SUIVEZ-NOUS

Affaires

Immobilier : les opérateurs pointent un PLF sans ambitions pour leur secteur

La cotisation minimale de 3% sur la vente d’un bien à plus de 500 000 DH risque de brider davantage le marché. En s’acquittant de la TVA, les coopératives perdent l’un des rares avantages dont elles bénéficient.

Publié le


Mis à jour le

Terrain Foncier Immobilier

Les mesures fiscales concernant le secteur immobilier inscrites dans le projet de Loi de finances 2019 ne pourraient que porter préjudice au citoyen. C’est en substance ce que pensent plusieurs professionnels de l’immobilier. «La fiscalité marocaine n’avance pas. Le gouvernement s’amuse à prendre certaines mesures, les imposer pendant quelques années, et revenir ensuite au régime fiscal initial», ironise un notaire à Rabat qui ajoute que «le but de l’Etat est clairement de renflouer les caisses, sans prendre en compte l’intérêt du citoyen».

Les opérateurs contactés estiment que la cotisation minimale de 3% sur le prix de vente d’un bien immobilier à titre d’habitation principale, occupé depuis au moins 6 ans, est une aberration en soi. L’introduction de cette mesure impactera systématiquement les ventes qui fléchiraient, et, de facto, la dynamique du marché immobilier déjà en mauvaise posture.

De plus, le texte qui circule a fixé un seuil minimum du prix de cession de 500 000 DH. «C’est abusif et cela touche directement et de plein fouet une large frange de la population qui commence à partir de la classe moyenne». Illustrons : si un bien immobilier est vendu à 1 MDH, le vendeur devrait payer une cotisation minimale de 30000 DH. Ce montant pourrait servir à s’acquitter des frais de conservation foncière du nouveau bien immobilier désiré par ce vendeur, raisonnent les détracteurs de la mesure.

Des complications en vue pour l’autoconstruction

L’Association marocaine des agences immobilières (AMAI), de son côté, propose de garder cette cotisation minimale, mais de relever le seuil minimal du prix de cession, à 3 MDH. «Cette proposition devrait servir certes l’intérêt de l’Etat en vue d’élargir ses recettes fiscales, mais aussi la classe sociale qui serait pénalisée par le minium imposé de 500 000 DH», explique Mohammed Lahlou, président de l’AMAI.
En outre, il souhaite l’introduction d’une autre nouveauté pour les propriétaires de villas dans des zones qui sont devenues des zones immeubles dans le plan d’aménagement. «Ces habitations devraient être passibles d’une TPI d’au moins 10%, lors de la vente, avec une entrée en application en 2020», propose M.Lahlou. Autrement dit, la Loi de finances devrait introduire cette proposition en permettant aux propriétaires de villas de bénéficier d’un délai de grâce d’une année avant l’entrée en vigueur de la TPI proposée. Le but serait triple selon le président de l’AMAI : «Les prix devraient chuter, les transactions se dynamiser et les caisses de l’Etat seraient renflouées».

La TVA sur livraison à soi-même devrait aussi faire l’objet de modifications. Alors qu’elle est payable dans un délai de 3 mois après l’obtention du permis d’habiter, le projet prévoit que si le contrôleur relève que le bien construit est achevé et prêt à être occupé, il lui revient de décider de la date à partir de laquelle court le délai pour le déboursement de la TVA. Et ce, sans prendre en compte la date de délivrance du permis d’habiter qui peut être postérieure à la date d’achèvement du chantier. Ceci lèse directement le propriétaire, puisqu’il pourrait payer des frais de retard «injustement» dus. Par ailleurs, les amicales et coopératives d’habitation seraient redevables de cette TVA, alors qu’elles étaient totalement exonérées. «C’est le seul avantage dont dispose ce type d’habitation chez ces amicales et coopératives qui construisent et se partagent les biens en communauté !», s’exclame un professionnel. L’on se demande alors quel est l’intérêt de garder ces amicales et coopératives si cet avantage leur est également ôté.

Cafouillage sur le locatif

Vient enfin cette mesure visant la suppression de l’abattement de 40% sur le revenu foncier brut des biens mis en location. Sur ce volet, un énorme point de discordance est relevé entre les ministères. Le ministère des finances va dans le sens de l’imposition de l’immobilier locatif alors que celui de l’habitat, dans le cadre de sa nouvelle vision de dynamisation du secteur immobilier, ambitionne d’encourager l’investissement locatif. «C’est à se demander si les membres du gouvernement, dans leur ensemble, se concertent avant l’élaboration des principales mesures de la Loi de finances», s’interroge un promoteur. Cet abattement est le seul avantage fiscal dans le locatif. Alors que le locataire et le propriétaire attendent des mesures fortes destinées au lancement du locatif, surtout dans ce contexte où la plupart des personnes se tournent vers cette alternative, c’est plutôt le contraire qui est en train d’être fait, regrettent les professionnels de l’immobilier.