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Comment des agriculteurs ont multiplié leurs rendements par trois grà¢ce à l’agrégation
Tanmia Filahia, un GIE qui regroupe 350 céréaliculteurs sur 4 000 hectares. Fondé par les Moulins du Maghreb et Charaf-Fertima, le groupe veut atteindre 150 000 ha de céréales en 2020. A Béni-Mellal, Univers Génisses, spécialisé dans l’engraissement, a pu réunir 300 éleveurs.

L’agrégation est passée dans sa phase effective. Avant même le vote au Parlement du projet de loi 39-10 relative au système – il est déjà adopté en conseil de gouvernement et des ministres-, des projets sont déjà mis en œuvre. Non seulement la dynamique est enclenchée et concerne toutes les filières ou presque (avec 56 conventions signées dans les agrumes, l’olivier, la pomme, le maraîchage, les cultures sucrières, les viandes..), mais on a assisté à la naissance d’un groupement d’intérêt économique (GIE) qui est à l’œuvre depuis la campagne passée. En fait, on s’attendait à ce que le commencement se fasse de manière classique : de grands exploitants prenant sous leur giron des agriculteurs qui n’ont pas encore les moyens de leurs ambitions. Or, là, ce sont des opérateurs, en amont et en aval de l’agriculture, qui se sont jetés à l’eau.
C’est le cas, par exemple, des deux groupes, les Moulins du Maghreb (minoterie) et Charaf Fertima (engrais) qui se sont associés pour créer un GIE appelé Tanmia Filahia. Pour cette campagne, ils ont pu réunir des agriculteurs possédant 4 000 ha dans la région de la Chaouia (essentiellement autour de Berrechid), soit dans une région de bour favorable. Ce sont 350 agrégés qui ont été séduits par le projet. Mounir El Ibrahimi qui possède 65 ha en a mis 30 à la disposition du GIE. Analyses, travail du sol, semences certifiées, fongicides…, tout est pris en charge par le GIE qui avance les frais de campagne et se fait rembourser sur le produit de la récolte qui lui est exclusivement destinée. Il explique: «J’ai adhéré à cette agrégation par hasard. Alors que je livrais mon blé l’année dernière, les techniciens du GIE m’en ont fait la proposition. Je dois dire que des échos du succès de Tanmia Filahia durant la campagne précédente m’ont convaincu d’y entrer. Jamais, depuis que j’ai commencé dans la céréaliculture, je n’ai traité mes champs deux fois par campagne car je ne disposais pas des moyens financiers et je vois la différence».
Un autre agriculteur, Abdedaïm Baaza, a adhéré à l’initiative dès la campagne passée. Cette année, il consacre 150 ha à la production de la céréaliculture et s’est engagé à livrer la totalité de la récolte aux Moulins du Maghreb. Il trouve que la démarche est transparente : «J’ai plus de moyens que beaucoup d’agriculteurs, mais je ne peux pas prendre en charge toutes les procédures et puis les techniciens du GIE sont disponibles et dès qu’un problème est identifié, les solutions sont apportées sans que j’y mette le moindre dirham. A la récolte, on fait les comptes et j’assiste à la pesée. Jusque-là, aucun différend ne nous a opposés».
Le rendement est passé de 15-20 quintaux à 45 quintaux et plus à l’hectare
D’autres agriculteurs ont accepté de rejoindre le GIE, mais préfèrent recourir au Crédit Agricole pour financer leur campagne. Mais pour les agrégateurs cela ne change rien. Pour l’un, il a des clients pour ses engrais et produits phytosanitaires, pour l’autre, la matière première pour ses moulins. Une matière première de qualité contrairement à ce que lui vendaient des intermédiaires qui avaient tendance à mélanger différentes qualités de blé, ce qui lui donnait, au niveau de ses usines, du travail supplémentaire pour le tri et le traitement.
Chakib Laâlej et Amine Ahmed Kandil, respectivement patrons des Moulins du Maghreb et de Charaf Fertima, ont mis quelque 160 MDH dans l’actuelle campagne. Pour le moment, expliquent-ils, l’investissement n’apporte pas encore les effets attendus. Mais il faut un début à tout. Ils vont plus loin: «N’était la lourde contrainte de mettre des fonds propres, nous serions au moins à 10 000 ha. D’ailleurs, nous comptons atteindre 150 000 ha en 2020. Mais les banques ne suivent pas car les agriculteurs sont incapables de produire les garanties nécessaires. L’idée serait que l’Etat en vienne à créer un fonds de garantie, surtout que le risque est minime car nous sommes couverts par une assurance pour chaque campagne et nous faisons les choses dans les règles de l’art». En fait, tout le monde s’y retrouve, le promoteur de l’agrégation mais aussi les agrégés qui ont vu leur productivité passer de 15 ou 20 q/ha à 45 voire 50 q.
Il n’y a pas que dans la céréaliculture où l’agrégation est en marche. Dans l’engraissement, un projet mis en œuvre dans la région de Tadla-Azilal sort du lot. Là, le problème du financement est dépassé car le Crédit Agricole en est partenaire. En effet, cette banque a signé une convention avec le groupe Univers génisses, initiateur du projet, qui a déjà 300 agrégés. L’ambition est d’atteindre une moyenne de 1 000 agrégés par an sur les trois prochaines années. Univers génisses prend en charge la fourniture de bétail, les traitements, les aliments et le suivi vétérinaire. L’agrégé doit disposer d’une ferme louée ou en propre et respecter le cahier des charges. Il revient à l’agrégateur, qui approvisionne déjà les grandes et moyennes surfaces, d’écouler la viande produite (il s’occupe aussi de la découpe et de la transformation, au besoin) et d’assurer le transport contre une subvention de 350 DH par tête de bétail.
Le secteur est si propice à l’investissement que «Univers génisses» à mis plus de 250 MDH dans un centre d’engraissement de 13 ha adossé à un abattoir dans la région de Béni-Mellal.
