Affaires
La lente décrue de l’à¢ge d’or des téléboutiques
Le chiffre d’affaires mensuel a chuté d’au moins 70 % par rapport au début des années 2000.
Pour garder leur commerce, les exploitants distribuent journaux et produits d’épicerie.
Les temps sont durs pour les téléboutiques. L’activité qui a connu son heure de gloire entre la deuxième moitié de la décennie 90 et le début des années 2000 est en chute libre. Pour défendre leurs droits auprès de Maroc Telecom et faire du lobbying, les exploitants s’étaient même regroupés dans une association qui a compté jusqu’à 30 000 membres, fait-on savoir. Aujourd’hui, la plupart de ceux qui continuent à «vivoter» y arrivent parce qu’ils ont élargi leurs activités à la fourniture d’accès à Internet -une activité devenue également peu lucrative- ou même à des produits qui n’ont rien à voir avec les télécoms (journaux, confiserie, biscuits…). La Vie éco est allé à la rencontre de professionnels qui ont investi dans le domaine et y ont gagné de l’argent. Ils sont unanimes à trouver la situation si intenable qu’ils se préparent à des reconversions forcées. Rachid Andaloussi, établi au Maârif, explique qu’il a ouvert sa téléboutique en 1998 et qu’il avait commencé avec 4 publiphones. Il raconte que les débuts étaient intéressants. A l’époque, Maroc Telecom était le seul opérateur sur ce créneau. Notons à cet égard que les téléboutiques perçoivent 45% sur les communications téléphoniques, 15% sur les packs et 7% sur les recharges.
La recette mensuelle d’un poste téléphonique pouvait atteindre 6 000 DH. Avec le temps, M. Andaloussi en avait installé une dizaine au total. Cela marchait si bien qu’il avait recruté 4 personnes pour constituer deux équipes dont la première assurait le service entre 7 h et 15 h et la seconde de 15 à 22 DH, et même au-delà si les clients se manifestaient. Le vent a ensuite tourné depuis et il a été obligé de revendre quelques postes pour reconstituer sa trésorerie. De même, il ne garde plus qu’un seul employé et se consacre entièrement à sa téléboutique, alors qu’il exerçait d’autres activités en parallèle.
Le coup de grâce a été donné par Bayn
Driss Chnahim a eu un parcours similaire, mais il avait deux avantages : son commerce est situé à Attacharouk, un quartier à grande densité démographique, et, comme il est technicien, il avait intégré la réparation d’appareils téléphoniques et électroniques dans le business. Il y a huit mois, il a résilié son contrat avec Maroc Telecom et loué son magasin parce que l’activité ne lui rapportait plus de quoi vivre. Un autre professionnel qui garde sa téléboutique à Derb Soltane – pas pour longtemps car il est déjà en pourparlers avec une autre personne qui veut poursuivre l’activité – parle d’une baisse de 70 % du chiffre d’affaires. Une évaluation que partage Rachid Andaloussi qui annonce même un chiffre beaucoup moins bon. A l’en croire, un poste téléphonique ne dégage plus qu’une recette moyenne de 540 DH par mois. Comment en est-on arrivé là ? Le repli a commencé avec la disparition du chaînage qui, au début, avait été établi à 200 mètres. Puis, expliquent les professionnels, à cause des promotions quasi permanentes, la durée de communication enregistrée par les téléboutiques a lourdement chuté. L’ouverture du marché à la concurrence a davantage compliqué la situation. Avec l’arrivée du réseau de Méditel et la croissance continue de celui de Maroc Telecom, le nombre de téléboutiques avait été multiplié par deux, selon certains professionnels (voir encadré).
Rachid Andaloussi, plus loquace que ses collègues, a cette appréciation : «Sur un mois, les promotions sur la recharge succèdent à celles sur les télécartes et sur le fixe. Pourquoi voulez-vous que les clients continuent à se déplacer vers les téléboutiques ? Par la suite, nous avons commencé à vendre les produits de tous les opérateurs confondus. Mais rien n’y fait».
Pour Driss Chnahim, le coup de grâce a été asséné par l’arrivée de Bayn. Néanmoins, il fait remarquer que l’activité a commencé à décliner depuis plusieurs années et que les exploitants se considèrent concurrencés par les opérateurs eux-mêmes. Selon différentes sources, de jeunes gens proposent les produits du nouvel opérateur juste devant les téléboutiques, ce qui leur fait perdre un chiffre d’affaires potentiel.