Affaires
L’épicerie fine se met au goût des consommateurs
Une niche en pleine évolution avec de bonnes perspectives. Les professionnels adaptent
leur offre aux nouveaux modes de consommation des Marocains. Ce business tourne
bien en période de fêtes.
Alliant les styles vintage des vieilles épiceries françaises au style des hangars new-yorkais ou encore à un agencement traditionnel revisité, les épiceries fines sont nichées dans des quartiers huppés de Casablanca.
Tout y est déployé pour un accueil chaleureux : des vendeurs jeunes, souriants et avenants qui abordent la clientèle en bon français d’abord avant un «Marhba Lalla», une dégustation de fromage, charcuterie ou un bon chocolat chaud et une présentation des spécialités internationales et marocaines de la maison. Certaines enseignes disposent même d’un bar à huîtres que l’on peut consommer sur place ou bien emporter fraîches ou gratinées.
Et à coup sûr, on ne peut faire la fine bouche devant les diverses gammes de produits qui y sont proposées : foie gras, saumon fumé, chocolat, caviar, vins, fromages, charcuteries, confitures, confiseries, pâtes, riz, biscuits, jus de fruits, thés, cafés et autres produits gourmets, tels que les miels, huiles, vinaigres, moutardes, épices et autres sauces.
Une offre diversifiée destinée aussi bien aux Marocains, très nombreux d’ailleurs en période de fin d’année, que pour les expatriés au Maroc. Ces produits sont fabriqués par les enseignes elles-mêmes selon un savoir-faire traditionnel – finement vanté par les gérants et les vendeurs et qui se transmet de père en fils – ou importés essentiellement de France, d’Italie ou d’Espagne.
Les enseignes, dont la majorité ont démarré leur activité au cours de ces dix dernières années, mettent les bouchées doubles pour sélectionner des produits «fins et d’exception répondant aux goûts de notre clientèle qui est de plus en plus exigeante», avance Jihad El Younssi, co-fondatrice de la Maison Laji en 2021. Avec son associée Lamia Zaïm Oudghiri, elle dit s’être lancée dans cette aventure parce que les Marocains sont devenus de plus en plus friands des produits gourmets et des cuisines du monde. Et d’ajouter : «Nous nous adaptons aussi aux nouveaux modes de consommation des Marocains en proposant des plats et des pâtisseries faits maison». Comme d’autres enseignes de la place, la Maison Laji a développé un service traiteur assurant des prestations complètes aux clients pour des réceptions et pour le ftour du Ramadan.
50% du chiffre d’affaires pendant les fêtes de fin d’année…
Pour se positionner sur un marché devenu de plus en plus dynamique, les enseignes ne lésinent pas sur les moyens pour se démarquer les unes des autres : diversification de l’offre en s’ouvrant vers les produits bio et les produits du terroir, mise en place de concepts de restauration et digitalisation de l’activité. Autant d’armes pour stimuler les ventes et remédier à la saisonnalité de leur activité. Et à en croire Nadia Berrada, gérante d’une épicerie fine à l’Oasis, «cela a donné des résultats.
Les ventes en ligne et les livraisons à domicile par exemple ont séduit plusieurs clientes surtout pendant le Ramadan, sachant que les horaires de travail sont serrés et la circulation très peu fluide». Pour réduire la saisonnalité des ventes, les professionnels sont nombreux à explorer de nouvelles activités, comme la restauration et le service traiteur. Des concepts qui marchent bien durant les fêtes et le mois de Ramadan.
Chez Maison Laji, «nous proposons quotidiennement tous les produits et plats nécessaires pour le ftour et les jours de fêtes. Durant ces occasions, les ventes augmentent et nous réalisons 60% de notre chiffre d’affaires annuel», affirme Jihad El Younssi. Même son de cloche chez d’autres épiceries où, dit-on, «les affaires tournent bien en décembre et janvier durant lesquels l’activité enregistre un pic et concerne surtout les produits festifs, notamment le foie gras, les fromages, les huîtres, le caviar, le chocolat et le saumon».
Et pour booster davantage leur business, certaines épiceries de la place proposent des packs cadeaux «qui sont demandés aussi bien par les entreprises que les particuliers. Les commandes tombent début décembre et s’étalent tout au long du mois de janvier», assure-t-on dans le secteur.
En l’absence de statistiques officielles, les professionnels n’avancent aucune estimation du marché de l’épicerie fine. Mais on retiendra que d’une épicerie fine à une autre, le panier moyen se situe entre 3.500 et 4.000 dirhams durant les fêtes. Et durant le reste de l’année, il atteint 2.000 dirhams.
L’épicerie fine connaît certes une évolution notable, mais elle doit composer avec la vive concurrence de la grande distribution et de certaines enseignes spécialisées dans les produits du terroir et autres bio.
En effet, durant les cinq dernières années, les diverses enseignes de la grande distribution ont aménagé des espaces épicerie fine et produits du terroir. Les produits référencés y sont certes moins diversifiés, mais l’offre est intéressante par ses prix qui sont inférieurs à ceux pratiqués par les magasins spécialisés. Dans les boutiques de produits du terroir et bio, l’épicerie fine fait également une entrée timide parce que sur les rayons trônent plutôt le miel, les huiles d’olive et d’argan, amlou, gâteaux marocains, les pâtes de dattes, les tapenades d’olives et les fromages. «Nous avons une large gamme de gourmandises marocaines traditionnelles que nous avons élargie à certains produits importés, notamment des sauces, des pâtes, des confitures que la clientèle apprécie et achète régulièrement», explique le gérant de Jnane Louz à El Jadida. Et d’ajouter : «Nos prix sont étudiés et adaptés au pouvoir d’achat de notre clientèle et le panier moyen chez nous varie entre 500 et 750 dirhams».
L’épicerie fine est une niche qui a, les nouveaux modes de consommation des jeunes couples aidant, encore de beaux jours devant elle. Preuve en est le nombre croissant de nouvelles ouvertures dans les grandes villes, comme Casablanca, Marrakech et Rabat.