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2012 : 4.1% de croissance selon le HCP… grà¢ce à  la demande intérieure

La consommation des ménages a augmenté de 6.5% en 2011 et progresserait de 5% en 2012. Contribution nulle des échanges extérieurs à  la croissance en 2011 et négative en 2012. Ce modèle de croissance fondé sur la demande intérieure commence à  s’essouffler.

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Les résultats, encore préliminaires, de l’économie marocaine en 2011 sont maintenant annoncés, officiellement, et à quelques décimales près, ils sont conformes à ce que nous attendions et même à ce que nous annoncions ici même. La croissance économique a été de 4,8% selon le Haut commissariat au plan (5% selon le ministère des finances), l’inflation de 1,3% (0,9% pour les prix à la consommation) et le déficit budgétaire de 6,2% du PIB (50,1 milliards de DH).
Dans un contexte de quasi-récession des principaux partenaires du Maroc, le niveau de hausse de l’activité économique, donc de la richesse produite, est plutôt correct. Le seul problème, c’est celui de l’aggravation des déficits, à la fois interne et externe. Et le déficit extérieur paraît plus problématique que celui des finances publiques : alors que celui-ci procède d’un choix volontaire de soutenir le pouvoir d’achat, via la compensation (autrement, il n’y aurait pas eu de déficit), celui-là est lié, certes, en partie à la crise qui sévit en Europe, mais plus fondamentalement à la faiblesse, d’une part, de l’offre exportable marocaine, et, d’autre part, au modèle de croissance basé sur une demande intérieure en pleine expansion.
Selon les indications du budget économique prévisionnel du Haut commissariat au plan (HCP), qui présente les dernières estimations pour 2011 et les prévisions pour 2012, malgré une évolution plus rapide, en termes réels (c’est-à-dire hors effet prix) des exportations (7,8%) que des importations (6%), la demande extérieure nette a dégagé une contribution nulle à la croissance économique en 2011. Autrement dit, la croissance réalisée a été tirée presque exclusivement par une demande intérieure en forte augmentation. En effet, la consommation des ménages a progressé de 6,5% contre 2,2% en 2010, contribuant ainsi pour 3,7 points à la croissance du PIB au lieu de 1,3 point en 2010. L’investissement de son côté a crû de 4,5% et contribué pour 1,4 point à la croissance économique. D’une certaine manière, le niveau abyssal du déficit de la balance commerciale (-185,5 milliards de DH) constitue à bien des égards le «témoignage» éloquent de la robustesse de la demande intérieure ; même si la composante «consommation des ménages» de cette dernière a aussi bénéficié des effets positifs de la campagne agricole 2010/2011, avec notamment une production céréalière en hausse de 12% à 84 millions de quintaux.

Fort repli de la demande étrangère adressée au Maroc en 2012

Qu’en sera-t-il de 2012 ? Dans son budget économique prévisionnel, et moyennant un jeu d’hypothèses dont notamment une demande extérieure en forte décélération (2,1% de croissance au lieu de 5,6% en 2011), une stabilité des recettes MRE et de tourisme, une production céréalière de 60 millions de quintaux…, le HCP prévoit un ralentissement de la croissance dont la progression ne devrait pas dépasser 4,1%. Auparavant, le ministre de l’économie et des finances, Nizar Baraka, avait, lui, avancé pour 2012 une prévision de croissance quasiment la même que celle du HCP (4,2%).
Les secteurs qui contribueront à cette croissance, ce seront d’abord les services (surtout marchands et les administrations publiques), à l’exception du tourisme qui pâtit d’une conjoncture difficile ; de sorte que le secteur tertiaire dans son ensemble devrait croître de 5,2% au lieu de 4,5% en 2011. Le secteur secondaire (mines, énergie, industries de transformation, BTP), en revanche, connaîtrait une croissance légèrement moindre (4,3%) qu’en 2011 (4,7%). Ce léger repli de l’activité secondaire trouvant son origine précisément dans le rétrécissement de la demande étrangère. Rappelons ici que la croissance dans la Zone Euro, selon les dernières prévisions provenant de différentes sources (FMI, Banque mondiale, OCDE…), serait négative en 2012 (-0,5%) au lieu de 1,6% en 2011.
Concernant le secteur primaire, et en fonction de l’hypothèse de 60 millions de quintaux de céréales retenue, sa valeur ajoutée serait, conséquence de l’effet de base notamment, en baisse de 2,2%. Par ailleurs, vu le retard des précipitations, certaines cultures pourraient être très affectées, si elles ne le sont déjà.
Ceci pour l’offre. La demande, elle, sans surprise, reste interne ; les échanges extérieurs, une nouvelle fois, contribuant négativement (-1,3%) à la croissance du PIB. Dans ce contexte, prévoit le HCP, la consommation des ménages devrait s’accroître à un rythme toujours soutenue (5%), celle des administrations publiques un peu moins (2%), alors que l’investissement, lui, croîtrait de 6%. Au total, la demande intérieure, sous ces évolutions et toutes composantes confondues, contribuerait pour 5,4 points à la croissance du PIB de 2012, au lieu de 4,8 points en 2011.
Cette configuration de la croissance a amené le HCP à s’interroger de nouveau sur la soutenabilité de ce modèle, porté depuis une dizaine d’années par la demande intérieure. «A défaut d’une offre nationale exportable évoluant à un rythme suffisant pour limiter le déficit de la balance commerciale, la demande intérieure en tant que moteur de la croissance a tendance à creuser depuis 2007 les déficits internes et externes du pays», peut-on lire dans le document du HCP. C’est en effet depuis 2007 que le compte courant de la balance des paiements a entamé un cycle de déficit qui a culminé en 2011 à 6,6% du PIB. Pour le HCP, ce déficit de financement de l’économie, résultant d’une croissance élevée des importations au moment où les exportations peinent à atteindre un rythme accéléré et pérenne, s’apparente, en réalité, à «une fuite vers l’extérieur des effets du dynamisme de la demande intérieure». Avec d’autres mots, on pourra dire que la bonne tenue de la consommation et de l’investissement permettent, in fine, à des usines de tourner non pas au Maroc mais à l’étranger. Dans ces conditions, la détérioration de la capacité de financement de l’économie nationale (l’épargne ne finançant que 80% des investissements, au lieu de 109% en 2006 par exemple) apparaît comme une conséquence logique de ce modèle.
Le problème est que cette situation pourrait perdurer si, d’une part, les économies des pays partenaires ne se redressaient pas rapidement (ce qui est une hypothèse hautement probable), et, d’autre part, un «rééquilibrage» du modèle actuel de croissance, comme le propose le HCP (voir encadré) n’était pas mis en place. Auquel cas, le besoin de financement de l’économie (qui correspond en fait au déficit du compte courant) s’établirait à 8,5% du PIB en 2015. En 2012 déjà, il devrait atteindre 7,1% du PIB au lieu de 6,6% en 2011 et de 4,3% en 2010. C’est une dégradation continue qui est difficilement soutenable même à moyen terme. Le gouvernement Benkirane en est bien sûr conscient. Le ministre de l’économie a d’ailleurs parlé il y a quelques jours de la nécessité de maîtriser le déficit du compte courant et de ramener, progressivement, celui du budget à 3% du PIB à l’horizon 2016. Et dire que, il y a encore peu, cet objectif était, chaque année, inscrit dans la Loi de finances !