Affaires
Alerte ! Pénurie dans l’immobilier d’entreprise à Casablanca
Sur une demande de 1 000 ha exprimée auprès du CRI de Casa, une faible part a été satisfaite
En 2005, 75 % des surfaces mises sur le marché ont été écoulées
Les promoteurs immobiliers toujours frileux à produire des plateaux de bureaux malgré la demande croissante.
Monter sa propre affaire à Casablanca est loin d’être une entreprise aisée. Et pour cause, si aujourd’hui les démarches administratives sont fluides, il devient, en revanche, de plus en plus difficile de trouver un local. Les services du Centre régional d’investissement (CRI) ont, durant les huit premiers mois de l’année 2006, reçu une demande cumulée de la part des investisseurs pour l’immobilier d’entreprise portant sur une superficie globale de 1 000 ha. Et très peu ont été effectivement satisfaits.
Cela dit, tout dépend de l’activité à laquelle le local demandé sera destiné. L’appellation générique d’immobilier d’entreprise comporte en fait cinq types d’offres différents: les zones industrielles, les plateaux de bureaux, les plates-formes logistiques, les centres commerciaux et les plates-formes de stockage. Mais de manière globale, la demande sur le segment est incontestablement à la hausse. Entre 2001 et 2005, le marché a connu une croissance de l’ordre de 47 %, soit une moyenne annuelle d’écoulement de 94 600 m2. Evidemment, «les prix ont suivi cette tendance à la hausse», souligne William Simoncelli, directeur général de Carré Immobilier Maroc, agence immobilière qui assure aussi bien la vente de bien immobilier que le conseil aux investisseurs. Ainsi, et pour ce qui est de la location, près de 70 % des surfaces ont été louées à raison d’une moyenne de 10 000 à 12 000 DH par mois pour les 100 m2. Pour ce qui est de la vente, la barre des
10 000 DH/m2 est largement dépassée dans la majorité des cas. Ainsi, 38% des surfaces vendues l’ont été à des prix allant de 10 000 à
10 500 DH/m2 au moment o๠le prix de cession de 27% des surfaces vendues a dépassé les 12 000 DH/m2.
Malgré le potentiel de la demande, le secteur demeure paralysé par une offre jugée inadéquate «Les rues de Casablanca sont remplies de plateaux de bureaux vides qui ne trouvent pas preneurs », souligne Youssef Iben Mansour, président de l’Association des lotisseurs et promoteurs immobiliers de Casablanca (ALPIC). En 2005, le stock d’immobilier destiné aux bureaux était estimé à près de 179 000 m2. L’Agence urbaine de Casablanca, pour sa part, a octroyé des autorisations pour la construction de 109 218 m2. Or, durant cette même période, seuls 110 000 m2 ont été écoulés. «Et ce n’est pas par manque de demande», reconnaissent à l’unanimité tous les acteurs interrogés. En fait, «la majorité de l’offre immobilière n’est pas compatible aux besoins des entreprises», explique M. Iben Mansour. Un autre professionnel du secteur abonde dans le même sens. «Les promoteurs marocains qui produisent l’immobilier d’entreprise, les plateaux de bureaux notamment, le font sans pour autant prendre en considération les attentes des entreprises. C’est ainsi qu’on se retrouve avec de grands immeubles avec un seul ascenseur ou avec une seule place de parking pour un plateau de
200 m2. Ce qui est loin d’attirer les patrons d’entreprise», précise pour sa part le DG de Carré Immobilier Maroc. La norme est, signalons-le, de deux ascenseurs au minimum par immeuble destiné à accueillir des plateaux de bureaux et une place de parking pour 80 m2 minimum.
Des plateaux de bureaux mal équipés
Les causes de cette «non-professionnalisation» de l’offre sont à imputer aux promoteurs qui se lancent dans des projets sans en avoir étudié les différents détails. «La politique économique nationale va dans le sens de l’encouragement des services. Or, il se trouve que les bureaux proposés aux investisseurs ne disposent même pas d’une infrastructure de câblage convenant à ce type d’activités», précise un promoteur immobilier, dont l’entreprise propose aussi bien des offres pour le résidentiel que pour les entreprises. Pour William Simoncelli, cette situation résulte d’un manque de conseil auprès des promoteurs. Ces derniers ne manquent d’ailleurs pas, après coup, de recourir au consulting de cabinets immobiliers. La première édition du salon Immo Pro, tenue en mars 2006 à Casablanca, a représenté une opportunité de rencontre entre promoteurs, demandeurs et conseillers. «Nous essayons de trouver les meilleures solutions pour optimiser ces investissements immobiliers comme proposer des agencements à même de rendre la plate-forme immobilière plus attractive», souligne le directeur de Carré Immobilier. Et de citer en guise d’exemple le cas de la Résidence Yasmine sur le boulevard Ghandi. «Ses propriétaires ont fait appel à nous pour valoriser les locaux commerciaux au rez-de-chaussée. Nous leur avons tout simplement proposé de les reconvertir en espaces pour bureaux destinés aux architectes, médecins et autres professions libérales».
«Il ne s’agit pas de construire comme on érige un immeuble destiné à l’habitation. Les règles de l’art nécessitent la préparation d’un cahier des charges qu’il faudrait respecter à la lettre», souligne par ailleurs le président de l’ALPIC, ajoutant que c’est ce qui a fait, justement, la réussite de plusieurs espaces dédiés à l’entreprise construits à Sidi Maârouf et à La Colline. «Le Zénith par exemple est un exemple de réussite en matière d’offre immobilière destinée aux entreprises». Casashore est également un projet qui obéit à cette logique d’espace très attractif des investisseurs, étrangers notamment.
Les promoteurs préfèrent l’immobilier résidentiel
C’est un fait. Les promoteurs choisissent le gain assuré sans le moindre risque. C’est le cas pour l’immobilier d’entreprise. Et les professionnels de la promotion sont unanimes à avancer que l’attrait de l’immobilier résidentiel est beaucoup plus grand. «Mais ce n’est pas fait pour durer. Si, actuellement, la demande sur les logements est en hausse, rien ne garantit que dans une dizaine ou une quinzaine d’années, ce rythme sera maintenu», souligne un acteur économique casablancais.
Les estimations de l’Agence urbaine de la métropole économique, utilisées dans l’élaboration en cours actuellement du schéma d’aménagement urbain, prévoient une demande de logements pour 250 000 ménages sur les quinze années à venir. Par contre, ce seront pas moins de 450 000 nouveaux demandeurs d’emploi qui s’ajouteront sur le marché d’ici là (actuellement, le taux de chômage à Casablanca atteint 21 %, le plus élevé du Royaume). «Il est donc plus urgent et beaucoup plus perspicace pour les professionnels de la construction ainsi que pour les pouvoirs publics de prendre ces prévisions en considération et de favoriser l’émergence de nouvelles zones d’activités économiques». Des professionnels vont même jusqu’à demander une obligation d’instaurer un ratio pour encourager les promoteurs à diversifier leurs offres immobilières
|
||
|