Carrière
Partagé, centralisé, autoritaire, possessif…, comment les professionnels définissent le pouvoir
Omar Benaini, Consultant associé au cabinet LMS
«Un manque d’affirmation du manager peut entraîner l’apparition d’un contre-pouvoir»
Omar Benaini, Consultant associé au cabinet LMS
«Un manque d’affirmation du manager peut entraîner l’apparition d’un contre-pouvoir»
La nature du pouvoir dans les entreprises est liée au degré de maturité des dirigeants, des collaborateurs, mais aussi du contexte socioculturel. Plus la maturité de tous les acteurs de l’entreprise est élevée et plus le pouvoir est partagé. L’inverse est largement observé dans de nombreuses organisations.
Je noterais trois sortes de pouvoir. Le premier est dit possessif. On le constate généralement dans les organisations paternalistes. Le pouvoir est souvent mal partagé ou on le donne à des personnes non compétentes de telle façon à les rendre redevables.
Le deuxième est dit autoritaire. Un manager imbu de son pouvoir et installé dans un style extrêmement dirigiste aura plus tendance à faire asseoir son pouvoir plutôt que de faire progresser l’équipe. On tombe alors dans l’autoritarisme. Généralement, on constate qu’il existe une forte corrélation entre les managers à forte personnalité et l’autoritarisme.
Le troisième est dit partagé de façon intelligente.
L’idée que je me fais d’un pouvoir efficacement exprimé en entreprise est celui qui sait s’adapter en permanence aux interlocuteurs et aux situations, à la fois en souplesse et en fermeté quand cela est nécessaire.
Le risque pour un manager qui manque de charisme est de voir apparaître des contre-pouvoirs. Il peut alors perdre sa crédibilité.
Reda Idir, DG du cabinet Eagle Ingeneering
«J’estime qu’il faut assumer son rôle jusqu’au bout et ne pas attendre que les problèmes s’accumulent»
Je distingue le pouvoir qui oblige à faire quelque chose ou qui oblige à respecter quelque chose, de celui qui permet d’exercer une influence, un ascendant plus ou moins naturel. Le premier est nécessaire pour réguler les relations sociales, comme le fait de faire respecter les lois. Le second est utile pour donner envie et pour pousser les gens à se mettre en action.
L’exercice du pouvoir dépend de l’organisation. Quand elle est bien définie et que chacun connaît ses prérogatives, le pouvoir est bien partagé. Il est plus accepté dans une organisation, quand on le met au service des autres.
L’enjeu pour le dirigeant actuel est de comprendre que le pouvoir obtenu n’est pas un pouvoir qu’il doit garder pour lui-même, et qu’il doit absolument protéger, de peur d’en être dépossédé. Autrement dit, l’enjeu est de saisir que le pouvoir ne s’exerce pas sur les autres, mais sert à exercer pour les autres. Dès lors que le dirigeant adopte cette démarche et la met en œuvre au sein de son organisation, son autorité grandit et son aura de leader s’amplifie. Il permet alors aux énergies présentes dans son organisation de se libérer et d’exprimer pleinement leur potentiel et leurs talents.
Au contraire, quand il est centralisé, on constate des dérapages, une perte d’efficacité, des goulots d’étranglement dans la prise de décision mais aussi une perte de confiance chez les autres.
En tant que manager, exercer le pouvoir fait partie de mes prérogatives. J’estime qu’il faut assumer son rôle jusqu’au bout et ne pas attendre que les problèmes s’accumulent ou prennent de l’importance pour les traiter. Le pouvoir sert à rééquilibrer les relations.
Mohcine Ayouche, DG du cabinet BMH
«L’exercice du pouvoir nécessite la compréhension de l’état d’esprit d’une organisation»
La notion de pouvoir est fortement liée aux relations qu’on entretient dans une organisation. Certes, l’autorité n’est qu’une manifestation du pouvoir. Je pense qu’en matière de pouvoir, on peut distinguer quatre composantes:
– le pouvoir «De», c’est-à-dire faire quelque chose, donner un ordre… ;
– le pouvoir «Avec», c’est-à-dire accompagner les autres ;
– le pouvoir «Sur», c’est-à-dire commander ;
– le pouvoir «Pour», c’est-à-dire assister les autres.
Par conséquent, si le pouvoir est bien partagé, on est dans la logique du pouvoir «Pour».
J’ajouterais qu’il existe aussi une forme de pouvoir qu’on s’accorde soi-même et qui est fondée sur le capital confiance.
Le problème qui se pose souvent est celui de quel type de pouvoir utiliser. Il n’y a pas de bon ou de mauvais pouvoir. Tout dépend des situations et des profils des collaborateurs.
Le pouvoir «pour» est généralement valable pour les personnes compétentes et motivées tandis que le pouvoir «sur» est valable pour les collaborateurs compétents et non motivés. Tout est question de dosage.
L’abus de pouvoir commence dans une situation où l’on utilise le «pouvoir sur» alors qu’il fallait utiliser le «pouvoir pour».
En ce qui me concerne, j’ai eu à user de mon pouvoir en tant que manager pour faire passer des décisions. Le problème est qu’elles ont été mal perçues au départ car ma légitimité était contestée parce que je venais de prendre une nouvelle équipe. J’ai eu à donner des sanctions qui ont été mal comprises au départ mais qui ont été acceptées par la suite. Je pense que le fait d’exercer son pouvoir nécessite du temps et surtout une compréhension de l’état d’esprit d’une organisation.
