Affaires
Eau et électricité : les tranches sociales non concernées par les récentes hausses
La hausse des factures d’eau et d’électricité s’explique par l’instauration de la facturation sélective et les révisions des prix à la hausse entre 2014 et 2017. La tarification varie selon la ville et le distributeur.
C’est un serpent de mer. La hausse réelle ou ressentie des factures d’eau et d’électricité provoque systématiquement l’ire des citoyens. Et ce quel que soit leur fournisseur : l’ONEE, les quatre gestionnaires délégués de Casablanca, Rabat, Tanger et Tétouan ou les sept régies autonomes dans d’autres villes du Royaume.
Manifestations contre Amendis à Tanger en 2015, pétitions contre Lydec à Casablanca, colère contre l’ONEE à Jerada ou dans certains quartiers populaires de Marrakech contre la Radeema…. ONEE, régies et délégataires privés sont souvent pointés du doigt.
Les tranches sociales non concernées par la hausse
Il faut tout d’abord rappeler que les tarifs de l’eau, de l’assainissement liquide et de l’électricité sont réglementés. «Ils sont fixés par arrêté du chef du gouvernement après avis de la Commission interministérielle des prix chargée des affaires générales et de la gouvernance, à l’exception de ceux des gestionnaires délégués dont les tarifs sont contractuels», indique-t-on du côté de la Direction de l’électricité relevant du ministère des énergies et des mines.
En clair, les tarifs de l’ONEE et des régies autonomes sont basés sur le barème du gouvernement. Les prix des filiales de Suez (Lydec) et Veolia (Redal et Amendis) sont contractuels, tenant compte des tarifs réglementaires, en plus des dispositions du contrat de gestion déléguée les liant aux communes.
Comment peut-on donc expliquer la hausse des factures? Premier élément de réponse : les nouvelles modalités de facturation et dispositions tarifaires en vigueur depuis le 1er août 2014, conformément au contrat-programme Etat-ONEE (2014-2017). Si les tarifs ont été revus à la hausse –à deux reprises pour l’eau (août 2014 et janvier 2015), une seule fois pour l’assainissement liquide, et quatre fois pour l’électricité (août 2014 et le 1er janvier des années 2015, 2016 et 2017)–, ceux des deux premières tranches de l’eau et de l’assainissement liquide ainsi que la première tranche de l’électricité n’ont pas été revus.
S’agissant des nouvelles modalités de facturation, la facturation sélective –consistant à facturer la totalité de la consommation mensuelle au tarif de la tranche dans laquelle elle se situe– a vu le jour, en plus de la facturation progressive. Cette dernière consiste quant à elle à facturer le volume consommé en fractions correspondant aux tranches. Exemple d’une facturation progressive : pour une consommation en électricité de 124 kWh/mois, 100 kWh sont facturés en 1er tranche et 24 kWh en
2e tranche.
«La facturation progressive a été maintenue pour les consommations mensuelles inférieures ou égales à 12 mètres cubes pour l’eau potable et l’assainissement, et 150 kWh pour l’électricité», explique Fahd Guasmi, directeur adjoint en charge du marketing à Lydec.
«Outre le fait qu’ils ne soient pas impactés par la hausse prévue dans le contrat-programme, les tarifs des tranches sociales ne couvrent pas les coûts de production», surenchérit Hssaine Oudnoune, chef de département clients particuliers à la Radeema.
Comprenez, si votre consommation ne dépasse pas 12 m3 pour l’eau et l’assainissement et 150 kWh pour l’électricité, la nouvelle configuration tarifaire et de facturation est sans impact significatif sur votre pouvoir d’achat.
Selon les chiffres de Lydec, 51% consomment en moyenne 6 m3 pour une facture maximale de 38 DH TTC, tandis que 66% des clients consomment en moyenne moins de 150 kWh par mois pour une facture maximale de 164 DH. Pareil pour Marrakech où plus de la moitié des clients de la Radeema se situent dans les tranches sociales, à en croire M.Oudnoune.
Si, au contraire, vos consommations mensuelles se situent dans les tranches supérieures (entre 3 et 6 pour l’électricité et 3 et 5 pour l’eau et l’assainissement), il va sans dire que vous déboursez plus depuis août 2014.
Simulation pour l’eau et l’assainissement liquide : un particulier casablancais qui consomme 14 m3 (tranche 3) a vu sa facture passer de 128 à 133 DH TTC (+5 DH TTC). Celui qui consomme 30 m3 (tranche 4) a pour sa part vu sa facture passer de 394 à 447 DH TTC (+ 53 DH TTC). Pour ce qui est de l’électricité, l’augmentation atteint 30 DH pour un client de la troisième tranche et 58 DH pour un client de la tranche 4.
Les nouveautés apportées par le contrat-programme n’expliquent pas tout. Autre raison et non des moindres : les compteurs communs et le pouvoir d’achat dans le monde rural. La prépondérance des compteurs communs dans certains quartiers populaires ou pour certains types d’habitations font exploser les factures en faisant grossir le volume, le situant dans une tranche supérieure. Il faut dire que l’impact de ce phénomène a été aggravé par l’instauration de la facturation sélective.
C’est pour cela qu’une circulaire interministérielle datant de novembre 2014 a été élaborée pour résoudre cette problématique via l’individualisation des compteurs quand c’est possible techniquement ou le redimensionnement des tranches.
Les prix réglementés sont fixés par ville ou par zone
Dans le monde rural et dans certaines villes comme Jerada, c’est surtout le déphasage entre un pouvoir d’achat stagnant ou en érosion et l’évolution de la consommation qui provoque le mécontentement, à en croire un cadre de l’ONEE.
De légers écarts entre les prix payés par les clients des différentes régions et des différents canaux de distribution existent. Les prix réglementés tels que présentés dans l’arrêté du chef de gouvernement sont fixés par ville ou zone.
«Les Marrakchis paient l’eau un peu moins chère que les Safiots car les coûts et les investissements liés à la production diffèrent d’une région à l’autre», explique M.Oudnoune.
Interrogé par La Vie éco sur un éventuel décalage des prix finaux déboursés par les clients de Lydec et ceux de l’ONEE dans le grand Casablanca, Fahd Guasmi concède qu’«il y a un léger écart qui s’explique par les besoins de financement des investissements contractuels».
Évident, car les délégataires sont des entreprises privées qui n’ont pas le même paradigme que les régies autonomes ou l’ONEE. «La priorité des régies n’est pas de dégager des gains conséquents, mais de réaliser les investissements nécessaires à la continuité du service public et l’amélioration de sa qualité», conclut notre source à la Radeema.