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Affaires

2005, une année plutôt moyenne

Le secteur non agricole a amorti le choc de la sécheresse mais
les finances publiques restent soumises à rude épreuve.
Tourisme, BTP, automobile, télécoms… les secteurs qui ont le
vent en poupe.
Textile, agro-industrie, IMME… des performances mitigées.
La dépendance à l’égard des performances agricoles diminue.

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rub 1576

Le compte à rebours a commencé. Plus que trois semaines avant le baisser de rideau sur 2005. Les événements qui s’y sont produits, ses déceptions mais aussi ses succès conditionneront sans nul doute le mental des hommes d’affaires pour 2006. De prime abord, on notera que 2005 a été globalement difficile. D’abord pour l’Etat, qui a eu du mal à tenir les cordons de la bourse. En effet, malgré les ressources significatives générées par les privatisations, le budget sera bouclé sur un déficit de l’ordre de 5,3 %.
La dernière contre-performance de cette taille remonte à 2000. La flambée des cours du pétrole qui a entraîné la hausse des charges liées à la compensation n’est pas étrangère à ces résultats mais n’explique pas l’incapacité de l’Etat, qui a fait de gros efforts en matière de recouvrement des impôts, à mieux gérer ses comptes.
Les difficultés rencontrées se lisent aussi dans le taux de croissance, qui sera de 1,8 % pour le ministère des Finances tandis que le HCP (Haut commissariat au plan), beaucoup moins optimiste, ne table que sur 1,2 %. Encore une fois, c’est le secteur agricole qui a été déterminant dans le résultat final. Avec une récolte céréalière médiocre (41 millions de quintaux), qui s’est traduite par un fléchissement très marqué du PIB sectoriel (-15,2 %) d’une année à l’autre, on peut même dire que l’essentiel est sauf. En somme, le secteur non agricole a bien amorti le choc même si les performances sectorielles varient d’une branche à l’autre (voir p. 10 et 11).

Les patrons n’ont pas cédé au découragement
Pourtant au début de l’année, précisément au beau milieu du premier semestre, les opérateurs économiques de tout bord ne cachaient pas leurs inquiétudes. A l’époque, La Vie éco, à travers un sondage, avait relevé ce sentiment. Mais ils avaient aussi promis qu’ils ne baisseraient pas les bras face aux difficultés conjoncturelles ou structurelles (cf. La Vie éco du 20 mai 2005).
Signe que le secteur non agricole a relativement bien tenu le coup, les principaux indicateurs d’activité ont suivi une tendance favorable. Les ventes de ciment ont par exemple continué à progresser. A fin octobre, 8,6 millions de tonnes ont été vendues, en hausse de 5 % par rapport à la même période de l’année. On pouvait espérer mieux si l’activité immobilière de Casablanca avait évolué au même rythme que celle de Marrakech, en proie à une certaine frénésie dans le domaine, ou de la région Nord qui sort de sa léthargie grâce aux projets d’infrastructures (autoroutes, port de Tanger Med…). Les BTP, considérés comme une locomotive dans toutes les économies, sont donc un des secteurs inspirés durant 2005. La valeur ajoutée du secteur devrait atteindre 23,8 milliards de DH au terme de l’année, soit une augmentation de 6,7% comparativement à l’année précédente. Il n’en demeure pas moins que l’arrivée de mastodontes étrangers et le secteur informel continuent de fragiliser les entreprises locales structurées.
Autre signe de la solide résistance du secteur non agricole, la demande d’énergie électrique est bien orientée. Déjà sur les sept premiers mois, l’offre avait cru de 16,2 % par rapport à la même période de l’année précédente. Cette amélioration, l’INAC (Institut national d’analyse de la conjoncture), dépendant du Plan, l’attribue au raffermissement de la demande intérieure des ménages et des entreprises, en hausse de 11,2 et 7,2 % d’une année à l’autre.

Le chômage s’est stabilisé à 11 %
La vigueur de la demande est également perçue à travers la nette progression des crédits bancaires. Pour ces deux catégories de clientèle, les concours se montent à 261,7 milliards de DH à fin octobre, s’appréciant de 14,9 % par rapport à décembre 2004. Sur la même période, les crédits d’équipement se sont appréciés de 15,2%, à 54,5 milliards de DH, les crédits à la consommation de 9,8 % à 10,8 milliards, et les crédits à l’immobilier (particuliers et promoteurs) de 23 % à 56,1 milliards.
Cette tendance à la hausse de la demande, remarquée dès le premier semestre, n’est pas près de s’inverser, notamment en raison de l’accroissement relatif des revenus consécutif à l’application des mesures du dialogue social et, il faut aussi le souligner, à une inflation bien maîtrisée. Comme la machine s’auto-entretient, les entreprises profitent directement de la manne. Mais cela ne doit pas pousser à occulter les difficultés à conquérir les marchés étrangers. Globalement, les exportations ont patiné. Déjà à fin juillet elles affichaient un gap de 1,7 % comparativement à la même période de 2004. Etaient en baisse notamment les produits finis de consommation, textile pour l’essentiel, les produits d’équipement (fils et câbles, pneumatiques, voitures industrielles…) et les produits alimentaires. S’il y a eu par la suite une amélioration pour le secteur textile, les autres secteurs touchés ont du mal à rebondir. C’est le cas de l’agroalimentaire qui a eu du mal à digérer les effets conjugués des gelées du premier trimestre et de la sécheresse. Ses difficultés transparaissent nettement sur le secteur des emballages. Ce qui fait dire à Aziz Kadiri, président de la Fifage (Fédération des industries forestières, des arts graphiques et des emballages) que «2005 a été une année frustrante».
Bref, un gros effort est à fournir d’autant plus que la progression continue des importations contribue à la détérioration du taux de couverture qui n’est plus que de 56%. Mais comme le marché de l’emploi ne s’est pas dégradé – le chômage est stabilisé autour de 11 % -, on peut dire que l’économie s’agrippe solidement. Mieux, en analysant les offres d’emploi traités tout au long de l’année, nombre de spécialistes en recrutement estiment que les entreprises font mieux que résister. A leur avis, leur quête de compétences s’explique non seulement par une reprise sensible des affaires mais aussi par la volonté d’activer leur structuration. Par exemple, les besoins sont exprimés pour des spécialistes en ressources humaines, des acheteurs logisticiens, des trésoriers et contrôleurs de gestion. Des métiers auparavant considérés comme des supports ou un simple luxe. Au total, le marché de l’emploi des cadres aurait progressé de plus de 50 %. Pratiquement tous les secteurs ont contribué au réchauffement du marché. L’important est que Casablanca n’a plus le monopole du recrutement. Le Nord, avec ses projets d’infrastructures et Marrakech, portée par le tourisme, s’affirment comme des pôles économiques sur lesquels il faut compter.

Encore des efforts à faire en matière de réforme institutionnelle
L’externalisation plus marquée du recrutement montre par ailleurs que les entreprises considèrent davantage ce service comme un investissement qu’il faut soutenir pour aller de l’avant que comme une charge, souvent la première à être rabotée en cas de crise. Même observation pour la communication. Les budgets n’ont pas explosé cette année mais ils n’ont pas non plus été réduits. Selon Nourredine Ayouch, patron de l’agence Lowe Shem’s, «les investissements en communication ont suivi un trend normal, en l’absence de manifestations importantes». En revanche, pour Hamid Kadiri, qui préside le groupe Klem Euro RSCG, «2005 est une année relativement bonne (hausse de 10 à 12 %), intervenant après le cru exceptionnel de 2004, année qui a connu une progression spectaculaire de plus de 20 %». Cette progression globale est le fruit d’une croissance verticale (développement des investissements d’annonceurs de secteurs très concurrentiels : télécoms, lessiviers, voitures, produits laitiers…) mais aussi horizontale avec l’entrée en scène de nouveaux annonceurs.
Encore un élément prouvant que l’économie résiste tant bien que mal, à défaut de pouvoir amorcer une cadence plus soutenue. Mais loin de là l’idée de se contenter d’une telle évolution. On le dit depuis des années, à longueur de colloques, séminaires, tables rondes et autres assises : le pays a besoin d’un taux de croissance fort d’au moins 5,5 % par an pour résorber les déficits sociaux. Cet objectif nécessite une politique économique claire qui donne une place importante à l’investissement, seule source de création de richesse. On ne peut pas passer sous silence la rareté de réelles stratégies sectorielles. A cet égard, l’exemple du tourisme montre amplement qu’il n’y a pas de fatalité.

Com’ese

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