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Affaires

La Snep est-elle surprotégée ? L’Etat enquête sur le PVC

Le délai de protection du seul fabricant de PVC au Maroc a été rallongé de 8 ans
Dimatit, Plastima et Snep déjà visitées par les enquêteurs
La libéralisation de l’importation du PVC est imminente.

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Depuis quelques jours, le PVC est sous la loupe de l’Etat. L’enquête sur la concurrence annoncée par le ministère chargé des affaires économiques et générales fin décembre a été lancée. Les équipes de l’Autorité de la concurrence déjà sur le terrain vont mener leurs investigations à la suite de doléances des opérateurs du secteur. Elles feront le tour des opérateurs de la filière, du producteur local jusqu’à l’importateur en passant par les transformateurs et utilisateurs.

Au ministère, on ne laisse rien filtrer. Il est vrai que les investigations ont à peine commencé mais on se contente de dire que «les équipes font leur travail de la manière la plus professionnelle possible». Le ministre tient à souligner qu’«une enquête n’est pas forcément synonyme de sanctions. Si les résultats confirment le bon comportement du secteur, nous ne pourrons que féliciter les opérateurs. A l’inverse, un rappel à l’ordre sera nécessaire en cas de comportement qui va à l’encontre des principes de la concurrence saine».

Les droits de douane n’ont plus baissé depuis 2003
A l’origine de cette opération, une série d’écrits adressés par des opérateurs au ministère du commerce et de l’industrie, dans lesquels ces derniers demandent de ramener les droits de douane applicables aux importations de PVC de 25 à 10% en vertu d’une décision du Premier ministre. «En 2001, le gouvernement avait adopté un principe selon lequel une matière première subit à l’importation un droit de douane de 2,5% si elle n’est pas fabriquée localement et de 10% si elle l’est», rappelle Abderrahmane Ouali, consultant auprès de Plastima, un des gros opérateurs du secteur. Et d’ajouter qu’à l’époque, ce principe avait été immédiatement appliqué dans le secteur du textile mais pas dans celui du PVC, malgré les multiples écrits et démarches des industriels avec, à leur tête, l’AMP, Association marocaine de plasturgie.

Au cœur de cette polémique l’on retrouve la Snep (Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie), propriété du groupe Chaâbi. Privatisée en 1993, la société qui dispose à ce jour encore du monopole de fait de la production du PVC a bénéficié d’une protection transitoire. L’Etat avait accepté en effet de maintenir des droits de douane de 40% sur les importations pour permettre à la Snep d’opérer la mise à niveau de son outil de production. Initialement de cinq ans, cette période a été rallongée. «On peut comprendre que parfois, pour des raisons objectives, cette période peut être prolongée, mais pas de 8 ans ! D’ailleurs, ce n’est que deux années après l’achèvement de la période quinquennale qui a suivi la privatisation de la Snep que les industriels concernés ont posé le problème au gouvernement, et ce n’est qu’en 2003 que le taux des droits de douane a été ramené de 40% à 25%, et plus rien depuis», expliquent les représentants de Plastima.

Chaâbi anticipe la libéralisation et annonce l’introduction en Bourse de la Snep
Pourtant, le Maroc a signé des accords de libre-échange avec certains pays. Pourquoi alors les utilisateurs de PVC, qui se plaignent de la position dominante de la Snep, ne profitent pas de ces facilités pour importer du PVC d’Egypte, des Emirats Arabes Unis ou des Etats-Unis ? «Certes les droits sont plus bas, voire nuls pour les premiers pays, mais ces zones n’ont pas les capacités suffisantes pour fournir le Maroc. Pour l’accord avec les Etats-Unis, le niveau de la protection est encore presque au maximum puisque l’accord est tout récent», explique un opérateur.

Dans leur démarche auprès du Premier ministre et du ministre de l’industrie, les transformateurs de PVC, fabricants de tubes pour l’essentiel, critiquent aussi le modèle d’intégration en aval de la Snep qui livre Dimatit, elle-même filiale du groupe Ynna Holding. «Une société concurrente à d’autres entreprises se trouve dans le même groupe que la Snep. Il est tout à fait normal qu’elle puisse bénéficier de conditions plus favorables que les autres. Le contraire serait surprenant et anti-économique dans la démarche du groupe. C’est à l’Etat de jouer son rôle de régulateur en levant la protection de l’importation du PVC ou tout au moins en accordant des importations en franchise afin de mettre tout le monde sur un pied d’égalité», commente M. Ouali. D’autres opérateurs du secteur soulignent toutefois qu’ils n’ont jamais pu établir que la Snep favorise Dimatit. Néanmoins, «en passant des commandes à la Snep nous dévoilons nos cartes et nos prévisions commerciales à nos concurrents directs», note un opérateur qui a requis l’anonymat.

Aujourd’hui, selon nos informations, Dimatit détient pratiquement 40 % du marché du tube en PVC, dont la matière première représente près de 70% du coût de revient. En deuxième position figure Plastima avec 30 %, suivie de Ferroplast avec 15%.

L’Autorité de la concurrence devra tirer cela au clair. Les enquêteurs ont déjà rendu visite à Plastima, Dimatit et à la Snep. «Effectivement, nous avons reçu la visite des enquêteurs. Nous leur avons ouvert nos livres car nous n’avons rien à nous reprocher», affirme Omar Chaâbi, chargé de la communication du holding. Il se refusera néanmoins à tout autre commentaire «pour ne pas influer sur le cours de l’enquête».

Plusieurs questions restent en suspens, notamment sur le timing choisi par le groupe pour annoncer l’introduction en Bourse de la Snep en 2007. Celle-ci restera-t-elle une bonne opportunité à saisir si le gouvernement décide de ramener les droits de douane à 10 % et de confronter davantage l’entreprise à la concurrence étrangère ? «La Snep ne pourra que tirer avantage de la libéralisation puisqu’elle sera contrainte de moderniser son outil de production et développer ses débouchés notamment sur le marché maghrébin. Le groupe a le savoir-faire et le financement nécessaires pour assurer ce développement», explique un membre de l’AMP. Pour d’autres, l’introduction en Bourse devra justement, en perspective de la libéralisation imminente, permettre de lever les fonds nécessaires à la modernisation de la Snep.