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La filière cameline, une source de vie dans les provinces sahariennes
La «Caravane Agricole Phosboucraa» a planté ses tentes le 5 avril à Assa. Les éleveurs de Guelmim-Oued Noun sont confrontés à de nombreux défis dont la rareté de l’eau. L’élevage camelin est une source de revenus pour les deux tiers des populations des provinces du Sud.

A une quinzaine de kilomètres du centre urbain d’Assa, Haiba et ses compagnons, éleveurs camelins comme lui, papotent tout en veillant sur leurs troupeaux de dromadaires près de Oued Draa. Dans cette zone aride et semi-désertique de la région Guelmim-Oued Noun, le plus long fleuve du Maroc est à l’évidence asséché. Un prétexte pour lancer la discussion avec nos interlocuteurs. «L’accès à l’eau est une problématique majeure du fait de la sécheresse. Les puits doivent être de temps à autre approfondis pour atteindre la nappe phréatique, d’autant plus que nous devons parcourir plusieurs centaines de kilomètres au sud ou au nord», confie d’emblée Haiba, un éleveur quadragénaire issu comme ses deux amis – Mohammed et Ali – de la tribu d’Aït Oussa.
Dans les trois régions sahariennes, l’élevage camelin représente une source principale de revenus pour les deux tiers des populations, voire plus. Dans la province d’Assa-Zag à dominante rurale, une bonne partie des 5802 ménages en dépend. C’est dire le poids socioéconomique de cette pratique ancestrale. Si les potentialités de cette activité séculaire sont énormes – lait de chamelle et produits dérivés, viande, laine ou animal de bat – sur fond de sédentarisation et d’urbanisation galopantes dans les provinces du Sud, les défis le sont tout autant. «Contrairement aux éleveurs de Laâyoune et Dakhla qui ont démarré des projets de valorisation du lait, nous n’avons pas de réels débouchés du fait de l’absence de points de collecte, chaîne de froid et moyens de transport adéquats dans notre région», confie Ali.
Sécurisation de l’accès à l’eau, création de nouvelles zones de parcours, renforcement des dispositifs de formation et de conseil au profit des éleveurs, attraction des investissements pour la valorisation et la transformation… Ce sont là autant de défis qui reviennent souvent dans les propos des éleveurs sahraouis sondés par La Vie éco.
Fondation Phosboucraa à la rescousse
Pas trop loin des troupeaux et des mythiques 4×4 Land Rover chers aux Sahraouis, d’autres groupes d’éleveurs s’affairent autour des chapiteaux blanc-vert aux couleurs du groupe OCP. Ils sont au total 350 petits propriétaires de plusieurs provinces de Guelmim-Oued Noun à avoir fait le déplacement pour assister à la 6e étape de la caravane agricole Phosboucraa. Lancée en 2015 par la Fondation Phosboucraa du groupe OCP, en collaboration avec le ministère de l’agriculture, cet évènement se veut, selon ses organisateurs, «une initiative pour appuyer le Plan Maroc Vert». «La caravane offre un accompagnement complet en matière de conduite de l’élevage et de valorisation des produits du dromadaire», indique-t-on du côté de l’OCP. Au menu de l’évènement : master classes au profit de 60 petits éleveurs et sessions de formation sur des thématiques en relation avec l’amélioration de la productivité et la valorisation. Le tout animé par des experts marocains et étrangers dépêchés sur place, dont le chercheur australien Rifat Jasim qui a fait le déplacement pour partager l’expérience de son pays.
Pour créer de l’émulation parmi les éleveurs, un concours de sélection de dromadaires performants – reproducteurs, chamelles laitières, chamelons et troupeaux – est également au programme de l’édition 2018. «La caravane agricole Phosboucraa est une action de proximité qui permet de vulgariser les techniques de conduite d’élevage, l’alimentation, la santé animale et la valorisation des produits issus de la filière», poursuit la même source.
Pour leur part, les acteurs du paysage agricole – directions régionale et provinciale de l’agriculture, l’ONSSA et les Chambres d’agriculture – profitent de la caravane pour communiquer auprès des éleveurs autour des programmes qui leur sont dédiés.
En effet, il n’est pas toujours aisé de rassembler dans un même lieu et au même moment des éleveurs itinérants. «Nous sommes des nomades ou bien semi-nomades en quête perpétuelle d’eau et de fourrage pour nos troupeaux. Nous pouvons prendre la direction du nord jusqu’à Taroudant, Errachidia ou Bouafra ou bien vers l’extrême sud du Sahara à Guergarate. Chose qui fait que nous ne sommes parfois pas au fait des programmes mis en place par les pouvoirs publics», concède un éleveur.
[tabs][tab title =”La filière en chiffres”]L’effectif est de plus de 200 000 têtes dont 90% concentrés dans les régions sud du Maroc. La production annuelle de la viande cameline est estimée à 3 248 tonnes et celle de lait de quelque 600 000 litres. Trois principales zones abritent ce cheptel, à savoir la zone saharienne (Dakhla-Oued-Eddahab, Laâyoune-Sakia- El Hamra et Guelmim-Oued Noun), le plateau central (Chaouia, Abda, Doukkala et Tensift) et la zone du Sud-Est (Draa-Tafilelt, Figuig et Taroudant). Le camelin s’alimente dans des parcours d’une superficie de 21 M d’ha. Les principales races camelines marocaines sont le «Grezni», de petite taille et de faible production laitière, «le Marmouri», de taille moyenne et de bonne production laitière, et enfin le «Khouari».[/tab][/tabs]
[tabs][tab title =”Viande transformée, une niche dominée par Koutoubia “]En plus des institutionnels, le champion marocain de la transformation des viandes, Koutoubia, était également de la partie. Dans son stand, nous y découvrons les travaux ayant abouti à la conception de six produits à base de viande de dromadaire (jambon sec, saucisson cuit, mortadelle, jambon cuit et merguez). «Nos travaux au sein de Koutoubia ont porté, d’une part, sur la caractérisation des différents muscles du dromadaire (d’un point de vue physico-chimique et technologique), et, d’autre part, sur l’étude de comportement de chaque muscle à la transformation et à la caractérisation des produits transformés. «L’objectif est de proposer différentes voies d’innovation de produits pour valoriser la viande cameline», lit-on dans un visuel du groupe. Selon Koutoubia, ces produits bien qu’ils aient suscité un vif intérêt des consommateurs, leur marché demeure une niche.[/tab][/tabs]
