Carrière
La charte de valeurs peut être un excellent outil de cohésion d’équipe
Les valeurs sont les constituants de base de la culture de l’entreprise et un excellent levier pour ancrer cette culture. Cet excellent outil de management est parfois traité avec légèreté par certains managers. En impliquant l’ensemble des collaborateurs, on garantit la mise en vie des valeurs retenues.
Dans le monde professionnel, tout le monde parle de valeurs. Mais, rares sont ceux qui en saisissent la portée. La charte de valeurs peut être un excellent outil de cohésion d’équipe ou devenir un grimage qui cache mal les imperfections. Pourquoi, d’abord, une charte de valeurs en entreprise ?
Le management de la valeur est né dans les années 90. De nombreuses entreprises se sont emparé de cet outil. Aventure qui était heureuse pour certaines et désastreuse pour d’autres. Avant d’en comprendre les causes, attardons-nous sur le pourquoi d’une charte de valeurs. Laminées par la concurrence exacerbée, la pression des ONG, la prépondérance des fonds éthiques (qui gèrent 13000 milliards d’euros) et la montée des revendications de leur personnel, les entreprises ont revu leur business model. C’est le début du crépuscule de l’école de Chicago, dont l’économiste américain Milton Friedman soutenait que «la seule responsabilité de l’entreprise est d’augmenter ses profits». Une vérité, certes, toujours d’actualité. Mais les dirigeants doivent composer avec une nouvelle donne : la Responsabilité sociale de l’entreprise, dite RSE.
Comment définir une valeur
Quand on parle de valeurs en entreprise, de quoi parle-t-on exactement ? Et à quoi servent-elles ?
Etymologiquement, la valeur est ce que représente quelqu’un ou quelque chose, quantitativement, financièrement, qualitativement ou symboliquement. Sur le plan économique, c’est la caractéristique mesurable prêtée à un produit ou un service marchand pour l’échanger ou le vendre. En philosophie, c’est une norme de conduite personnelle ou sociale relevant de la morale ou de l’éthique, de la politique, de la spiritualité ou encore de l’esthétique.
Sur le plan humain, une valeur renvoie aux croyances qui conditionnent nos comportements et nourrissent nos motivations. Selon Robert Dilts, consultant américain, «les valeurs créent un cadre invisible qui enveloppe l’ensemble des interactions des personnes qui gravitent à l’intérieur du système». Les valeurs partagées dans un groupe forment le ciment, qui renforce et consolide leur groupe. La charte de valeurs? C’est un écrit solennel synthétisant les valeurs qui reflètent la philosophie de l’entreprise, sa vision et sa finalité.
Utile pour une multinationale, pour un grand groupe ou pour une PME, la charte combine, en général, deux familles de valeurs : les valeurs “identitaires” et les valeurs “éthiques”. Les premières telles que «proximité», «innovation» ou «esthétique» ont une visée marketing pour définir l’identité de l’entreprise et sa singularité. Donc, tournées vers le marché. Les secondes telles que «honnêteté», «exemplarité», «solidarité» ou «partage» sont exclusivement destinées en interne. Elles forment un puissant outil RH.
Combien de valeurs et pour quels bénéfices
Soulignons, d’abord, qu’une valeur peut avoir diverses acceptions selon les entreprises. Différence qui s’explique par l’histoire de l’entreprise, son énergie, sa vision, sa finalité et bien d’autres éléments. La charte de valeurs porte l’empreinte génétique de l’entreprise, son ADN. Définir trop de valeurs est anti-pédagogique. Les publics cibles ne s’en souviendront pas en totalité. L’idéal est de définir une charte de 3 à 5 valeurs maximum. Une charte de valeurs est l’expression d’un management responsable. Les bénéfices sont multiples. Elle sert à renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise, favorise le rapprochement entre les collaborateurs. Donc, la cohésion d’équipe.
Processus d’élaboration
Pour qu’elle devienne ce puissant outil de cohésion d’équipe, la charte de valeurs doit être abordée comme projet d’entreprise. Elle doit être l’expression d’une équipe et non d’une seule personne. Généralement, le manager. Les valeurs autoproclamées sont une pure et simple imposture. Une mascarade. Placarder des affiches avec des valeurs auto-proclamées par le tout-puissant manager est contre-productif.
Le processus d’élaboration de la charte de valeurs doit être participatif: toutes les forces vives de l’entreprise doivent y participer, sans exception et quelle que soit la taille de l’entreprise. Les techniques existent et ont montré leur efficacité.
En impliquant l’ensemble des collaborateurs, on garantit la mise en vie des valeurs retenues. Car la finalité n’est pas de disposer d’une charte, mais que les valeurs soient incarnées par tout le personnel.
Chaque valeur retenue doit être validée. Comment ? En vérifiant si elle s’adresse à l’ensemble des publics de l’entreprise (interne et externe). Par exemple, “satisfaire le client” n’est pas une valeur au sens propre, car elle s’adresse à un seul public: les clients.
Il y a quatre grandes étapes dans l’élaboration de la charte. D’abord, définir, clairement, la vision de l’entreprise. C’est une étape primordiale pour souligner la singularité de l’entreprise. Ensuite, identifier les valeurs de l’entreprise qui soutiennent cette vision. Celles qui vont présider à l’action de l’entreprise. Puis, expliciter le sens donné par l’entreprise à chaque valeur, d’où leur singularité. Car chaque valeur va traduire comment l’entreprise se perçoit, ce qu’elle apporte et comment elle se projette dans l’avenir. Et, finalement, traduire les valeurs en actes.
Des valeurs aux actes
Ni la plus belle charte de valeurs, ni la plus belle affiche ne peuvent pousser une personne à adopter de nouveaux comportements. Les valeurs seules ne suffisent pas pour orienter concrètement les actes et les comportements des collaborateurs.
Une charte de valeurs n’a de valeur que si elle est mise en vie. Cette étape est extrêmement importante. Une charte de valeurs n’est pas du déclaratif, mais de l’opérationnel au quotidien.
Pour illustration, la valeur «innovation» peut être traduite par «oser prendre des risques, prendre des initiatives, reconnaître le droit à l’erreur».
La traduction en actes et attitudes est également la responsabilité de l’ensemble des collaborateurs. Une charte ne doit pas être imposée, mais discutée, expliquée et argumentée. Les valeurs et le sens qui leur sont donnés doivent être cohérents avec la réalité des collaborateurs. C’est cette cohérence qui impulse le changement de comportements. Et ce n’est pas fini. Il appartient également à l’ensemble des collaborateurs de prévoir les rappels à l’ordre en cas de non-respect d’une valeur. Pour savoir si une valeur est bien enracinée dans la réalité des collaborateurs, une transgression de cette valeur provoque un tollé d’indignation. Si, par contre, on ne s’en soucie pas, cela veut dire tout simplement qu’elle n’est pas enracinée dans leur vécu émotionnel et dans leur système de croyances.
Par ailleurs, si les valeurs ne sont pas profondément incarnées par le top management, la charte restera, dans le meilleur des cas, un vœu pieux. Sinon, elle devient un élément de «désintégration» de l’équipe.
En donnant sens aux valeurs, la charte contribue à donner sens au travail des collaborateurs. Elle est un indicateur infaillible pour savoir si le cap est maintenu. Si la vision fait, désormais, partie du quotidien des collaborateurs.
Valeurs et culture d’entreprise
Les valeurs sont les constituants de base de la culture de l’entreprise et un excellent levier pour ancrer cette culture. La valeur devient, ainsi, un gage de pérennité de l’entreprise. Un moyen pour perpétuer sa culture. Or, parfois, cet excellent outil de management est traité avec légèreté par certains managers qui se permettent un double langage. Thierry Wellhoff, président de Wellcom et co-auteur de l’ouvrage Les valeurs : donner du sens parle de «schizophrénie rampante dont souffrent bon nombre d’entreprises», qui proclament certaines valeurs en externe et en valorisent d’autres en interne.