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Affaires

Ciment : une surcapacité de 40% d’ici deux ans

12% de baisse en septembre 2009 et sur les neuf premiers mois, l’activité a quasiment stagné.
La reprise n’est pas attendue en 2010 et, en 2011, elle sera, au plus, moyenne.
Les cimentiers s’attendent à  un excédent de capacité de 7 millions.
Le passage à  0% des droits de douane, prévu en 2012, complique la situation.

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Le secteur cimentier vit des jours difficiles. Après une légère embellie enregistrée depuis mai dernier, les ventes de ciment pour le mois de septembre ont plongé de -12%, avec un volume de 908 274 tonnes contre 1,03 million pour septembre 2008. L’explication avancée par les professionnels du secteur est d’ordre conjoncturel. «En mai, et après un premier trimestre très calme, la demande s’était appréciée de 2,35% par rapport à la même période de l’année dernière en raison de l’approche des élections communales et de l’annonce d’une campagne agricole exceptionnelle. Mais la méforme du secteur immobilier, qui absorbe 80% du ciment produit au Maroc, conjuguée avec le mois de Ramadan, a complètement anéanti les espoirs d’une reprise de la demande», explique-t-on auprès de l’Association professionnelle des cimentiers (APC). Malgré tout, une petite note positive : les ventes cumulées des 9 premiers mois sont en quasi-stagnation comparativement à la même période de l’année précédente. Elles ont porté sur un volume de 10,9 millions de tonnes contre 11,08 t en 2008.

La capacité augmentera de 3,4 millions de tonnes d’ici 2011
Selon les prévisions d’Abdessalam Bikdir, directeur commercial chez Lafarge Ciment et président du Comité de promotion à l’APC, pour l’année 2009, «au mieux, le marché du ciment progressera de +1% par rapport à 2008, sinon il enregistrera une légère baisse». Pour étayer ses propos, le directeur commercial de Lafarge cite plusieurs facteurs qui contribuent au tassement de la demande nationale du ciment. «Outre la crise économique qui a eu des répercussions sur tous les secteurs et en particulier celui de l’immobilier, quelques gros chantiers, comme Amwaj à Bouregreg et le Mega Mall de Marrakech, sont à l’arrêt».
Mais la «crise» du ciment ira vraisemblablement plus loin que la fin 2009 puisque les cimentiers s’attendent à une année 2010 également très calme qui se solderait par une petite hausse de 1%. D’ailleurs dans ses prévisions l’Etat prévoit une progression du PIB d’à peine 3,5%, soit moins que le taux de croissance pour l’année en cours. «La demande de ciment ne devra pas beaucoup évoluer, alors que la capacité de production annuelle passera de 17,6 millions de tonnes en 2009 à 18,2 millions en 2010 et 21 millions de tonnes à fin 2011», souligne Hassan Chouaouta, chargé de mission auprès de l’APC. En effet, durant les deux prochaines années, pas moins de trois nouvelles cimenteries devraient démarrer leur production. La cimenterie du groupe Addoha, celle du groupe Chaâbi à Settat ou encore l’unité de production de l’espagnol Lubasa qui sera située à Sidi Kacem.
En plus de ces nouvelles unités, il faudra compter avec les investissements prévus par les acteurs déjà présents sur le marché pour augmenter leurs capacités de production. Ainsi, Holcim entend doubler celle de son usine de Fès, Ciments du Maroc compte ouvrir une nouvelle cimenterie à Aït Baha (région d’Agadir) et Asment Al Maghrib travaille actuellement sur un projet d’une nouvelle usine d’une capacité de 750 000 tonnes par année.
Enfin, Lafarge n’est pas en reste. Elle va doubler la capacité de son usine de Tétouan pour passer de 1 à 2 millions de tonnes par année. «Toutes les annonces concernant la création de nouvelles cimenteries ou encore l’augmentation des capacités de production des cimenteries déjà opérationnelles sur le marché ont été faites entre 2005 et 2008. Or, la demande de ciment avait enregistré une croissance exceptionnelle durant ces années, atteignant un pic de 13% en 2007», assure-t-on auprès de l’APC.
A l’époque, en annonçant la création de nouvelles unités, les investisseurs tablaient sur une évolution soutenue du marché. Les chiffres du ministère de l’habitat prévoyaient d’ailleurs que la demande du ciment allait atteindre 19 millions de tonnes en 2012. En supposant même que certains cimentiers temporisent leur décision, rien que les projets déjà démarrés (Addoha notamment) totaliseront, à fin 2011, une capacité supplémentaire de 3,4 millions de tonnes.
C’était sans compter sur le retournement de conjoncture. L’euphorie est passée, la demande a été revue à la baisse. A l’APC, on se montre plus réaliste en prévoyant un petit 5% de croissance annuelle à partir de 2011, en ligne avec ce redémarrage lent de l’économie mondiale pronostiqué par les experts.
Les cimentiers sont presque tous convaincus que l’on s’achemine vers un déséquilibre flagrant entre la demande et les capacités de production. «Si la demande n’évolue pas de manière soutenue, les cimenteries auront, en 2011, un surplus de 6 à7 millions de tonnes annuellement», souligne M.Chouaouta. Le calcul est vite fait. Si l’on prend en considération une évolution de 1% en 2010, puis de 5% en 2011, la consommation qui s’est établie à 14 millions de tonnes en 2008 sera de 15 millions à peine d’ici deux ans pour une capacité de 21 millions. Le taux d’utilisation moyen des unités s’établirait alors à 71,4%.
Or, «à moins de 80%, une usine de ciment n’est tout simplement pas rentable», s’inquiète M.Bikdir. En prenant le ratio inverse, la surcapacité est de 40% par rapport à la demande. 

Le coût de l’énergie compromet la compétitivité du produit local
Les professionnels veulent néanmoins garder espoir. «Au-delà de la conjoncture défavorable, il ne faut pas oublier que le Maroc a encore un besoin important en logements. Et tous les programmes destinés à promouvoir l’accès au logement devraient contribuer à l’augmentation de la demande en ciment», estime M.Bikdir. A cela il faut ajouter les programmes d’infrastructures comme Nador West Med ou celui de l’extension du réseau autoroutier, mais ces programmes démarreront-ils d’ici 2011 ?
Et encore ce mince espoir risque d’être vite balayé par une autre donne. «En 2012, les droits de douane disparaîtront complètement et le marché national risque d’être envahi par les importations à partir des pays européens proches comme l’Espagne qui a actuellement une surcapacité de production alarmante. Les ciments égyptiens et turcs qui bénéficient déjà de droits de douane très bas dans le cadre de l’accord d’Agadir seront également avantagés par la disparition des droits de douane», se désole M.Bikdir qui ajoute que  «la production nationale ne peut tout simplement pas rivaliser avec celles des autres pays».
Pour faire face aux années difficiles qui se profilent à l’horizon, les cimentiers devront, in fine, résoudre une équation pas forcément aisée : aligner les prix sur des produits étrangers mais en même temps préserver la rentabilité de leurs unités qui seront, en plus, en surcapacité. Actuellement, la tonne est à 800 DH HT.Un véritable casse-tête.

Com’ese

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