SUIVEZ-NOUS

Affaires

Comment le Maroc compte assurer sa sécurité alimentaire à  l’horizon 2020

D’une démarche filière, le Royaume est passé à  une stratégie transversale matérialisée par le Plan Maroc vert. L’Etat contribue au financement des investissements en donnant plus de moyens aux petits agriculteurs.

Publié le


Mis à jour le

Préparer le futur dès maintenant pour éviter toute mauvaise surprise. En tant que gros importateur de denrées alimentaires pour compenser l’insuffisance de l’offre locale, le Maroc s’est résolument inscrit dans cette dynamique en matière de sécurité alimentaire. Lors du Global food security forum, organisé par le groupe OCP du 7 au 10 mars à Rabat, Aziz Akhannouch, ministre de l’agriculture et de la pêche maritime, a d’ailleurs proposé aux représentants de plusieurs pays africains présents à la manifestation de mettre à leur disposition l’expertise du Maroc en la matière.
Le Royaume a choisi d’appréhender la sécurité alimentaire de manière globale en mettant en place une stratégie transversale de développement de l’agriculture, à travers l’augmentation de la production et de la productivité, la valorisation des produits de l’agriculture et la recherche de marchés, mais aussi en intégrant le développement des revenus des paysans et en les protégeant contre l’aléa climatique à travers des produits d’assurance appelés à se généraliser et à se diversifier en devenant paramétriques notamment.
Les résultats sont bien visibles. Entre 2005/2007 et 2011, l’utilisation des engrais a été augmentée de 8% et la mécanisation a progressé de 27%. On est passé de 5,2 tracteurs pour 1 000 ha à 6,6 sur l’ensemble de la surface agricole utile qui est de près de 9 millions d’ha. En matière d’économie d’eau, 292 000 ha sont équipés en système d’irrigation localisé comme le goutte-à-goutte, contre 131 000 auparavant, soit un bond de 127%.
Comment cela a-t-il été rendu possible ? Avant 2008, il y avait des plans par filière mais avec la mise en place du Plan Maroc vert, c’est une stratégie globale, chiffrée, qui subit des évaluations périodiques, qui est le fer de lance de la modernisation du secteur. Il s’agit d’une vision à l’horizon 2020 qui se fonde sur deux grandes idées. La première est qu’il faut attirer des investisseurs solides, à travers des incitations financières, des subventions mais aussi en mettant à leur disposition des infrastructures. L’Etat, en effet, prend en charge l’aménagement hydro-agricole, le dépierrage, ou apporte sa contribution pour le creusement de puits, par exemple. Cela s’appelle le pilier I du plan et c’est là que s’inscrivent et le partenariat public/privé dans le cadre des terres de l’ex-Sodea/Sogeta, mais également le contrat programme avec filière de l’agrumiculture, entre autres.
De l’autre côté, il n’est pas question d’oublier l’agriculture solidaire, plus fragile, à cause du morcellement des terres, de la faible utilisation des intrants et de la mécanisation, du manque ou de l’absence d’eau…. Pour cette agriculture, l’Etat s’engage à apporter 80% du montant des investissements ne demandant aux petits agriculteurs que 20% mais à la condition de constituer des groupements pour présenter des projets viables et fiables. C’est dans ce cadre que l’on prévoit de ramener la céréaliculture à 4 millions d’hectares au lieu de 5,3 millions d’hectares actuels. L’idée est d’optimiser la productivité sur cette surface et de convertir le reste à l’arboriculture (figuier, pommier…) en apportant les aides qui s’imposent.
Au milieu du processus se situe le concept de l’agrégation. Là, ce sont des entreprises agricoles modèles qui vont tracter les petits agriculteurs, pour leur permettre d’accéder aux intrants à moindre coût, d’adopter les bonnes pratiques et même pour trouver des débouchés.
De fait, cette démarche va diminuer les intermédiaires et permettre aux producteurs d’être plus compétitifs en matière de qualité comme de prix. Et justement, on estime que le prix perçu par l’agriculteur ne représente qu’entre 35 et 43% du prix de vente final. L’idée est de multiplier ce revenu par 2 à 3.

Même en réduisant les surfaces de la céréaliculture, on peut produire plus et mieux

A l’horizon 2020, le total des projets de développement est évalué à 1 500 mais pour mieux comprendre la démarche, quelques exemples par filière s’imposent. A titre d’exemple, dans la filière des primeurs, avec la politique d’encouragement mais aussi le contrat programme, on va passer de 32 000 ha à 53 000 en 2020, avec une production qui devrait monter de 1,7 million de tonnes à 3,5 millions.
Pour la céréaliculture, même en limitant les surfaces à 4,2 millions au lieu des 5,3 millions, en généralisant engrais et semences certifiées, la production moyenne devrait atteindre 70 millions de quintaux au lieu de 50 millions, ce qui réduirait nos importations de 20%.
Bref, il y a 15 contrats programme déjà ficelés et il faut croire que sur certains, de grands progrès sont clairement établis. Sur la filière «lait», on est passé de 450 millions de litres en 1975 à 2,1 milliards de litres aujourd’hui et on compte atteindre les 2,5 milliards de litres.
Mais, globalement, il ne s’agit pas d’arriver coûte que coûte à l’autosuffisance alimentaire. Aziz Akhannouch l’expliquait ainsi : il faut que chacun produise selon son savoir-faire et ses contraintes climatiques.
A cet égard, l’Afrique devrait se doter d’instances de régulation et de conseil pour mieux produire et mieux échanger.