mais également une diminution du risque et donc des créances en souffrance et une augmentation de la productivité bancaire», explique un banquier.
Autre point important : le ministère des Finances perd le contrôle des établissements de crédit au profit de la banque centrale qui, désormais, détient l’entière responsabilité de la stabilité du système financier. En clair, le flou engendré par le partage des prérogatives instauré par l’actuel texte disparaîtra pour de bon. D’ailleurs, le projet de loi va de pair avec le projet de réforme des statuts de Bank Al Maghrib, qui vont lui conférer une totale autonomie par rapport au ministère des Finances.
La profession bancaire accepte d’autant plus les pouvoirs accrus de l’Institut d’émission qu’elle n’aura plus qu’un seul interlocuteur. De surcroît, ce dernier «maîtrise la technicité bancaire puisqu’il est lui-même une banque, même si elle est dotée d’un objet quelque peu particulier», explique un responsable juridique d’un établissement de la place.
Le contrôle sera élargi aux holdings financières
L’article 55 du projet de texte stipule sans équivoque que Bank Al Maghrib est «chargée de contrôler le respect, par les établissements de crédit et les autres organismes soumis à son contrôle, des dispositions et des textes pris pour leur application et de sanctionner les manquements constatés». Ce contrôle est défini minutieusement. Il porte sur la vérification de l’adéquation de l’organisation administrative et comptable et du système de contrôle interne des établissements de crédit. Il concerne également la qualité de la situation financière des établissements de crédits. Il s’agit là de s’assurer qu’ils sont capables de remplir leurs engagements vis-à-vis de leurs créanciers dont les déposants, particuliers ou entreprises.
En comparaison avec l’actuelle loi bancaire, le projet élargit le champ du contrôle bancaire aux holdings dénommés «compagnies financières», lorsqu’ils détiennent des participations dans des établissements bancaires.
Jusque-là, donc, le système de contrôle prévu ne souffre d’aucune contestation de la part des futurs contrôlés. Mais l’affaire se corse dès qu’on évoque l’article 68. Ce dernier précise que Bank Al Maghrib «peut s’opposer à la nomination d’une personne au sein du conseil d’administration, du conseil de surveillance, de la direction générale ou du directoire d’un établissement de crédit (…)». Une mesure qui fait sortir de leurs gonds les professionnels. Dans un courrier adressé au ministère des Finances, le 25 mars dernier, le GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc) estimait que les décisions de nomination aux postes de direction relève des instances dirigeantes des banques. Quoi qu’il en soit, et c’est légitime, le garant de la stabilité du système financier veut s’assurer de la moralité ou même de la compétence des dirigeants appelés à prendre en main les destinées d’un organisme. Seulement, il faudra des critères précis pour motiver tout refus. Ce qui ne sera pas une sinécure.
Sur le plan de la sécurisation, les commissaires aux comptes auront un rôle important à jouer. Le projet consacre tout un chapitre (chapitre II du titre IV) à leur mission. Il est confié à ce corps de métier deux fonctions. En premier lieu, il leur est demandé de contrôler les comptes des banques conformément aux dispositions de la loi sur la société anonyme. Second point, il est exigé des commissaires aux comptes de s’assurer du respect par les banques des mesures prudentielles ainsi que de l’application du contrôle interne tel que défini par la circulaire de la Banque Centrale. Des sanctions sont même prévues pour ceux qui seraient en porte-à-faux avec la loi.
Responsabilisation accrue des commissaires aux comptes
Enfin, plusieurs petites adaptations par rapport à l’ancien texte sont inscrites comme la possibilité donnée aux sociétés de financement de recevoir du public des fonds dont le terme ne peut être inférieur à un an, alors que la loi de 1993 fixe ce délai au-delà de deux ans. Le projet de texte indique aussi l’autorisation exprès donnée aux établissements de crédit d’exercer des opérations d’assurance et d’intermédiation en matière de transfert de fonds. Il consacre ainsi les dispositifs du code des Assurances en la matière
