Carrière
Cumul des congés, un casse-tête pour les entreprises !
Les «nécessités de service» empêchent le plus souvent de prendre des congés en cours d’année.
De plus en plus d’entreprises se plaignent des cumuls.
Les rachats de congés sont fréquents, malgré l’interdiction
légale.
Les inspecteurs du travail sont peu regardants sur la question.
Rachid et Hicham, employés dans une société de distribution de produits de consommation courante, viennent de reprendre le travail après trois semaines de congé. Tous les deux auraient bien voulu poursuivre leur farniente pendant une semaine encore, mais le patron avait décidé, dès le départ, qu’ils ne pouvaient pas s’absenter au-delà de la période impartie. Cependant, le degré de frustration n’est pas le même chez les deux collègues. Si Rachid, employé dans le service comptabilité, ne peut bénéficier de la semaine tant souhaitée puisqu’il avait déjà consommé tous ses jours de congés légaux avant l’été, il en va autrement pour Hicham, qui traà®ne un reliquat de pas moins de 60 jours. Son cas n’est pas isolé. Dans de nombreuses entreprises privées – le problème se pose rarement dans le public – , le cumul est fréquent et ce pour plusieurs raisons.
Dans certains cas, compte tenu du niveau de l’activité, auquel s’ajoutent parfois des problèmes de sous-effectif, l’employeur a du mal à se passer de ses pièces maà®tresses, obligées de répondre aux sollicitations. Un cadre d’une direction RH de la place confie que, dans sa société, il n’est pas rare de voir des personnes cumuler jusqu’à huit mois de congé. Dans d’autres cas, le cumul résulte de la déficience de la GRH. Mais il arrive tout simplement que des salariés, en général les hauts cadres, renoncent momentanément à exercer leurs droits pour des raisons personnelles.
Dans tous les cas, le cumul des congés payés sur plusieurs années, voulu ou non, est illégal. Le Code du travail stipule que l’employeur peut fractionner le congé en fonction des priorités de l’entreprise (creux d’activité, ponts…), mais en aucun cas la durée du congé accordé ne peut être inférieure à 12 jours comprenant deux journées de repos hebdomadaire. De plus, le reliquat, s’il en existe, doit être consommé avant la fin de la deuxième année sous peine d’être définitivement perdu. Comme pour mieux signifier que le repos annuel est indispensable, le législateur interdit tout paiement des congés et toute renonciation.
Des indemnités déguisées en primes
L’article 242 du Code du travail stipule que tout accord portant sur la renonciation préalable au droit au congé annuel est considéré comme nul, même contre l’octroi d’une indemnité compensatrice.
Littéralement écartelé entre les desiderata des salariés et les contraintes internes à l’entreprise, l’employeur est souvent amené à violer les textes, souvent aussi sans grande conséquence. Selon le DRH d’une grande entreprise de la place, les inspecteurs du travail sont peu exigeants sur ce point. «En cas de contrôle, ils se contentent souvent de recommander vivement la régularisation, sans plus», confie-t-il. Mais pour ne pas se faire sermonner, certaines entreprises décident tout bonnement de racheter les jours dus, en déguisant les indemnités compensatrices – illégales – en primes et autres frais remboursables, si les sommes en jeu sont modiques. On notera qu’il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire pour l’entreprise du fait que, du point de vue comptable, celle-ci est tenue de provisionner les congés annuels à payer. Ce qui veut dire que ces provisions ne peuvent être soldées que si l’argent est effectivement décaissé. En contrepartie, le salarié se contente de remplir une feuille de congé post-datée.
Pour éviter de se faire taper sur les doigts par le fisc, on fait de son mieux pour appliquer les règles fiscales régissant l’opération concernée en s’appliquant à produire les justificatifs nécessaires. Pour les primes, il faut, bien sûr, prendre en considération les charges sociales et l’IGR, et pour les frais se limiter au plafond de déduction.
Pour ne pas en arriver là , affirment nombre d’experts, il suffit de planifier. A cet effet, il existe des logiciels de gestion des congés capables de traiter une infinité de données. Sur papier, certes, la solution est séduisante, mais dans un environnement concurrentiel o๠l’entreprise ne peut se permettre de libérer certains poste, o๠même les salariés culpabilisent à l’idée de s’absenter, le problème reste entier et la solution n’est pas pour demain.