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Carrière

Jaà¢far Khalid Naciri : “L’université marocaine ne produit pas des chômeurs”

Les effectifs des nouveaux inscrits ont augmenté de 64%, et ceux des filières professionnalisantes de 26%. 27 nouvelles formations ont été lancées, ce qui porte le nombre global des formations à  plus de 144. L’université Hassan II a investi entre 2009 et 2011 un budget de près de 110 millions de DH pour la réalisation des projets de construction.

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En trois ans, les effectifs des inscrits ont augmenté de 64% à l’Université Hassan II de Casablanca. Les filières professionnalisantes ont, elles, augmenté de plus 26%. La rentrée 2011-2012 a connu 27 nouvelles formations, ce qui fait augmenter le nombre total des formations à plus de 144, accréditées au plan national, et plus de 50 formations proposées en diplôme d’université. 17 licences professionnelles et plus de 50% des masters sont orientés vers le marché de l’emploi. «Le lancement de plusieurs formations nouvelles a contribué à renforcer l’offre de formation de l’université et accroître son attractivité», se félicite le président de l’Université Khalid Naciri. Il balaie du revers de la main l’accusation selon laquelle l’université marocaine produit des chômeurs. Explications.

Vous avez été nommé président de cette université, sur la base de quel projet ?
Mon projet vise essentiellement à poursuivre les efforts engagés dès l’année 2000 dans le cadre de la réforme de l’enseignement supérieur, telle que définie par les orientations de la Charte nationale d’education et de formation, et dont le cadre légal a été fixé par la loi 01.00 portant organisation de l’enseignement supérieur. Autrement dit, poursuivre ce qui a été accompli avant moi, avec comme ambition d’accompagner le développement rapide de notre université, pour en faire un établissement résolument moderne, de qualité, compétitif, ouvert à l’international, au service du développement régional et national. Casablanca, comme vous le savez, est la capitale économique du Royaume, et la région crée plus de 21% de la richesse nationale. Ce projet définit des plans d’action pour la période 2010-2014 pour l’offre de formation, qu’elle soit initiale, continue, ou à distance. Mais aussi pour la recherche scientifique, pour la coopération et les partenariats. En un mot, ce projet vise à recentrer l’université sur les attentes de ses utilisateurs premiers que sont les étudiants. Pour atteindre cet objectif, nous avons réalisé en 2011 une enquête dans le cadre d’une démarche qualité pour déterminer dans quelles mesures nos services rencontrent l’intérêt des utilisateurs. Il est à noter que c’est la première fois qu’une étude de ce genre est menée de façon ouverte et à grande échelle, c’est-à-dire en englobant toutes les facultés et écoles composant l’Université Hassan II de Casablanca.

Sur le volet des ressources humaines, que comporte votre projet ?
C’est un axe transversal important. C’est en effet le haut niveau de compétences des enseignants-chercheurs et la qualité de la gestion de l’organisation qui font la puissance et la réputation d’une université. La question des ressources humaines se situe donc au centre de la qualité des services offerts par l’université ; elle constitue l’un des enjeux importants pour les années à venir.

L’année 2012 est la dernière dans le plan d’urgence. Où en êtes-vous ?
Des réalisations importantes ont été effectuées : en matière de formation, les effectifs des nouveaux inscrits ont augmenté de 64%, et les effectifs des nouveaux inscrits dans les filières professionnalisantes ont augmenté de 26%. La rentrée 2011-2012 a connu le lancement de plusieurs formations nouvelles, contribuant ainsi à renforcer l’offre de formation de l’Université et à accroître son attractivité. 27 nouvelles formations ont été lancées au cours de cette année, ce qui fait augmenter le nombre global de ces formations à plus de 144, accréditées au plan national, et plus de 50 formations proposées en diplôme d’Université.
Notre université a investi entre 2009 et 2011 un budget de près de 110 millions de DH pour la réalisation des projets de construction au niveau des différents établissements universitaires. La construction et l’aménagement des locaux à usage pédagogique sont achevés, ils ont permis une augmentation de la capacité d’accueil de l’université.

Que fait votre université pour se rapprocher du monde de l’entreprise et du travail, sachant que c’était l’un des objectifs de la charte ?
Dans sa mission de formation de futures compétences, l’université doit en effet inculquer un esprit d’entreprendre à ses étudiants, qui leur permettra de se forger un parcours professionnel, de créer des synergies dès leurs premières expériences. A titre d’exemple, l’université a ouvert cette année plus de 17 licences professionnelles, et plus de 50% de ses masters sont des masters spécialisés orientés vers le marché de l’emploi. Sans oublier le e-learning en cours de préparation et les expériences pilotes de formations par alternance proposées dans le cadre de conventions de partenariat avec des entreprises.

Quid des licences professionnelles ?
Créée dans le cadre de la réforme pédagogique lancée en 2002, cette licence vise essentiellement à former des cadres de niveau Bac+3 directement employables par les entreprises et les organismes des différents secteurs d’activités. Les licences professionnelles ont réussi au bout d’une dizaine d’années à devenir des formations de référence dans de nombreux secteurs, et s’avèrent relativement performantes en termes d’adéquation formation-emploi. A l’université Hassan II de Casablanca, des efforts importants ont été consentis pour mettre en place une offre de formation en licences professionnelles attractive et performante. L’une des préoccupations de l’université en relation avec cette offre  est le coût de ces formations qui nécessitent un encadrement important et mobilisent des ressources humaines et matérielles à un niveau nettement supérieur à celui des autres formations. De ce fait, ce coût constitue un facteur limitatif au développement de cette offre qui ne pourra poursuivre son évolution qu’à travers des partenariats plus avancés entre secteur de formation et monde professionnel, ainsi qu’en abordant de manière plus claire la question des coûts de formation.
n Malgré cet effort, on accuse l’université marocaine de produire des chômeurs, dans quelle mesure cette accusation est vraie ?
A mon avis, il convient, dans l’intérêt de tous, et dans l’intérêt de l’enseignement supérieur dans notre pays de revenir à des bases rationnelles pour traiter cette question. Pour cela, il convient de préciser les chiffres qui peuvent éclairer l’opinion publique et permettre à notre pays d’œuvrer avec sérieux et clairvoyance à la construction d’un système d’enseignement supérieur performant. Selon le rapport de la banque mondiale concernant le taux de chômage des  diplômés de l’enseignement supérieur, celui-ci est de 17% pour 2010 au Maroc, ce chiffre est à mettre en relation avec le taux de 22% pour la Tunisie, de 25% pour l’Egypte pour la même année. Ceci signifie que 83% des diplômés de l’enseignement supérieur dans notre pays sont en activité ou en poursuite d’études. Ces chiffres, qui certes sont à améliorer, ne permettent pas objectivement de porter des accusations telles que celles objet de votre question, ou encore de formuler des avis sur les universités sans avoir auparavant pris connaissance des résultats réels atteints dans ce domaine. D’ailleurs, les étudiants et les familles marocaines ne s’y trompent pas, et accordent à l’obtention de diplôme de l’enseignement supérieur une grande importance.

Pour mémoire, aux années 2000, quel était ce taux de chômage ?
Au début des années 2000, ce taux de chômage des diplômés se situait à 29%. Le fait d’avoir ramené ce taux à 17% en 2011 témoigne des efforts importants consentis par notre pays dans de nombreux domaines, à la fois en interne au niveau des universités avec la réforme introduite en 2000, mais aussi sur l’ensemble des secteurs d’activités pourvoyeurs d’emploi.  
Le fait que les offres de Masters dans les universités soient aujourd’hui reconnues comme performantes à la fois par les employeurs et par les étudiants, que les lauréats des universités sont de plus en plus reconnus pour leurs compétences n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit bien de résultats positifs obtenus au prix d’importants efforts de l’ensemble des acteurs du monde universitaire. Il me semble légitime que ces efforts soient reconnus, et l’on dépasse enfin les avis à l’emporte pièce et les images négatives que l’on colporte sur l’enseignement supérieur souvent sans fondements.  

Pour vous, ce taux de 17% est satisfaisant ?
Loin de là. Les universités doivent poursuivre et intensifier leurs efforts en vue d’une plus grande adéquation formation-emploi. Il convient de même de souligner que le système d’enseignement supérieur n’est pas le seul responsable de la problématique de l’emploi des diplômés ; le marché du travail, et ce qu’il offre comme potentiel, en est aussi responsable. Pour résoudre cette problématique formation-emploi, les défis sont nombreux : il faut des études prospectives sur les besoins en compétences par secteur d’activité et par région, il faut trouver des réponses aux questions liées au financement de notre système d’enseignement supérieur et de l’employabilité de ses lauréats…
 
Et quel regard portez-vous sur la qualité du secteur de l’enseignement supérieur privé ?
L’enseignement supérieur privé, notamment avec l’accréditation des filières de formation, prend une place de plus en plus importante dans le système d’enseignement supérieur national. Il y a de nouveaux opérateurs privés qui s’installent au Maroc, parmi lesquels des établissements connus et reconnus au niveau international, ce qui va modifier le paysage de l’enseignement supérieur privé. J’ai la conviction que nous pouvons ensemble, opérateurs publics et privés, proposer une offre de formations supérieures intéressante pour les jeunes marocains et pour le Maroc en général. Aujourd’hui, il s’agit de réussir une «petite révolution» qui permette de libérer les énergies dans un cadre global plus clair et plus transparent ; cela donnera davantage de visibilité à tous les acteurs pour pouvoir avancer. J’estime que l’on a déjà franchi des étapes dans ce sens au niveau de l’enseignement supérieur public. Ceci étant, l’enseignement supérieur privé va devoir à son tour réaliser des améliorations d’ensemble, tout en notant que, désormais, les offres de qualité bénéficieront de la reconnaissance requise à travers les accréditations. Ceci permettra aussi de créer une saine émulation entre les différentes offres, publique et privée, génératrice d’une amélioration continue de qualité. Les possibilités qu’offrent les partenariats public-privé sont prometteuses, et il convient sans doute d’en exploiter le potentiel de manière plus avancée. C’est dans ce cadre que l’Université Hassan II de Casablanca a créé avec des institutions d’enseignement supérieur privé un consortium d’enseignement supérieur et de recherche, le CRES de Casablanca dans le but d’exploiter les synergies entre différents système d’enseignement supérieur au niveau du grand Casablanca.