Affaires
Multinationales : Ces Marocains aux manettes
Les dirigeants expatriés aux commandes de filiales de multinationales sont remplacés par de hauts cadres marocains aux compétences reconnues. Analyse d’une tendance de fond.
Coca-Cola, Microsoft, Capgemini TS, Renault, L’Oréal, Lesieur…, si ces multinationales opèrent au Maroc dans des secteurs différents, elles partagent toutes un point commun : elles sont dirigées par un(e) Marocain(e).
Ces deux dernières décennies, on assiste à une «marocanisation» des firmes étrangères. Une tendance de fond amorcée au milieu des années 2000. Depuis cette période, les expatriés nommés à la tête des filiales de multinationales au Maroc sont peu à peu remplacés par des Marocains et Marocaines dont les compétences sont largement reconnues.
Pour Essaid Bellal, DG du cabinet Diorh, les prémices de cette marocanisation datent des années 1980 et 1990. «À l’époque, on recensait de plus en plus de cadres marocains au sein des comités de direction de ces structures, notamment des directeurs financiers, directeurs commerciaux, etc.», note-t-il. Et de poursuivre que «depuis, certaines firmes de la place ont commencé à internationaliser les compétences marocaines pour les faire revenir en tant que DG localement».
Pour rappel, le cabinet de chasse de têtes IBB Executive Search avait publié une étude il y a quelques mois portant sur 152 filiales de multinationales établies au Maroc, couvrant la période de 2010 à 2022. L’étude en question montre une large présence de patrons marocains à la tête de ces groupes: alors qu’ils n’étaient que 30% en 2010, ils sont 57% en 2022. Autre chiffre parlant: le nombre de Marocains à la tête des filiales de multinationales a doublé entre 2010 et 2022. En 2022, on dénombre 6 DG marocains pour 4 expatriés, tandis que l’on n’en comptait que 3 Marocains pour 7 expatriés en 2010.
Le DG marocain coûte 2 à 3 fois moins cher qu’un expatrié
Les raisons de ce changement de posture sont multiples. Pour Marie Agot, manager au sein du cabinet IBB, «le Maroc dispose en effet d’un grand nombre de dirigeants reconnus pour leurs qualités techniques et humaines. Ils maîtrisent les tissus économiques, les codes socioculturels locaux et disposent d’un réseau étoffé». Qu’on se le dise, les multinationales du secteur recherchent désormais des DG locaux introduits dans les milieux des affaires et dans la sphère publique.
Mais il n’y a pas que ça. À compétences égales, le coût d’un expatrié est 2 à 3 fois supérieur, car il comprend notamment des charges sociales élevées et des avantages en nature au titre de l’expatriation qui ne sont pas proposés en contrat local. Les multinationales tendent également à créer des hubs en mutualisant certaines fonctions au niveau régional pour favoriser l’émergence de «Country Managers» davantage concentrés sur l’activité locale. À côté de cela, il existe un facteur «continuité» qui entre en jeu : ces entreprises veulent en effet assurer la stabilité et la pérennité des activités en optant pour des profils locaux, car les départs fréquents d’expatriés créent souvent des ruptures.
En dernier lieu, les dirigeants locaux maîtrisent parfaitement l’anglais et leur ouverture à la mobilité internationale facilite leur intégration. De fait, «certains dirigeants marocains finissent également par occuper des postes dans d’autres régions du monde», note Essaid Bellal.
les multinationales américaines pionnières en la matière
Par secteur d’activité, la majorité des entreprises du secteur IT/Telecoms est dirigée par des Marocains depuis 2010. Ce secteur a été avant-gardiste dans la nomination de cadres locaux à la tête de leurs filiales, car il est dominé par des entreprises américaines, avance l’étude, et que les compétences IT sont plutôt bien représentées au Maroc. Même topo pour le secteur financier, où les managers marocains gagnent du terrain. Une tendance observée à partir de 2018 : alors qu’entre 2010 et 2017, on dénombrait 4 DG marocains pour 6 expatriés, en 2022, il y a 7 DG marocains pour 3 expatriés. Dans le secteur de la distribution de biens de consommation, l’inversion de la tendance a eu lieu en 2019. Alors que l’on comptait encore 3 DG marocains pour 7 expatriés en 2010, on dénombre aujourd’hui 5 Marocains pour autant d’expatriés.
Par nationalité, les multinationales américaines ont été pionnières en la matière, puisqu’en 2022 on compte près de 70% de DG marocains contre 30% d’expatriés, développant ainsi la culture du «Country Manager». Les entreprises françaises s’inscrivent également dans cette tendance, étant donné que le nombre de Marocains à la tête de filiales de multinationales hexagonales a doublé entre 2010 et 2022, passant de 26 à 56%.
En revanche, les autres entreprises européennes (italiennes, allemandes, espagnoles…) restent encore majoritairement dirigées par des ressortissants de leur pays d’origine.
Ceci étant, tout porte à croire que sans l’épisode de la pandémie, elles auraient fort probablement emboîté le pas. En tout état de cause, l’augmentation du nombre de DG marocains devrait se généraliser dans les années à venir, quelle que soit la nationalité des multinationales. En revanche, les entreprises asiatiques ne semblent pas encore prêtes à franchir ce cap. Les différences culturelles, l’éloignement géographique et la forte centralisation de leur mode de management expliqueraient notamment cette situation.
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (1/20) : Mohamed Bachiri
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (2/20) : Laila Benjelloun
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (3/20) : Mehdi Alami
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (4/20) : Hamid Bentahar
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (5/20) : Samir Lebbar
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (6/20) : Chouhaid Nasr
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (7/20) : Abdelmajid Iraqui Houssaini
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (8/20) : Hicham Seffa
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (9/20) : Salima Amira
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (10/20) : Hassan Bahej
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (11/20) : Leila Jebbari
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (12/20) : Abderrahim Dbich
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (13/20) : Badra Hamdaouia
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (14/20) : Ahmed El Yacoubi
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (15/20) : Brahim Laroui
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (16/20) : Salah El Ouardi
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (17/20) : Othmane Nadifi
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (18/20) : Mehdi Sahel
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (19/20) : Meryem Chami
Filiales de multinationales. Ces Marocains aux manettes (20/20) : Yahia Chraibi