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Banques islamiques : la loi que propose le PJD

Le parti a préparé une proposition de loi qu’il compte présenter prochainement à  la première Chambre. Trois types d’établissement : banques, établissement assimilé et institution financière islamique.

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Boulif PJD Banques Islam 2012 02 10

Le Maroc pourrait avoir à moyen terme ses premières banques islamiques. Visiblement, ce dossier est une priorité pour le gouvernement de Abdelilah Benkirane, suivant en cela la volonté de la formation aux commandes de l’Exécutif, le Parti de la justice et du développement (PJD). C’est justement le groupe parlementaire dudit parti à la Chambre des représentants qui présentera prochainement une proposition de loi dans ce sens. Ce texte qui vient de faire l’objet de quelques réaménagements a été élaboré par une équipe d’experts de cette formation politique chapeautée par Mohamed Najib Boulif, ministre des affaires générales et de la gouvernance.
Le choix de la formule de la proposition de loi n’est pas fortuit. Le parti de M. Benkirane n’a cessé de dénoncer, quand il était le principal acteur de l’opposition, la lourdeur du processus d’élaboration des textes de loi en faisant allusion à l’intervention du Secrétariat général du gouvernement. Une telle option permettra-t-elle d’éviter les blocages notamment au niveau de cet organisme ? Pas si sûr, le SGG étant juridiquement habilité à donner un habillage juridique aux textes. L’on espère en fait accélérer la procédure pour que ce texte soit adopté le plus tôt possible.
Il faut dire que les pouvoirs publics, qui ont autorisé la vente par les établissements de crédit «conventionnels» de produits islamiques, dits alternatifs, se sont toujours montrés très réticents par rapport à la création de banques spécialisées. Mais la donne a changé avec la victoire du PJD aux législatives. «Nous sommes convaincus que ce modèle a fait ses preuves de par sa résistance aux crises financières et présente un important potentiel de croissance», plaide un membre de la commission qui a travaillé sur la proposition de loi. Il faut aussi dire que le montant des fonds en circulation dans la finance islamique mondiale est estimé à plus de 1 000 milliards de dollars (soit 8 500 milliards de DH) en 2011, en progression de plus de plus de 50% par rapport à 2008 et de 21% par rapport à 2010. Et étant donné que 25% de la population mondiale est de confession musulmane, le potentiel de croissance de ce système s’avère très important. Les spécialistes projettent que 40 à 50% de l’épargne de ces derniers soient bientôt captés par la finance islamique. Et les concepteurs du projet marocain considèrent que le Royaume ne sera pas en reste.
Une participation des banques aussi bien dans les profits que dans les pertes
Le texte s’arrête d’abord sur les fondamentaux du système. Il définit ainsi les principes généraux qui régissent les produits actuellement commercialisés dans les banques, à savoir le halal (autorisé) et le haram (interdit), selon la charia. Il précise que le crédit ne doit pas être une source de profit. L’intérêt (riba) est proscrit. Les prêts ne doivent pas faire l’objet de commerce. L’argent, en tant que capital, peut servir de moyen pour faire du commerce et non pas constituer un objet de commerce. De la sorte, «le financement accordé par la banque implique une participation de celle-ci aussi bien dans les profits que dans les pertes». Subséquemment, tout excédent généré à partir de transactions non basées sur des actifs préalablement possédés par le vendeur (le banquier) est catégoriquement prohibé. Il en est ainsi des prêts et autres formes de crédits classiques.
De fait, ces banques ne se limitent pas, comme dans le régime conventionnel, à proposer des services d’intermédiation financière. Elles interviennent pour s’impliquer dans tout le processus de création, de transformation et de commercialisation des richesses.
La proposition de loi définit par la suite les modes de financement autorisés. En général, il s’agit de «tout contrat conforme à la charia pour l’emploi des fonds afin de générer un profit». Concrètement, le financement et l’investissement s’effectuent exclusivement à travers les formules dites Mouawadates ou Moucharakates.
La première, Mouawadates, comprend tous les modes de financement qui portent sur l’acquisition par l’établissement d’un bien meuble ou immeuble et sa mise à la disposition du client, soit à travers la vente (Mourabaha) ou la location (Ijara). Quant aux Moucharakates, elles incluent deux modes de financement : Moudaraba et Moucharaka.
Le premier est un modèle qui ressemble au principe de société en commandite. Il prévoit un partenariat entre la banque qui procède à un apport en capital et son client qui intervient par le biais d’un apport en expertise ou savoir-faire (industriel, artisanal…). Les bénéfices, s’il y en a, sont partagés selon une règle de répartition établie au préalable par le contrat, alors que les éventuelles pertes sont entièrement supportées par le moudareeb, rab Al mal (l’investisseur). Et ce n’est pas tout, puisque le projet énumère dans les détails une panoplie de modes de financement et de produits (voir encadré).

Un champ d’intervention couvrant toutes les opérations bancaires conformes à la charia

Le second est une forme de partenariat au terme duquel des parties conviennent de mettre en commun des fonds pour financer le développement d’un projet ou la réalisation d’un investissement. Les bénéfices sont répartis suivant les clauses prévues dans le contrat et les éventuelles pertes sont à la charge de chaque associé proportionnellement à sa contribution.
Le champ d’intervention de ces institutions est également défini et il est très large. Il va des opérations d’ouverture de tous types de comptes à la mise à la disposition des clients de financement conformes à la charia, en passant par la collecte des dépôts, la réalisation de transferts, l’ouverture de lettres d’engagement, l’émission de lettres de garantie, et l’octroi ainsi que l’encaissement de chèques, des ordres et des bons de change. Les établissements islamiques ont, selon la proposition de loi, également le droit de gérer toutes les opérations et les instruments de change à l’international comme les chèques de voyage, les garanties, les crédits documentaires, les polices de perception ainsi que tous les services agréés par Bank Al-Maghrib et qui ne sont pas incompatibles avec les préceptes de l’islam. Il en va de même pour les opérations liées à l’or et aux métaux précieux ainsi qu’aux valeurs mobilières.
Ces établissements peuvent aussi intervenir dans le domaine de la gestion de fonds pour la clientèle (gestion sous mandat), l’assistance et le conseil en matière de gestion de patrimoine. Le projet étend les prérogatives relatives à la banque, entre autres, aux opérations d’acquisition et de gestion des participations financières, à la création de fonds caritatifs et de zakats.
Dans le domaine de l’investissement et des participations au capital, le projet autorise ces institutions à «avoir des participations dans les capitaux de sociétés et dans des projets par le biais de la Moudaraba et de la Moucharaka, et à créer des filiales spécialisées dans différents secteurs afin de soutenir leurs activités de développement et d’investissement». Elles seraient également habilitées à prendre des parts dans des fonds d’investissement et à souscrire des bons de développement (Sanadates attanmia) gouvernementaux qui se conforment à la loi islamique.
Par ailleurs, les établissements autorisés à opérer dans ce système sont classés en trois types : la banque islamique, l’institution financière assimilée à une banque islamique et l’institution financière islamique. Est qualifiée de banque toute entité morale autorisée à collecter des fonds, à les gérer et à les investir conformément à la charia islamique.
Le terme d’établissement assimilé recouvre toute société de placement de capitaux ou d’investissements, ainsi que tout organisme ou établissement qui exerce des opérations de banque conformément à la charia islamique.

Contrôle de Bank Al-Maghrib et soumission à ses règles prudentielles

L’institution financière islamique, elle, regroupe les organismes qui fournissent des services selon la loi islamique comme les sociétés de portefeuille et les fonds d’investissement ; les sociétés d’investissement et de financement ; les sociétés de change et les intermédiaires financiers ; les sociétés de conseil spécialisées dans le secteur financier ; et les organismes d’évaluation de crédit.
Fait notable, ces établissements sont assujettis à la charia et non pas à la loi 34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, ni à la loi sur les sociétés anonymes et encore moins au code du commerce. Exception faite des dispositions de ces lois qui concordent avec celles de la charia. En somme, la proposition de loi, si elle franchit toutes les étapes du circuit d’adoption, se superposera à ces textes.
Il n’empêche, et contrairement à l’idée répandue selon laquelle les établissements financiers islamiques devraient être autonomes du système conventionnel actuel, les concepteurs Péjidistes du projet veulent plutôt qu’ils fassent partie du système bancaire actuel. Aussi, sera-t-il placé sous la tutelle de Bank Al-Maghrib et du Conseil national de la monnaie et de l’épargne (CNME), selon une stricte réglementation qui correspond aux règles de la Banque centrale aussi bien au niveau du contrôle que des règles prudentielles. D’ailleurs, les demandes d’agrément pour l’exercice de cette activité sont, selon le projet, adressées au gouverneur de la Banque centrale.
De même, le projet prévoit la création d’une commission des institutions financières islamiques dont la présidence est confiée au patron de la Banque centrale. Composée de 4 représentants des autorités monétaires (Bank Al-Maghrib et le ministère des finances) ainsi que de 6 représentants des établissements concernés, cette instance veillera au respect de la réglementation et au bon déroulement du système. Elle procédera également à l’élaboration d’études pour informer le public sur l’activité des institutions du secteur, notamment sur leurs relations avec la clientèle.