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5 000 villas de haut standing en attente d’acheteurs à Casablanca
A Casablanca et Rabat, le segment de l’immobilier de luxe a été sauvé par la clientèle marocaine. Les ventes ont pourtant reculé de 10%. A Marrakech et Tanger, les baisses des ventes avoisinent les 30 à 40%. Des promoteurs spécialisés dans le haut standing signalent un accroissement des désistements.

Le marché de l’immobilier de haut standing souffre toujours. Mais la crise est plus prononcée dans deux villes, à savoir Marrakech et Tanger, tandis qu’à Casablanca et Rabat la situation n’est pas aussi morose, même si les ventes ont reculé de 10%, selon les estimations des professionnels. Pourtant, cela n’a pas empêché le prix du mètre carré dans ces deux villes d’augmenter. «Le mètre carré s’est apprécié de 30 à 40% dans certaines zones très prisées de la capitale économique», estime un responsable de Securis Finances, entreprise spécialisée dans l’investissement immobilier.
Casablanca et Rabat : ventes en baisse mais chiffre d’affaires en hausse
Dans la zone appellée communément par les professionnels de l’immobilier Triangle d’or, qui s’étend du boulevard Massira (Maârif) aux périphéries des Twin Center, le prix du m2 est passé de 18 000 à 30 000 DH, et encore ! Ces prix sont pratiqués au niveau de l’achat en Vefa (vente en l’état futur d’achèvement) réputés être moins chers. Cela veut dire que ces prix seront appelés à monter dans les six prochains mois.
Il faut dire que le segment du haut standing à Casablanca et Rabat continue à prospérer, principalement parce que le produit a été adapté à une clientèle marocaine. «Ce sont exclusivement des Marocains qui achètent ces logements haut standing et, en grande majorité, ils l’acquièrent en tant que résidence principale», précise Omar Naciri, PDG de Casa Diaa. Le profil type ? C’est surtout un couple de cadres supérieurs. Plus précisément, ajoute M. Naciri, «il a la quarantaine et il possède déjà un bien immobilier souvent de standing moins important qu’il revend pour s’assurer des fonds propres avant de contracter un crédit bancaire pour compléter le reste du financement». Très souvent donc, il n’est pas à sa première acquisition immobilière. Figurent également parmi les acheteurs de ce type de produits, «les chefs d’entreprises, les médecins, les avocats et autres professions libérales», poursuit William Simoncelli, de l’agence Carré immobilier.
Cette clientèle n’est pas nombreuse mais elle a une spécificité commune : elle est de plus en plus exigeante en termes de qualité et de respect de livraison aussi bien au niveau du délai que des promesses faites par le promoteur pour la finition du produit. Par conséquent, ils mettent ainsi plus de temps pour passer à l’acte d’achat. «C’est ce qui explique que le délai de réception s’est rallongé ces derniers temps», conclut M. Simoncelli. Une chose est sûre : ces clients sont bien informés sur la situation du secteur et ils n’hésitent pas à tirer profit de la conjoncture difficile que celui-ci traverse, en se montrant plus exigeants et en négociant les prix.
Risque de surproduction dans les mois à venir
Un autre fait, conjoncturel celui-ci, a bénéficié en plus à Casablanca particulièrement. En raison de la rétraction de la Bourse, plusieurs capitaux ont trouvé refuge dans l’immobilier. Paniqués par les fluctuations observées ces deux dernières années par la place casablancaise, «beaucoup d’investisseurs en quête de placements plus sûrs se sont convertis à ce secteur», indique cet expert de Securis Finances.
Les professionnels ont cependant quelques préoccupations. Bien qu’ils évitent d’en parler, ils sont conscients du risque qui plane sur ces deux villes, à savoir une offre plus abondante que la demande. «Il faut faire attention à cette surproduction», prévient à juste titre Rachid Khayati, PDG de KLK immobilier. Cette mise en garde est d’autant judicieuse que la clientèle visée est en fait une niche. Rien qu’à Casablanca et sa périphérie (Bouskoura, Dar Bouazza, Tamaris), 5 000 villas sont, selon les estimations des professionnels, proposées à la vente dans le cadre de nouveaux programmes. Trouveront-elles toutes preneur ?
C’est en fait ce scénario que vit actuellement Tanger et Marrakech où se sont développées les résidences secondaires haut de gamme. Certes, il y a des promoteurs qui, en adaptant leur produit à la nouvelle situation, s’en sortent plutôt bien. «On vend moins vite qu’auparavant, mais on commercialise assez bien notre programme Al Maaden et on démarre bien celui de Kenza», confie Karim Belmaachi, DG de Alliances développement immobilier. Toutefois, la plupart des promoteurs ont du mal à liquider leurs stocks. Au point de se confronter à un problème délicat : le désistement des clients. «A fin 2008, on était à un taux de commercialisation à 95% mais aujourd’hui on se retrouve avec 10% d’invendus. Autrement dit, en cours de route, des clients se sont désistés. A cela s’ajoutent 38% d’acheteurs qui officiellement ont réalisé l’opération d’achat (en concluant des compromis de vente) mais qui ne viennent pas finaliser le contrat final, faute de financement, ce qui compromet la totalité du projet», déplore le patron d’un grand groupe immobilier.
Pour Marrakech et Tanger, un autre facteur a contribué à la crise : le produit était très prisé par une clientèle étrangère, notamment européenne qui se fait rare avec la crise. Du coup, les prix eux aussi ont subi une baisse que les professionnels qualifient plutôt de réajustement avec la réalité du marché.
