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Aviculture : le marché intérieur presque saturé, l’export à la rescousse
Après avoir développé ses capacités de production sous l’effet de deux contrats-programmes, la filière avicole doit prendre le virage de l’export pour poursuivre sa croissance. L’Afrique est le principal débouché à l’étranger. La filière doit avoir le feu vert de l’Union européenne à l’issue d’un troisième audit.
Pour éviter l’essoufflement ou au mieux la stagnation, l’aviculture marocaine n’a d’autres choix que d’exporter. Et pour preuve, l’abondance de l’offre en produits avicoles – viandes de poulet, de dinde et œuf de consommation – sur le marché intérieur pèsent lourdement sur les prix d’année en année. Si cette situation ne peut qu’être bénéfique pour le consommateur, elle l’est moins pour les professionnels qui sont tenus, entre autres, de faire prospérer leur entreprise. De 28,5 milliards de DH en 2017 -un niveau presque similaire à celui de 2011 (28,3), l’interprofession s’est engagée à atteindre 38 milliards de DH à l’horizon 2020, conformément aux objectifs du contrat-programme.
Il va falloir donc trouver d’autres ressorts car le marché intérieur n’est plus aussi porteur. «Situés en 2017 dans une fourchette de 9,50 DH à 11 DH, le prix de la viande du poulet reste en deçà des coûts de production. A 0,70 DH (départ ferme), ceux des œufs de consommation sont également trop bas, y compris durant Ramadan 2017 où la consommation bat son plein. Seules les viandes de dinde sont plus ou moins rentables», expliquent, d’entrée de jeu, Chaouki Jerrari, directeur de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA). Le rebond de la production en 2017 après un exercice de 2016 plombé par la grippe aviaire n’a rien arrangé pour les aviculteurs du fait que la loi de l’offre et de la demande joue à fond. Conséquence : la baisse de production est le scénario le plus plausible pour 2018, à en croire les professionnels.
Beaucoup de contraintes sur le marché africain
Pour pouvoir rentabiliser ses capacités de production et accroître son apport au PIB agricole, la filière, via la FISA, active deux principaux leviers. Il s’agit de booster la consommation sur le marché local à travers les campagnes de promotion visant à la fois la communication autour des qualités nutritionnelles et la déconstruction de certaines rumeurs sur les produits avicoles. Le second levier consiste à développer l’activité à l’export, principalement en Afrique subsaharienne. Ce qui est loin d’être une mince affaire. Initié en 2010 à l’initiative de certains opérateurs, l’export des produits avicoles «made in Morocco» s’est certes développé, mais en dents de scie pour les poussins et les viandes de volaille. Seul l’œuf à couver a connu une ascension fulgurante avec un volume qui est passé de 3,266 millions d’unités en 2010 à 18,497 millions en 2017.
Coûts logistiques et transit time trop élevés, barrières tarifaires et réglementaires, insuffisance des infrastructures de froid et de stockage…. Ce sont là les principales contraintes qui freinent le développement des exportations marocaines sur le marché subsaharien.
Pour y voir plus clair et élaborer une stratégie de développement des exportations marocaines et leur plan promotionnel, la FISA et l’Établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE) ont réalisé entre 2016 et 2017 une étude dans trois pays, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Togo. Il en ressort que ces trois pays disposent de 15 millions de consommateurs potentiels où la consommation du poulet de chair est encore faible. «L’aviculture démarre à peine dans ces pays avec des consommations ne dépassant pas trois kilos par an et par habitant», observe M.Jerrari. Plus encourageant encore, l’urbanisation galopante, la modernisation de la distribution et les prix élevés des produits avicoles dans ces pays constituent autant d’opportunités.
Toutefois, le protectionnisme – interdiction d’importer des poulets vifs ou la viande de volaille congelée comme au Mali -, la hausse des tarifs douaniers (5 à 28%), couplée à l’irrégularité et la cherté du fret aérien bloquent la montée en puissance des exportations. «Nous recevons parfois des commandes que nous ne pouvons pas satisfaire», déplore-t-il. Valeur aujourd’hui, l’export se fait uniquement par voie terrestre ou via l’implantation d’unités d’accouvage pour produire sur place des poussins comme l’ont fait deux opérateurs marocains en Mauritanie et en Côte d’ivoire, selon notre interlocuteur.
Amélioration de la notoriété des produits marocains
La stratégie de pénétration préconisée par les auteurs de l’étude est basée sur la structuration des filières des pays ciblés et l’amélioration de la notoriété des produits marocains. Pour ce faire, ils recommandent des actions comme les tournées exécutives de l’ONSSA, de la FISA et du ministère de l’agriculture dans ces pays, ainsi que la formation et l’encadrement au Maroc des acteurs professionnels des pays cibles. Ce que la FISA a déjà commencé à faire avec la formation de professionnels africains à l’Avipole d’Ain Jemaa ou durant la dernière édition du Salon Dawajine.
Reste le marché européen. «Le Maroc ambitionne d’exporter des viandes de volaille traitées thermiquement (la charcuterie, ndlr) et c’est dans ce cadre que trois audits ont été réalisés à ce jour sans qu’il n’y ait un refus, mais des recommandations au terme des deux premiers», explique M. Jerrari. Les deux premiers n’ont pas abouti au feu vert mais à des recommandations de la part des experts de l’Union européenne. Pour le troisième, le verdict n’est pas encore rendu. Il «sera connu d’ici la fin d’année», confie Chaouki Jerrari.
[tabs][tab title = »Les performances en phase avec les objectifs du contrat-programme« ]Selon les chiffres récents de la FISA, la filière a réalisé un chiffre d’affaires de 28,50 milliards de DH, soit 75% de l’objectif fixé par le contrat-programme. La production des viandes de volaille et œufs de consommation a atteint respectivement 640 000 tonnes (71%) et 5,5 milliards d’unités (76%). S’agissant de la consommation annuelle moyenne par habitant, elle est de 19,7 kilos de viandes (79%) et 180 unités d’œufs de consommation (90%). Dans cette phase d’expansion, la filière avicole compte 475 000 emplois directs et indirects à fin 2017, soit 95% de l’objectif fixé à l’horizon 2020.[/tab][/tabs]