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Le patron d’Acwa Power dit tout sur le projet de la centrale solaire de Ouarzazate
Le consortium dirigé par Acwa Power a remporté le marché grà¢ce à une offre 29% moins chère que celle des autres prétendants, ce qui permet à l’Etat d’économiser 2.42 milliards de DH. 1 000 employés marocains participeront à la construction de la centrale et 80% du personnel permanent sera marocain.
Le plan solaire du Maroc lancé en novembre 2009 et visant à installer une capacité de 2 000 MW à l’horizon 2020, soit 14% de la puissance électrique prévue à cette date, est bien en marche. La construction et la gestion de la première centrale thermo-solaire vient d’être confiée au consortium conduit par le groupe saoudien Acwa Power International, qui devrait démarrer ses travaux à la fin du premier trimestre 2013. Paddy Padmanathan, PDG du groupe, nous dit tout sur ce premier projet du plan solaire marocain.
Vous venez de remporter l’appel?d’offres?pour?la construction et la gestion de la première centrale thermo-solaire dans la région de Ouarzazate. Qu’est-ce qui vous a permis de vous distinguer des autres soumissionnaires ?
Bien que notre consortium ait utilisé des fournisseurs de technologie aussi qualifiés et expérimentés que les autres soumissionnaires, et même si le coup de financement de la dette qui représente 80% du coût total du projet soit le même pour tous (car il est apporté par Masen), Acwa Power a été en mesure de proposer une offre 29% moins chère que celle des deux autres consortiums. Selon la valeur actuelle nette, cette offre représente une économie de 2,42 milliards de DH pour l’Etat marocain sur les 25 ans du contrat. Ceci a été le principal critère de distinction.
Ceci n’est ni la première fois ni une exception qu’un consortium dirigé par Acwa Power se distingue par un prix d’électricité ou de dessalement d’eau compétitif (qui sont les seuls produits dans lesquels Acwa est spécialisé). Sur l’ensemble des projets d’énergie renouvelable ou conventionnelle que nous avons remportés, nous avons été en mesure de proposer une offre tarifaire inférieure à celle de nos concurrents, allant dans certains cas jusqu’à 31%.
Nous pensons que nous sommes en mesure de fournir de manière constante et cohérente des offres compétitives, en concentrant nos efforts pour offrir les prix les plus bas possibles pour chaque type de projet, et ce, sans tenir compte «des prix de marché pratiqués». Dans le cas des projets CSP (Concentrated solar power) développés à ce jour, les prix ont été établis sur la base de tarifs subventionnés et prédéfinis. Le projet de Ouarzazate a été le premier à l’échelle mondiale qui a été octroyé dans le cadre d’un processus compétitif et complètement transparent dans lequel les soumissionnaires ont été invités à présenter l’offre la plus compétitive. Les résultats de cette démarche ont été de toute évidence surprenants, encourageants pour l’avenir de cette filière.
Quelles seront les caractéristiques de cette centrale et quels gains permettra-t-elle au Maroc de réaliser ?
Cette centrale a pour caractéristique principale l’installation d’un très large champ de miroirs cylindro-paraboliques qui permettra de concentrer la réflexion des rayons du soleil en vue de chauffer à très haute température un fluide qui circulera dans un tube qui lui-même sera chauffé à très haute température par les rayonnements de soleil concentrés. Ce liquide à température très élevée générera de la vapeur d’eau qui fera fonctionner des turbines de génération d’électricité. La centrale permettra la production de 160 MW durant les heures d’ensoleillement, ainsi que trois heures d’électricité pendant la nuit, grâce à une capacité installée de trois heures de stockage avec la technologie des sels fondus.
Compte tenu de la taille de ce projet (le plus grand projet CSP au monde), le Maroc sera propulsé dans une position de leadership dans la mise en œuvre et le développement des énergies solaires, une source d’électricité de plus en plus compétitive pour les pays à fort taux d’ensoleillement comme le Maroc. Cette position de leadership permettra non seulement au Maroc d’acquérir un savoir-faire technologique, mais aussi de développer un tissu industriel qui soutiendra la croissance de ce marché. Ceci devrait contribuer à la création d’emplois, dont une partie à forte valeur ajoutée. Le Maroc pourra en même temps réduire sa dépendance énergétique par rapport à ses importations en combustibles utilisés pour la production d’électricité. Même si le coût unitaire de l’électricité produite par la technologie CSP est plus élevé que celui des sources fossiles, ce prix reste fixe pour une durée de 25 ans, et ne sera pas soumis aux fluctuations et spéculations du cours des marchés internationaux, tel que peuvent l’être le gaz ou le charbon, importés par le Maroc pour sa production électrique.
Quand seront lancés les travaux et quels sont les délais de réalisation ?
Les délais d’obtention de l’ensemble des permis et autorisations pour la réalisation des travaux devraient porter le début des constructions à la fin du premier trimestre 2013. Néanmoins, nous nous engageons à avancer sur toutes les phases possibles et requises pour le développement de ce projet ambitieux qui relèveront de nos compétences. Notre objectif est de pouvoir produire à pleine capacité d’ici le deuxième trimestre de 2015.
Il est prévu de porter la capacité de la centrale à 500 MW. Dans quelles conditions cela devrait-il se faire ? Quel est le montant des investissements additionnels ?
Le programme publié par Masen prévoit le développement de 2 000 MW en énergie solaire. Le projet d’Ouarzazate de 160 MW en CSP est la première étape de ce programme. Nous avons compris que la prochaine étape de ce programme porterait sur le développement d’une capacité de 500 MW, ces informations seront précisées par Masen dans le prochain appel d’offres, dont, selon notre compréhension, la date de lancement serait proche.
Le coût d’investissement du solde des 340 MW serait de l’ordre de 2 à 2,5 milliards de dollars. Celui-ci dépend de plusieurs facteurs tels que le choix de la technologie et de la quantité de stockage exigée.
Comment sera financé ce projet ? Avez-vous déjà finalisé le montage ?
Le projet sera financé par des fonds propres (20% du coût total du projet) et par de la dette apportée par Masen. Le consortium dirigé par Acwa Power apportera 75% des fonds propres, les 25% restants seront apportés par Masen.
Est-il prévu un financement en dirham ?
Le financement des capitaux propres et de la dette se fera à travers 3 devises, avec environ 4% en dirham, 37% en dollar et 59% en euro.
n?Pour ce qui est des ressources humaines, feriez-vous appel aux compétences marocaines ? Dans quelle proportion ?
Nous prévoyons de maximiser la participation de la main-d’œuvre marocaine, car, selon nous, ce n’est pas seulement une exigence, mais la solution la plus économique qui assurera la viabilité du projet tout au long des 25 ans de contrat. Pendant la phase de construction nous prévoyons une implication directe et indirecte de plus de 1 000 employés marocains. Au cours de la phase de lancement opérationnelle, un peu plus de 60% de l’effectif devrait être de nationalité marocaine, sur un total de 120 salariés. Ce ratio évoluera à 80% après les trois premières années.
Que pensez-vous du plan solaire marocain ?
Nous croyons fermement que le plan est parfaitement réalisable. Nous pensons également qu’au terme des 20 prochaines années, la capacité installée en énergie solaire sera supérieur à celle annoncée. En effet, le Maroc possède une solide base d’infrastructures, un fort taux d’ensoleillement supérieur à ceux des pays européens tout en étant leur voisin. Le coût de production d’électricité solaire ne cesse de baisser, en particulier dans des pays comme le Maroc, où les heures d’ensoleillement et de rayonnement sont presque deux fois supérieures à ceux de pays comme l’Allemagne. Ce potentiel naturel permet de ramener le coût de cette énergie à des niveaux comparables à ceux produits à partir d’énergies fossiles.
Malgré les préoccupations actuelles sur le sujet de l’emploi et les fortes pressions pour produire localement, l’Europe ne peut ignorer une possibilité d’importation de l’électricité verte à des prix compétitifs. A terme, donc, le Maroc aura non seulement une réelle opportunité de réduire sa dépendance et sa facture énergétique, mais sera également en mesure d’exporter de l’électricité vers l’Europe. Nous croyons fermement que l’exportation de l’énergie solaire et autres énergies renouvelables de la région Mena vers l’Europe sera une réalité d’ici une décennie.
Ambitionnez-vous de renforcer votre présence au Maroc dans le cadre de ce plan ? De quelle manière ?
Nous avons l’intention de construire un portefeuille de production d’électricité multi-sources et être un acteur actif au cours des 5 prochaines années, au rythme des différents plans de développement mis en place par le Royaume. Nous allons donc participer et concourir aux différentes opportunités d’investissements qu’offrira le pays en essayant d’offrir les propositions les plus compétitives.
Que pèse Acwa Power International dans le monde ?
Acwa Power est un acteur économique privé qui joue le rôle de développeur, investisseur, propriétaire et exploitant de centrales de production d’électricité et de désalinisation d’eau. Nous détenons une participation dans un portefeuille de 16 usines implantées dans 4 pays dont la valeur totale des investissements est supérieure à 15 milliards de dollars et nous sommes désormais à la recherche de développement dans 4 autres pays. Nous livrons 11% de l’électricité et 40% de l’eau dessalée consommée en Arabie Saoudite, 12% de l’électricité et 17% de l’eau dessalée consommée en Oman et 59% de l’électricité consommée en Jordanie.
Lorsque nous avons fondé l’entreprise en 2004, l’objectif était de créer un acteur utilitaire à dimension internationale. Nous ne cherchons pas à être présents dans tous les pays à travers le monde ou même dans tous les continents, mais sur une large zone en vue de générer un maximum de valeur sur un portefeuille équilibré en terme de risque.
Ainsi, les cinq premières années, nous nous sommes concentrés sur l’Arabie Saoudite pour apprendre le métier et renforcer nos capacités. L’objectif des 5 prochaines années, de 2009 à 2014, étant d’élargir notre développement au-delà de l’Arabie Saoudite, au reste de la zone du Conseil de coopération du Golfe (CCG), la Jordanie, l’Egypte, le Maroc, la Turquie et l’Afrique du sud. Nous envisageons également de nous implanter en Asie du Sud-Est, dans des pays comme l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam et peut-être même dans le Myanmar. En 2015, nous visons à étendre notre portefeuille de 13 000 MW à 30 000 MW avec un minimum de 5% en énergie renouvelable, soit 1500 MW. Quant à notre capacité d’eau dessalée elle devrait atteindre 5 millions de m3 par jour contre 2,25 millions de m3 par jour aujourd’hui.