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Affaires

Arbitrage : comment la Cour de cassation a fluidifié la procédure

La tendance jurisprudentielle, limitant le pouvoir des juges, a accéléré le rythme des exéquaturs. Les praticiens demeurent insatisfaits au vu de l’utilisation abusive des voies de recours et du manque de motivation des juges. L’arbitrage interne a encore du mal à s’imposer.

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La Cour de cassation encadre le droit opposition de la CNSS et du Tresor

Une bonne nouvelle pour le climat des affaires. Deux ans après la décision majeure de la Cour de cassation (www.lavieeco.com), l’exécution des sentences arbitrales semble enfin moins compliquée. Les magistrats de la plus haute juridiction ont en effet limité la compétence du juge marocain dans la procédure d’exequatur, une procédure qui donne la force exécutoire à un jugement étranger ou à une sentence arbitrale. Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait considéré qu’une «Cour d’appel doit rechercher si un jugement étranger remplit toutes les conditions de régularité internationale, tant au regard de la compétence du juge saisi que de l’application au litige de la loi appropriée. La circonstance qu’un jugement étranger ne comporte pas de motivation ne peut, par elle-même, faire obstacle à l’exequatur». Le juge marocain a ainsi été sommé de ne prendre en considération que les trois conditions cumulatives prévues par le Code de procédure civile: Que le juge étranger soit compétent, qu’il ait appliqué la loi adéquate et que cette loi ne porte pas atteinte à l’ordre public. Cette décision a surtout eu un impact sur l’exécution des sentences arbitrales. L’équivalence est en principe prononcée par le juge de l’exécution du tribunal de première instance du lieu où la sentence a été prononcée, mais également devant le président de la Cour d’appel lorsque la sentence fait l’objet d’un recours. «Le juge de l’exequatur se contente désormais de contrôler que la sentence n’est pas entachée d’un vice trop grave et ne pourra pas réviser la sentence au fond. Il vérifie la régularité formelle de la sentence, sa validité, et notamment, ici, sa conformité à l’ordre public, ainsi que la validité de la convention d’arbitrage», indique le président de la Cour marocaine d’arbitrage, Mohamed Mernissi. Ainsi, les procédures d’exéquatur ont progressé de plus de 50% entre 2015 et 2016, selon la direction civile du ministère de la justice, pour atteindre, pendant l’année en cours, plus de 150 sentences internationales ayant désormais le caractère exécutoire, sachant par ailleurs que près de 1 000 jugements étrangers ont été validés. 

Plus de 80% des contentieux économiques et financiers sont réglés devant les tribunaux

Bien qu’il s’agisse d’une nette évolution, les praticiens estiment que ce n’est pas encore assez «pour crédibiliser la justice marocaine face aux investisseurs». En plus de l’utilisation massive des voies de recours, qui endigue l’effectivité de l’arbitrage, les magistrats ont encore beaucoup de brèches légales pour ne pas appliquer les sentences. Pour cela, les juges opposent généralement le principe «d’ordre public international marocain». Un mécanisme systématiquement utilisé, qui trouve sa base dans la loi sur l’arbitrage et la médiation conventionnelle et qui donne le droit au juge de ne pas donner suite à la décision des arbitrages «lorsque la reconnaissance ou l’exécution d’une sentence entraînerait la violation de l’ordre public, soit en raison de la procédure au terme de laquelle la sentence a été rendue, soit en raison du contenu de la sentence (…)». En conséquence, les professionnels estiment que «si une partie d’une sentence, qui viole l’ordre public international, peut être dissociée d’une autre partie, qui y est conforme, la partie qui n’est pas en contradiction avec l’ordre public international doit être reconnue et exécutée». Le manque de motivation des décisions des juges est également pointée : «Si une juridiction refuse de valider une sentence, elle ne devrait pas se limiter à une simple référence à l’Article V.2 (b) de la Convention de New-York de 1958, ou à sa propre loi ou à sa jurisprudence», indique Mohamed Mernissi. Et d’ajouter : «Un exposé détaillé de sa méthode de raisonnement et des motifs du refus de reconnaissance ou d’exécution aidera à promouvoir une pratique plus harmonisée et à dégager un consensus sur les principes et les règles qui pourraient être considérés comme faisant partie de l’ordre public international».

Le but ultime demeure d’encourager l’arbitrage interne, notamment la place Casa Finance City. Selon les praticiens, plus de 80% des contentieux économiques et financiers sont réglés devant les tribunaux, et au niveau de leurs contrats internationaux, les investisseurs préfèrent se référer aux places londoniennes, new-yorkaises ou encore parisiennes… Raison pour laquelle Hicham Zegrary, directeur des opérations et des affaires institutionnelles de CFC Authority, explique qu’il est recommandé «aux investisseurs (détenteurs du statut CFC) d’intégrer une clause désignant Casablanca international mediation and arbitration center (CIMAC) comme lieu de règlement des litiges contractuels».